www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
Par Barry Rubin, directeur
de "Global Research in International Affairs Center", il publie la
revue "Middle East Review of International Affairs".
Article paru dans le Jerusalem Post du
14 juin 2005
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com
Que pensent les états arabes de la
politique américaine au Moyen Orient et que devraient-ils en penser?
Il est vraiment remarquable que les
erreurs de perception soient encore aujourd'hui aussi énormes, à l'ère des
communications rapides, de l'Internet et de la télévision par satellite.
Cependant, quelle que soit cette incompréhension de l'Occident vis à vis de cette
région, l'inverse est encore plus vrai.
Le point de vue officiel et public qui
prévaut dans le monde arabe et en Iran – à l'exception de quelques articles
épars de libéraux – est que les Etats-Unis sont un pays impérialiste qui
opprime ses musulmans et commet toutes sortes d'atrocités (1). Le thème le plus
répandu est que l'Amérique est la source de tous les maux et de tous les
errements et il est répété dans les écoles, les sermons, les compte-rendus du
gouvernement, à la télé et à la radio, dans tous les médias et les même dans
les déclarations des intellectuels.
Les radicaux mènent l'offensive contre
l'Amérique, les modérés cherchent à la persuader de s'écarter du vice!
Trois sentiments prévalent à l'égard de
la politique américaine et de la présidence de G W Bush, la haine, le mépris et
le blâme pour son échec à résoudre les conflits, Israélo-palestinien et
Irakien. Aucun qualificatif, aucun mensonge n'est épargné pour diffamer les
Etats-Unis.
Cette apparente unanimité persuade même
beaucoup d'Occidentaux que ces revendications sont authentiques ou du moins
qu'elles représentent les ressentiments des Arabes. Une telle conclusion
néglige le fait que ces sentiments sont le fruit d'une désinformation
généralisée, initiée par des dictateurs cherchant à faire porter le chapeau à
d'autres pour leurs propres échecs, ou par des révolutionnaires cherchant à
chevaucher le sentiment de haine populaire pour se maintenir ou prendre le
pouvoir. Dans tous les cas, on est face à une suppression systématique de toute
voix opposée à la ligne officielle.
Mais ce n'est pas tout! Car derrière cet
énorme barrage officiel, il y a un débat à deux niveaux. Il y a d'abord un
débat, sinon une contestation, au sein de petits groupes d'arabes réformistes
et surtout dans la majorité du peuple Iranien qui ne supporte plus le régime
islamiste qu'on lui impose. Malgré des réserves surtout pour se protéger, ils
acclament l'administration Bush et sa nouvelle politique, qui cherche à
développer la démocratie au Moyen Orient. Cette politique est perçue par eux
comme un moyen de se débarrasser des dictatures qui les oppressent. Une
majorité en Irak a le même point de vue, voyant dans l'intervention américaine
une libération et un moyen de se défendre contre la terreur. Même s'ils
souhaitent que l'armée américaine quitte le pays aussitôt que possible, ils
sont néanmoins content de sa présence.
Plus étonnant encore, il y a le niveau
privé des élites qui gouvernent, ce qu'elles disent en secret ou dans les
réunions officielles à huis clos. Là point n'est besoin de rhétorique ni de
démagogie. Si elles veulent survivre, elles ont besoin de prévoir les réactions
américaines et de savoir comment répondre. Là on trouve un mélange de crainte
et de cynisme. Beaucoup de dirigeants arabes ne pensent pas que les Etats-Unis
presseront trop fort pour obtenir un changement politique réel dans leur pays.
Mais ils ont peur aussi que l'administration Bush ne soit vraiment sérieuse.
Est-ce que celle-ci essaye de renverser les régimes actuels ou seulement
cherche-t-elle à les punir pour leur conduite pendant des décennies. En
conséquence, ces élites ont développé une stratégie assez sophistiquée.
Poursuivre la propagande
contre l'Amérique pour être sûr que le peuple ne commence pas à penser que
"démocratie, liberté, modération" sont de vraies valeurs.
Cette tactique donne la
possibilité de blâmer l'autre pour ses propres erreurs, échecs et incompétence.
Il faut ajouter le fait qu'elle permet aussi aux dirigeants nationalistes de
prétendre assouvir les désirs des Islamistes.
Insister sur le fait qu'ils
sont déjà des états démocratiques, du moins dans le cadre de leurs valeurs et
traditions.
Affirmer qu'ils sont en
train de procéder à toutes sortes de réformes, incluant des changements mineurs
dans les droits de l'homme et dans les élections. Ainsi ces pays n'ont besoin
ni des conseils ni des critiques de l'Amérique.
Réprimer efficacement
toute dissension locale et toute menace par des mesures adaptées, récupération,
arrestation …. Le summum de l'élégance stratégique: d'abord réprimer toute
contestation intérieure sous le prétexte de la menace islamiste intégriste,
ensuite jeter le blâme sur l'Amérique qui demande qu'on la rejoigne dans la
lutte contre le terrorisme.
Faire le mort, car G W Bush
s'en ira en janvier 2009 et son successeur aura peut-être d'autres priorités ou
une autre politique. Au Moyen Orient on est patient, pas en Amérique.
Cette approche a l'air de bien marcher.
En tout cas, du point de vue des dirigeants, c'est la meilleure alternative.
Même le dictateur libyen, Moamar Gaddafi l'a bien compris ainsi que feu Hafez
al Assad, ex président de Syrie qui ont initié cette façon de faire, chacun à
sa manière, dans les années 90. Le fils Bashar ne semble pas avoir bien
compris, et il joue le jeu suranné du panarabisme, celui d'une génération
auparavant. Et il se trompe dangereusement.
Il faut savoir aussi qu'à la lumière de
la guerre d'Irak, de la déception à l'égard des chefs palestiniens, des succès
électoraux des islamistes etc…, à Washington on est en train de repenser la
politique à l'égard du Moyen Orient. On cherche à mêler "realpolitik"
(laisser tranquilles certains régimes arabes, l'Arabie Saoudite par exemple) et
la nécessité d'une démocratisation à long terme. Surdéployés en Irak en termes
de logistique et d'opinion publique, les Etats-Unis ne cherchent pas d'autres
confrontations. Si aucun leader arabe ne fait de mauvais calcul – peut-être pas
Bashar – le système décrit ci-dessus peut marcher encore longtemps, avec sa
stagnation économique, sinon son recul, sa dictature, son idéologie bon marché,
l'intransigeance palestinienne et tutti quanti.
En paraphrasant Winston
Churchill, ce qui arrive aujourd'hui ce n'est pas le début de la fin, mais la
fin d'un début. Mais c'est quand même un début.
Note de la traduction
(1) une diffamation récente du type
"les Américains ont pollué le Coran, en le jetant dans les WC" qui
rejoint les diffamations antisémites continuelles