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Les Frères Musulmans inquiètent plus que jamais les Etats du Golfe

 

Par By Sultan Al Qassemi, commentateur politique des Emirats Arabes Unis (EAU)

http://www.foreignpolicy.com/articles/2012/12/14/Muslim_Brotherhood_Gulf_UAE_Qassemi?page=full
le 14/12/12

Traduit par Albert Soued, écrivain, http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com

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Alors que les tensions montent au Caire devant les décisions politiques irrationnelles des Frères musulmans, cette organisation essaye de neutraliser les soupçons quant à ses motivations à l'égard des riches petits états pétroliers du Golfe. Et en particulier l'EAU (Emirats Arabes Unis) qui apparaît comme la principale cible. Les relations se sont détériorées au point qu'un responsable des Frères a accusé les Emirats de "financer l'opposition en Egypte". Rappelons que l'EAU abrite plus de 300 000 Egyptiens.

 

Bien avant que les Emirats n'existent, les Emiratis étaient en liaison avec les Frères Musulmans. Dans les années 50 et 60, ceux-ci étaient les bienvenus dans la région, et les différents émirats les ont accueillis, alors qu'ils fuyaient l'Egypte de Nasser qui les persécutait. Les Frères Musulmans ont prospéré, ils ont reçu une bonne éducation, des emplois professionnels dans les secteurs publics et privés, y compris le domaine judiciaire et l'éducation. Lorsque l'EAU devinrent indépendants en 1971, des émiratis ont créé l'organisation "al Islah'" (la réforme), sous l'influence des Frères Musulmans qui affluaient.

Aussitôt al Islah' est entré en conflit avec le gouvernement de l'EAU. Selon le récit d'un ancien membre, al Islah a dévié de ses activités initiales de "sport, culture, social et philanthropie" pour passer au "politique". Au début des années 90, les domaines judiciaire et éducatif, entre les mains des Frères Musulmans, sont devenus un état dans l'état. Ceux qui recevaient des bourses ou qui étaient coopté devaient appartenir à l'organisation des Frères, à ses affilées ou des sympathisants. En peu de temps, les conseils d'étudiants et les associations de juristes et d'enseignants étaient devenus les avant-postes des Frères, défendant leurs intérêts.

 

En 2006, pour amoindrir leur influence sur les jeunes, le gouvernement de l'EAU a commencé à déplacer les membres d'al Islah' vers des postes en dehors des domaines judiciaire et éducatif. Dès ce moment, les Frères Musulmans déplacèrent leurs activités ailleurs, aussi loin qu'en Australie. L'arrivée au pouvoir d'un islamiste en Turquie, facilita leur installation dans ce pays et les interrelations entre les Frères Musulmans de tout le Moyen Orient. De nombreux colloques se sont tenus même sous les auspices de gouvernements et d'associations d'Occident. Ce qui a amené l'EAU à fermer de nombreuses ONG et "think tank", considérés comme sapant l'autorité en place.

Depuis l'an dernier, les relations sont allées de mal en pis. L'EAU a lancé une vaste opération de police contre al Islah', détenant des dizaines de membres et affiliés, les accusant d'installer une "milice armée" et de déstabiliser le pays. En fait, il est apparu un conflit d'autorité et d'intérêt entre le gouvernement de l'EAU et "l'organisation transnationale des Frères Musulmans" dont le Guide Suprême est au Caire.

Les récents développements en Egypte – où le président Morsi semble déterminé à faire avancer les intérêts de l'organisation des Frères plutôt que ceux de l'Egypte – n'ont fait qu'exacerber les craintes. Le principal obstacle pour établir un contact entre l'EAU et le nouveau gouvernement égyptien consiste dans les liens secrets existant entre des cellules clandestines des Frères dans l'Eau et les Frères égyptiens. L'histoire a montré que cette organisation n'a jamais tenu ses promesses de neutralité politique.

Ce désaccord existe aussi avec d'autres Etats du Golfe, mais pas avec le Qatar, voisin qui jouit de meilleures relations avec les Frères Musulmans, leur offrant une aide financière et des émissions sur la chaîne al Jazira. …

En ce qui concerne l'Arabie saoudite, les frères Musulmans lui auraient donné des assurances précises quant à leur position vis-à-vis de l'Iran, considéré comme le principal rival dans la région. Néanmoins malgré la disparition d'un ennemi juré de l'organisation des Frères, le prince Nayef, l'ex-ministre de l'Intérieur saoudien, des responsables saoudiens restent sceptiques quant aux bonnes intentions des Frères Musulmans. Lors des négociations en Turquie relatives au soutien aux rebelles syriens, une source bien informée m'a informé que l'Arabie s'est opposée formellement au choix d'un Frère pour coordonner l'opposition contre le régime d'al Assad.

 

Aujourd'hui l'objectif de l'EAU c'est de se débarrasser des activités illégales des Frères dans le pays. Des membres sont détenus depuis des mois sans jugement, malgré une justice transparente. Le chef de l'Association des Droits de l'Homme de l'EAU, Abdul-Ghaffar Hussein a demandé au Procureur fédéral de mettre fin aux détentions aussitôt que possible et de juger les détenus.

 

EAU est un petit pays qui est mis au défi par une organisation transnationale utilisant la religion comme moyen d'entrée au pouvoir politique. On peut neutraliser ces risques non seulement par des mesures de sécurité, mais aussi par une éducation appropriée, de plus fortes lois laïques, des réformes politiques permettant aux citoyens de devenir les acteurs du développement de leur pays.

Un peu de pression extérieure ne ferait pas de mal: les Etats-Unis -- qui ont permis aux Frères Musulmans de s'installer dans la région -- pourraient intervenir auprès de Morsi pour lui dire qu'il serait mieux inspiré de gouverner comme président de l'Egypte, et non comme président des Frères Musulmans.

 

 

 

 

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