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Le Blitz du Qatar
Par Dr David
Bensoussan, professeur de sciences à l’Université du Québec
http://quebec.huffingtonpost.ca/david-bensoussan/blitz-qatar_b_3256505.html
10/05/13
Québec et Ottawa
ont décidé de serrer les rangs pour s’opposer au transfert de l’Organisation
de l'Aviation Civile Internationale de Montréal à Doha, capitale du Qatar.
Bien des observateurs sont intrigués par les desseins de ce pays qui se trouve
sur la ligne des avants sur de nombreux fronts. Que sait-on sur le Qatar ?
Le Qatar fait
beaucoup parler de lui ces dernières années, que ce soit par ses
investissements économiques à grand retentissement, sa présence médiatique ou
ses interventions sur la scène internationale. C’est un pays de 1,8 millions
d’habitants dont seulement 200 000 nationaux, gouverné par l’entreprenant émir
Hamad. Ce dernier a évincé son frère de la succession puis pris le pouvoir en
1995 alors que son père Khalifa était en vacances en Suisse. Bien que le Qatar
fasse la promotion de la démocratie dans le monde arabe, il est loin d’en
donner l’exemple. C’est un émirat dont les 45 parlementaires sont désignés par
l’émir et il est question d’en faire élire les deux-tiers en 2013. Les libertés
civiques et la liberté d’opinion sont limitées et la protection légale des
travailleurs étrangers laisse grandement à désirer.
Le Qatar est le
plus grand exportateur de gaz liquéfié. Ses revenus se montent au 1/7 de ceux de l’Arabie saoudite et son PNB par habitant lui est
plus de cinq fois supérieur. L’activité économique du Qatar est marquée par des
actions d’éclat: promotion de l’activité économique dans les banlieues
françaises; lancement d’un fonds d’investissement de 100 milliards en Europe;
prêt de 3 à 4 milliards de dollars accordé à l'Égypte; acquisition de l’équipe
de football Paris St-Germain et des magasins Le Printemps à Paris (la France a
enfin son printemps arabe); sponsorisation du club de football FC Barcelone;
hébergement des Jeux olympiques de soccer en 2021, pressions visant à déplacer
le siège social de l’Organisation de l'Aviation Civile Internationale de
Montréal à Doha et financement de la construction du plus haut gratte-ciel à
Londres, la tour Shard. Nulle surprise si la revue
The Economist a qualifié le Qatar de "pygmée avec le punch d’un géant".
Sa chaîne de
nouvelles Al-Jazeera a encouragé l’émergence du
printemps arabe tout en ménageant ses états voisins, des monarchies quasi
absolues pour la plupart. Elle offre un temps d’antenne appréciable au prêcheur
égyptien radical Yousouf Al-Qardawi, affilié aux
Frères musulmans. L’Arabie saoudite ne serait pas satisfaite de la préséance
grandissante du Qatar dans les affaires internationales et de la couverture
médiatique d’Al-Jazeera, mais il semblerait que ces
deux pays se soient rapprochés lorsque la tension avec l’Iran a augmenté. Pour
le Qatar, l’Iran ne serait pas étranger aux remous des chiites au Bahreïn. Dans
les émirats, les chiites sont parfois considérés comme une cinquième colonne à
la solde de l’Iran et tout changement de statut pourrait mettre fin à la
stabilité dans cette région du monde.
Compte non tenu
de son rôle économique, le Qatar est présent dans de nombreux points chauds de
la planète. Ses achats d'armes à la France, à l'Allemagne et aux USA sont
considérables pour une armée de près de 12 000 hommes.
En 2008, il
aurait proposé ses services de médiation au Liban, au Yémen et au Soudan. Le
Qatar a des relations économiques officielles avec Israël depuis 1996 et fait
fi du boycottage de la Ligue arabe. Il a également donné asile au leader du
Hamas après que celui-ci se soit distancé du régime syrien et a proposé ses
services de médiation entre Israël et le Hamas.
Il a encouragé
les Frères musulmans en Égypte et en Tunisie, a participé activement aux
opérations militaires en Libye et offert un appui militaire aux radicaux
libyens. Il a offert d’ouvrir un bureau aux Talibans à Doha.
Son soutien aux salafistes du Mali a créé un malaise avec la France.
Après l’échec de
la médiation de la Ligue arabe en Syrie, le Qatar a proposé à cette dernière
d’envisager une opération militaire contre la Syrie. Toutefois, l’Arabie aurait
accusé le Qatar d’armer les extrémistes de l’opposition au gouvernement syrien.
Le régime
iranien qui partage avec le Qatar des champs gaziers soutient totalement le
régime syrien de Bachar El Assad
et voit d’un mauvais œil la position du Qatar sur la Syrie. Ailleurs, bien des observateurs s’interrogent sur
l’utilité ou la finalité de l’interventionnisme du Qatar qui shoote à tous
azimuts.