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PROGRÈS AU MOYEN-ORIENT

Paix sans traités

 

Article par Charles Krauthammer

Paru dans Jewish World Review  le 2 décembre  2005

http://www.jewishworldreview.com/1205/krauthammer120205.php3

Adaptation française de Simon Pilczer, volontaire de l'IHC

 

Comme nous autres Américains tendons à mesurer le succès au Moyen-Orient à l’aune des cérémonies de signature à la Maison Blanche pleines de dignitaires, des poignées de mains tripartites et des pages de dispositions des traités, personne ne semble avoir remarqué comment, en l’absence de tout cela, il y a eu un étonnant progrès récent dans le désamorçage du conflit arabo-israélien.

 

Tout d’abord, l’intifada qui a duré plus de quatre ans, qui a fait plus de mille morts israéliens et 3000 morts palestiniens, est terminée. Et mieux que cela, elle est vaincue. Il n’y a pas beaucoup de supporters palestiniens pour en entamer une autre. En Israël, le tourisme est revenu, l’économie a retrouvé ses niveaux précédant l’intifada, et les cafés et les centres commerciaux sont de nouveau pleins.

 

Ensuite, le retrait de Gaza a été un succès. Du côté israélien, il a été accompli avec une remarquable rapidité et sans aucun grand bouleversement social ni conflit civil qui avaient été prédits. De même pour les Palestiniens, et sans la moindre fanfare, leur tout premier Etat vient de naître. Ils disposent d’une indépendance politique pour 1.3 million de personnes, de la souveraineté sur tout Gaza et, pour la première fois, d’une frontière vers le monde extérieur (le passage de Rafah vers l’Egypte) qu’ils contrôlent.

 

Troisièmement, des deux côtés de la ligne israélo-palestinienne, des campagnes électorales vigoureuses sont en cours. Le Premier Ministre Ariel Sharon a abandonné le Likoud, établi un nouveau parti centriste qui est devant tous les autres dans les sondages, il a efficacement marginalisé le reste des Israéliens qui veulent s’accrocher pour toujours à tous les territoires, et placé Israël sur la voie d’une solution territoriale modeste et accessible dans ce conflit vieux d’un siècle.

En conséquence, l’isolement régional d’Israël diminue, alors que des pays islamiques depuis le Pakistan jusqu’au Qatar et au Maroc ont ouvertement élargi ou intensifié leurs relations, et que des partisans du refus anti-israélien comme la Syrie et le Hezbollah sont isolés et même condamnés nominativement par le Conseil de Sécurité de l’ONU.

 

Comment cela est-il survenu ? L’unilatéralisme israélien et la maturation palestinienne.

Après un an et demi de terrorisme sans précédent, culminant avec le massacre de Pâques en 2002, les Israéliens ont finalement décidé qu’ils devaient abandonner l’illusion d’un partenaire de paix palestinien et prendre les choses dans leurs propres mains. Ils l’ont fait. Israël a réoccupé les villes de la rive occidentale qu’il avait cédées à Yasser Arafat, qui les utilisait comme des repaires du terrorisme ; Israël a entamé une campagne extrêmement efficace d’assassinats ciblés des dirigeants terroristes qui ont pour finir conduit leurs successeurs à déclarer une trêve avec Israël, et plus important encore, décidé unilatéralement de tracer la frontière entre Israël et la Palestine.

Gaza est désormais 100 % palestinienne. La barrière de sécurité qu’Israël a construit sur la rive occidentale créera, effectivement une seconde souveraineté palestinienne sur 92 % de ce territoire. Chacun sait ce que cette barrière signifie. Des Israéliens du côté palestinien de la barrière partiront en définitive d’une manière ou d’une autre. Et, lors d’un arrangement final – si et quand les Palestiniens se décideront à faire la paix avec un Etat juif – ces 8 pourcent résiduels pourraient être échangés avec des territoires israéliens transférés à la Palestine.

 

L’autre grand tournant a été la maturation du mouvement national palestinien. Arafat était un révolutionnaire qui dédaignait la construction nationale. Les révolutionnaires détruisent l’ordre ancien. Sa mission était de détruire Israël. Voilà pourquoi, à la consternation de ses admirateurs occidentaux, en 10 ans, il n’a pas construit une seule école, pas un hôpital, pas une route sur le territoire qu’il contrôlait. Au lieu de ça, il a mis en place une douzaine de milices privées et une machine de propagande d’Etat conçue pour intoxiquer la nouvelle génération contre Israël. Maintenant qu’il est parti, la cause palestinienne peut entamer la démystification de la révolution vers la construction nationale.

 

L’autre démystification a été Gaza. Les Palestiniens de Gaza viennent de recevoir ce qu’ils souhaitaient : leur propre gouvernement, des frontières, des ouvertures vers le monde extérieur et l’absence de tout Juif. En conséquence cependant, ils sont maintenant confrontés avec la tâche clairement peu romantique de créer leur propre nouvel Etat. Ce n’est pas que beaucoup de Gazaouites n’aimeraient poursuivre le roman d’amour du terrorisme révolutionnaire et du jihad. Mais ils n’en ont plus les moyens. La barrière de séparation rend presque impossible le lancement d’attaques en Israël. Et des rockets lancées vers les villes d’Israël sont contrées par des représailles israéliennes faites de barrages d’artillerie qui rendent les lanceurs de rockets plutôt impopulaires chez eux. Un pareil équilibre sera atteint sur la rive occidentale quand la barrière sera terminée l’an prochain.

Sharon représente la majorité des Israéliens enclins à obtenir cet équilibre. Il n’apportera pas seulement la stabilité et une paix relative. Mais il offre aussi les contours d’un arrangement définitif. C’est pourquoi même d’anciens adversaires régionaux voient la promesse de ce moment – tout cela acquis, songez y, sans une seule cérémonie dans le Jardin Rose.