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LE MOYEN ORIENT
S'ENFONCE DANS LA NUIT MALGRE DES LUEURS D'ESPOIR
Par
Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm
pour www.nuitdorient.com
Le 3
décembre 2006
Décidément
le Moyen Orient n'est pas encore prêt pour une démocratie à l'occidentale. Malgré
toute leur bonne volonté, l'énergie et la masse des capitaux investis en Irak,
en Afghanistan et dans les territoires palestiniens, les Occidentaux sont loin
d'avoir réussi leur pari. Bien au contraire, ils ont dégoupillé des régions
sous pression dont le contenu leur saute au visage. Du coup des challengers locaux
profitent de ce désarroi pour placer leurs pions et asseoir une hégémonie
concurrente et dangereuse.
Il
est aujourd'hui impossible de rembobiner le djinn sorti de la boîte.
Avant qu'il ne s'étende et ne contamine toute la région et au-delà, il faudra
le circonscrire et le neutraliser lors des prochaines années, voire lors des
prochains mois.
Comme
l'a dit le chroniqueur Amir Taheri, il n'y a pas de solution élégante au
conflit en Irak entre les troupes de la Coalition et la nébuleuse des
"insurrections". J'ajouterai qu'il n'y a pas non plus de solution
élégante aux autres conflits en cours, que cela soit en Israël et au Liban, ou
dans des pays islamiques comme l'Afghanistan, le Soudan ou la Somalie.
Le
combat qui n'est pas désigné clairement encore, parce que l'Occident est soit
trop abasourdi par les événements, soit trop ramolli par soixante ans
d'expansion économique, est un combat entre la démocratie et le nouveau
totalitarisme issu de l'Islam.
Les
gouvernements occidentaux, notamment européens et leurs émules démocrates aux
Etats-Unis ne veulent pas se rendre à l'évidence et mènent un jeu digne des
autruches.
Cela
fait presque 60 ans que les Israéliens cherchent à discuter avec leurs voisins,
sans aucun résultat tangible ni sérieux et ces négociations n'ont jamais
empêché une série de guerres et de guerrillas israélo-arabes. Jusqu'aujourd'hui
les dirigeants israéliens semblent croire que l'enjeu est territorial ou humain
(1). Or les Arabes se fichent éperdument d'un territoire qui représente moins
de 1 pour 10 000 de ce qu'ils possèdent; comme ils se fichent des 3 ou 4 millions
de réfugiés confinés dans des camps depuis 3 ou 4 générations, sur leur
territoire. Autrement ils auraient résolu entre eux ce problème depuis
longtemps. L'enjeu est simplement la présence juive indépendante en Israël qui
leur est insupportable. Pour les religieux, les Juifs sont des infidèles qui ne
peuvent vivre qu'en "dhimmis-protégés" en terre d'Islam. Pour les
laïcs, la présence d'un état moderne, transparent et démocratique en leur sein
est insupportable, car source de comparaison, de convoitise et de troubles pour
leurs propres régimes plus ou moins totalitaires. C'est pourquoi dans tous ces
pays attardés, tout événement dramatique, que ce soit l'attaque du World Trade
Center, ou le génocide au Darfour devient commodément pour leurs populations
frustrées l'oeuvre du sionisme (2).
L'enjeu
ici est existentiel, le refus ou l'acceptation du Juif sioniste et indépendant
au Moyen Orient.
Les
enjeux sont similaires ailleurs
Dès
le début de la prise en main de l'Irak, les Etats-Unis ont commis une série
d'erreurs dont ils sont en train de payer le prix. On ne citera que la débandade
inutile et malencontreuse de la police et de l'armée irakienne de Saddam Hussein,
plusieurs semaines de vide administratif, après la conquête du pays, et le
choix d'un gouverneur BCBG (Bremer) pour gérer l'après guerre. Aujourd'hui
pour reprendre en mains ce pays, il faudra augmenter les effectifs de la Coalition,
expédier et former localement des commandos de choc et réinstaller provisoirement
une dictature de fait avec un homme fort, en oubliant pour un temps les principes
démocratiques, qui constituent une faiblesse dans un pays encore tribal et
dont profitent à leur avantage les insurgés.
A
défaut, l'Irak sombrera encore plus dans l'anarchie, avec la création de plusieurs
états indépendants de fait, dont l'un shiite sera inféodé à l'Iran, et sera
assis sur les plus grandes réserves de pétrole, et un autre sunnite pourra
devenir la chasse gardée d'al Qaeda ou d'une milice locale similaire, menaçant
la stabilité précaire de la Jordanie. Le 3ème, kurde, le seul
cohérent et existant dans les faits, pourrait à terme créer des problèmes avec
la Turquie voisine dont la minorité kurde est particulièrement active.
Au
Liban, entre ¼ et 1/3 de la population est shiite, population liée de très longue
date aux ayatollahs iraniens. Pour contrôler le Liban, l'Iran avait 2 atouts,
les Assad de Syrie (des shiites alaouites, très minoritaires dans leur pays) et
le Hezbollah, parti de Dieu, admis depuis peu au Parlement Libanais. Après le meurtre
d'un éminent sunnite libanais, Rafik Hariri, qui a ému tout le Liban et
l'Occident, l'armée syrienne a été amenée à quitter le Liban et, de ce fait, la
Syrie perdait une grande partie de son influence dans ce pays. Pour l'Iran,
restait le Hezbollah comme appui local sérieux. Dans une "démesure classique
du héros", Nasrallah a provoqué la guerre du Liban de Juillet-Août 2006,
risquant de perdre un pouvoir politico-militaire chèrement acquis grâce à
l'aide syro-iranienne. Pour se rattraper, il cherche à déstabiliser le Liban,
démissionnant du gouvernement, faisant assassiner un ministre (Gemayel) et
appelant à l'élargissement officiel de son influence par des mouvements de
masse. Minoritaire dans son pays, Nasrallah cherche à s'emparer indirectement
du pouvoir, pour asseoir l'influence de l'Iran, au détriment des nombreuses
autres minorités chrétiennes ou musulmanes, qui sont militairement plus
faibles.
Les
Etats-Unis comptaient sur Israël pour se débarrasser du fléau Nasrallah. La
prudence ou l'incompétence du nouveau premier ministre israélien Ehoud Olmert n'a
pas permis une consolidation du Liban. Alors on a trouvé la solution de
rechange de la Finul, simple rustine sur une plaie ouverte. Car l'Onu ne fait
pas le poids devant un Nasrallah, à l'étroit dans son fief libanais et prêt à
coopérer avec les assassins venant de Syrie. Et Bashar el Assad cherche à
asseoir de nouveau son influence au Liban pour éviter que le procès
international de l'assassinat de Rafik Hariri ne l'atteigne.
Deux
forces islamiques attendent l'une dans l'ombre, al Qaeda et ses mouvances,
l'autre au grand jour, l'Iran très bientôt nucléarisé (4), pour s'emparer des
dépouilles laissées par les Occidentaux, si jamais ceux-ci cherchaient à fuir
un Moyen Orient devenu très dangereux.
Dans
cette région, il faut savoir être patient et surtout, périodiquement, au moment
opportun, il faut oser donner un très grand coup décisif pour assommer l'hydre
qui est sortie de son antre. On ne voit pas d'autre moyen pour encourager les
classes moyennes modérées à rester dans leur pays (3) et les inciter à
s'impliquer davantage pour y installer la démocratie.
Dans
le cas contraire, dix pays du Moyen Orient s'ajouteront à la liste des pays
islamistes dans peu de temps. Au détriment d'une Europe libre et indépendante.
Notes
(1) Le 27
novembre 2006, à Sdé Boqer, cherchant la caution posthume de David Ben Gourion,
le premier ministre israélien Ehoud Olmert a proposé des concessions
territoriales au gouvernement palestinien mené par un chef terroriste du mouvement
Hamas…
(2) Dernière
turpitude en date, le 28 novembre 2006, le président du Soudan Omar Hassan Ahmed al-Bashir a déclaré que les médias
sionistes conspiraient contre son pays en annonçant des milliers de morts au Darfour.
(3) Pour fuir
les troubles, les classes moyennes éduquées ont tendance à émigrer en très
grand nombre, les Irakiens vers la Jordanie (un million) et l'Angleterre, les
Libanais vers l'Europe et l'Amérique Latine, les Palestiniens vers les pays du
Golfe, le Chili pour les Chrétiens. Cette tendance néfaste accélère
l'installation de l'islamisme auprès des plus défavorisés qui, eux, restent et
reçoivent des subsides et des soins des organisations caritatives structurées liées
aux mouvements radicaux tels que le Hamas ou le Hezbollah.
(4) En Iran, il
semblerait que la limite de non retour dans la nucléarisation de l'Iran soit
derrière nous. Ceci expliquerait l'intensification des diatribes du président
Ahmadinejad contre Israël qui d'après lui est amené à disparaître sous peu. Faute
de pouvoir déstabiliser l'Iran en suscitant des troubles intérieurs qui
élimineraient l'équipe des ayatollahs en place, faute de pouvoir infliger de sévères
sanctions économiques et financières efficaces, la déstabilisation ne pourra alors
venir que d'actes de sabotage des installations nucléaires ou de frappes
ciblées menées essentiellement par les Etats-Unis. Encore faut-il trouver un
consensus occidental, ce qui paraît lointain aujourd'hui.