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DES IDEES FAUSSES SUR LE MOYEN-ORIENT
Par Moshe Yaalon, ancien chef d'état-major d'Israël, membre l'Institut Adelson pour des études stratégiques du Shalem
Center.
Paru dans le Los Angeles
Times du
16 août 2007
Traduction : Objectif-info
Titre original : Misinterpreting the Mideast
Depuis plusieurs mois, en réponse à la prise de contrôle du Hamas sur la bande
de Gaza, les Américains poussent à une accélération des négociations entre
Israéliens et Palestiniens, avec pour horizon une conférence internationale qui
devrait s'ouvrir en novembre prochain. Cette initiative n'est pas étrangère non
plus à la volonté américaine de donner aux Arabes sunnites de la région des
gages de leur bonne volonté pour faciliter un règlement en Irak. Depuis, Israël
reçoit de nombreux visiteurs qui l'incitent invariablement à des concessions à
partir des idées qui ont présidé au processus d'Oslo. Ces idées, qui ont
enflammé le Proche Orient depuis près de 15 ans, doivent être jugées à l'aune
de leurs résultats désastreux. Le général Yaalon,
l'un des dirigeants israéliens les plus lucides, met tout le monde en garde
contre la répétition des erreurs coûteuses du passé proche et fait des
propositions très judicieuses, dans l'intérêt de tous.
Tant qu'ils ne prennent pas conscience de leur vision fausse du Moyen Orient,
les envoyés spéciaux des pays étrangers ne contribueront pas beaucoup à
l'apaisement de la région.
Après quelques années d'indifférence, Israël se trouve à nouveau sur le
trajet des voyages d'émissaires étrangers pleins de bonnes dispositions.
L'ancien premier ministre britannique Tony Blair s'est rendu en visite dans le
pays le mois dernier comme délégué spécial du "quartet", qui
représente les pays activement engagés dans le processus de paix. Au début du
mois, la secrétaire d'État américaine Condolezza Rice est venue à son tour. Ces visites se sont toutes
achevées par une conférence de presse où l'on réitère des promesses d'avancée.
Mais pour que la paix puisse faire un pas en avant durable dans le conflit israélo-palestinien,
les envoyés des pays étrangers et bon nombre d'Israéliens devront tordre le
coup à un certain nombre d'idées démenties depuis longtemps par la réalité, qui
font office de consensus sur le conflit.
Les diplomates amènent avec eux en Israël dans leurs bagages quatre
idées fausses.
- La première est que la solution du conflit
israélo-palestinien est la condition préalable à la
stabilisation du Moyen-Orient. En vérité la région est déchirée par des
querelles qui n'ont rien à voir avec Israël. Par exemple, l'État juif ne joue
aucun rôle dans le conflit entre Chiites et Sunnites, entre les Perses et les
Arabes, ou entre les nationalistes et les islamistes du monde arabe.
- Croire que les concessions territoriales israéliennes sont la clef du progrès de la
paix est la deuxième idée fausse. En réalité, un Islam djihadiste
en plein essor est convaincu de mener une bataille sacrée contre Israël et
l'Occident tout entier. Dans cette dynamique, les concessions israéliennes,
qu'elles soient territoriales ou autres, ne font que gonfler les voiles du
navire djihadiste, renforçant la croyance qu'Israël
et l'Occident sont faibles et peuvent être battus militairement.
Il est vrai qu'une majorité d'israéliens a soutenu les retraits
unilatéraux du Liban en 2000 et de Gaza en 2005 croyant qu'en donnant
satisfaction aux revendications territoriales du Hezbollah et des Palestiniens,
ils feraient disparaitre la cause du conflit. Nous en connaissons désormais les
résultats : les réponses du Hezbollah et des Palestiniens, ont été des guerres
terroristes menées de concert, l'enlèvement de soldats israéliens, le lancement
de fusées sur les villes israéliennes, ce qui a démontré que le cœur du conflit
du Moyen-Orient n'est pas territorial mais idéologique. Et l'idéologie ne peut
pas être mise en échec par des concessions.
- Les envoyés des médias pensent toujours aussi que
"l'occupation" bloque tout accord entre les Israéliens et les
Palestiniens. En Occident, le terme renvoie habituellement aux territoires qu'Israël
a conquis pendant la guerre des Six Jours en 1967. Si le problème entre les
Israéliens et les Palestiniens ne portait que sur les territoires de 1967, et
si la solution consistait à répartir ces terres entre les deux parties (comme
l'a proposé en dernier lieu l'ancien premier ministre israélien Ehud Barak en
2000), le conflit aurait pris fin il y a bien longtemps.
En réalité, le cœur du problème, c'est que beaucoup de Palestiniens, du
Fatah et du Hamas en particulier, et même un certain nombre d'Arabes israéliens,
utilisent le terme "occupation" en se référant à l'intégralité du
territoire d'Israël. Ils ne reconnaissent pas le droit du peuple juif à un État
indépendant, un droit confirmé à maintes reprises dans l'arène internationale.
- En conclusion, les diplomates pleins de bonne volonté en visite chez
nous croient que les Palestiniens désirent, - et ont les capacités -,
d'établir un État qui vivra en paix aux côtés d'Israël. Mais ils ne font
pas preuve de lucidité. Le chef palestinien défunt, Yasser Arafat, a mis en
place un régime voyou qui n'a jamais amélioré fondamentalement les conditions
de vie de son peuple. Le chômage et la pauvreté sont en effets pires pour les
Palestiniens aujourd'hui qu'ils ne l'étaient avant qu'Arafat et ses acolytes
n'assument le pouvoir en 1994.
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ne s'est pas
occupé du bien-être des Gazaouis, ce qui a contribué
à la victoire électorale du Hamas en 2006. Désormais confiné en Cisjordanie
après l'expulsion du Fatah de Gaza par les soins du Hamas, Abbas n'a pas
entrepris de créer une structure de gouvernement.
Le corollaire de cette quatrième idée fausse est la
croyance que le développement économique peut neutraliser le nationalisme
extrême et le fanatisme religieux, ouvrant ainsi la voie à la paix et à la
sécurité. David Ben-Gourion, le premier chef de
gouvernement d'Israël, avait une expression pour les adeptes de ce genre d'idée
: "les sionistes naïfs." Ceux qui prennent à leur compte ce
raisonnement devraient exiger que les Palestiniens expliquent ce qu'ils ont
fait des 7 milliards de dollars d'aide internationale qu'ils ont reçus année
après année. Sept milliards de facteurs de progrès économique: mais pourquoi la
foule palestinienne a-t-elle détruit la zone industrielle d'Erez,
où des Palestiniens travaillaient et faisaient des affaires depuis des années,
à la frontière de Gaza ? Pourquoi ont-ils attaqué les routes sûres qui
reliaient Gaza à la Cisjordanie ? Pourquoi l'économie
palestinienne est-elle en déconfiture ?
En l'absence de ces idées fausses, l'image renvoyée par le Moyen-Orient
a de quoi déranger, en effet. Mais aucun émissaire qui serait miraculeusement
lucide n'en tient compte. Que faire alors ?
Pour commencer, les gouvernements occidentaux et leurs envoyés doivent
cesser d'exiger d'Israël des concessions territoriales ou sur la sécurité qui
aboutissent au mieux à des bénéfices de court terme, mais qui donnent du poids
aux groupes terroristes islamistes. A la place, ils devraient essayer de
persuader les dirigeants palestiniens de s'engager dans une stratégie à long
terme fondée sur des réformes éducatives, politiques et économiques qui
mèneraient à l'établissement d'une société civile aimant la vie, pas la mort,
les droits de l'homme et les valeurs de liberté, avec une classe moyenne non
corrompue, une élite prospère. En même temps, ces gouvernements devraient créer
un fonds international qui offrirait une aide aux familles des réfugiés
palestiniens pour leur réinstallation, disons 100 à 200.000 dollars par famille,
à condition que leur acceptation de cet argent mette un point final à leur
statut de réfugié.
Les émissaires ne devraient sous aucun prétexte ouvrir un dialogue avec
le Hamas. Par égard pour la société palestinienne, le Hamas et son idéologie
doivent être vaincus. Le conflit israélo-palestinien n'est pas le plus
déterminant aujourd'hui ; la bataille entre l'Islam djihadiste
et l'Occident, dont Israël est seulement l'un des théâtres, est centrale. Pour
vaincre l'Islam djihadiste, l'Occident doit triompher
des régimes, des organisations et des idéologies qui le soutiennent et
l'alimentent : le Hamas est le premier d'entre eux.
Les émissaires qui viennent en Israël doivent s'appuyer sur leur riche
expérience diplomatique, se libérer des idées fausses sur le conflit
israélo-palestinien et des politiques étriquées qui en découlent, en
particulier des impasses du politiquement correct, pour nous mener tous vers la
liberté, la sécurité et la paix. Sinon, il ne s'agirait que d'une ingérence
caractérisée.