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Qui
sont les Principaux Acteurs du Conflit Libyen ?
Par Samia Medawar
| OLJ
17/02/2018
Sept ans après
le début de la révolution en Libye, la situation est plus que jamais chaotique.
Sur les plans économique, politique, sécuritaire et humanitaire, le pays reste
très mal en point, malgré une baisse significative des violences. Des dizaines
de milliers de migrants sont victimes d’abus par les autorités de l’immigration,
régulièrement accusées par les ONG internationales de trafic d’êtres humains.
La stagnation politique ne permet pas d’espérer une transition et des élections
prochaines malgré les vœux de la communauté internationale. Le morcellement
du pays et les intérêts divergents empêchent, pour l’instant, d’espérer une
résolution imminente de la crise, malgré les différentes médiations internationales.
Dans le but de décortiquer un conflit particulièrement complexe, L’Orient-Le
Jour dresse une liste (non exhaustive) des principaux acteurs sur place.
Sur le plan politique
– Deux
gouvernements coexistent aujourd’hui en Libye : un gouvernement reconnu
par la communauté internationale (GNA) et basé à Tripoli et, un second, non
reconnu, qui exerce son pouvoir dans l’Est libyen avec le soutien du maréchal
Khalifa Haftar et de son Armée nationale libyenne,
tout en contestant l’autorité du GNA.
– La médiation
onusienne a permis d’aboutir à certaines avancées sur le plan de la politique
intérieure depuis le début de la révolution de 2011. L’accord interlibyen de Skhirat (Maroc) en
fait partie. Signé le 17 décembre 2015, l’accord a donné naissance à un Conseil
présidentiel (CP) de neuf membres dirigé par le Premier ministre Fayez el-Sarraj, et chargé de
constituer le gouvernement d’union nationale (GNA). Le Premier ministre et
plusieurs membres du Conseil présidentiel et de son gouvernement sont installés
à Tripoli depuis le 30 mars 2016. Le représentant spécial du secrétaire général
des Nations unies est le Libanais Ghassan Salamé depuis juillet 2017.
– Gouvernement
de l’Est – partagé entre Tobrouk (siège du Parlement) et Baïda
(siège du gouvernement). Le maréchal Haftar, qui
soutient ce second gouvernement, a annoncé en décembre 2017 refuser de
reconnaître toute décision issue du GNA de Tripoli, après la fin de l’accord de
Skhirat, qui arrive à échéance le 20 décembre.
Un troisième
gouvernement, dit de salut national (GSN), a brièvement existé entre 2015 et
2017, siégeant à Tripoli. Il était dirigé par Khalifa Ghwell,
qui fut chassé de la capitale libyenne au printemps 2017.
(Lire aussi : Tarek Mitri : Les élections en Libye
sont une fuite en avant)
Sur le plan militaire
– L’armée
libyenne : l’armée officielle, considérée comme l’armée de Kadhafi, est
aujourd’hui non seulement affaiblie mais également marginalisée. Elle
comprendrait à peu près 130 000 soldats et officiers, selon les
estimations, qui n’ont aujourd’hui aucun rôle officiel. Depuis le début de la
révolution de 2011, aucune nouvelle recrue ne serait venue grossir ses rangs.
Une grande partie des casernes et des armes ont été récupérées par diverses
milices au fil des années. Pour nombre d’observateurs, une armée nationale
officielle forte et bien gérée représente la seule solution au problème des
milices innombrables auquel fait face le pays aujourd’hui, morcelé entre
diverses tendances. L’intégration des milices au sein de l’armée officielle est
un problème régulièrement mis en avant par les diverses instances
gouvernementales depuis le début du processus de transition fin 2011.
– Khalifa Haftar et son Armée nationale libyenne (ANL) : le
maréchal Haftar est à la tête de l’ANL depuis 2014.
L’ancien compagnon d’armes de Mouammar Kadhafi affirme avoir plus de 75 000 hommes
contrôlant le sud du pays et les frontières libyennes de l’Égypte à la Tunisie,
mais certains experts affirment que ces chiffres sont exagérés. Il est soutenu
par plusieurs milices, dont celles, réputées, de Zenten.
Les Forces spéciales militaires, ou Saïka, dirigées
par Wanis Bukhamada, sont
le groupe le plus important de l’opération Dignité (Karama)
lancée par Haftar en 2014 pour détruire les milices jihadistes, et qui lui permet de prendre le contrôle de
Benghazi, entre autres. Depuis, l’ANL est accusée d’exécutions extrajudiciaires
et d’autres abus par diverses ONG internationales.
– Radaa/Forces de dissuasion spéciale (FDS) : les FDS,
dirigées par Abdel Raouf Kara, sont de tendance salafiste et sont composées de quelque 1 500 hommes,
majoritairement des anciens officiers de police pré-2011. Elles obéissent aux
ordres du ministère de l’Intérieur, et combattent l’EI et autres groupes
extrémistes. Principalement basés à Tripoli, il arrive aux FDS d’opérer à
l’extérieur de la capitale libyenne, dans les grandes villes comme Benghazi, Sabratha, Syrte, Derna, etc. La tendance salafiste de Radaa pose
problème : le groupe est régulièrement accusé de vouloir imposer la charia
(loi islamique). Il est aussi accusé de torture sur ses prisonniers.
– Madkhalis : les trois dernières années ont permis la
montée en puissance des Madkhalis, un groupe
d’adeptes de Rabih el-Madkhali, un clerc saoudien de
tendance salafiste basé à Médine. Opposés aux Frères
musulmans, l’EI et toute forme d’islam politique, les Madkhalis
ont rejoint le combat de Haftar. Leurs détracteurs
les accusent d’être les marionnettes de l’Arabie saoudite. Apolitiques, opposés
à la démocratie, ils connaissent une popularité grandissante en Égypte, en
Arabie saoudite et dans le Golfe depuis le début des années 1990. Mouammar
Kadhafi les accueille à bras ouverts au début des années 2000, et ils lui
resteront fidèles jusqu’à sa mort. Contrairement à d’autres groupes comme les
Frères musulmans, ils rejettent la charia et n’obéissent qu’au walih al-amr (« celui qui
règne ») d’un pays donné, même laïc.
– État
islamique : apparue en Libye vers la mi-2014 dans la ville de Derna, la
branche libyenne de l’EI est actuellement dirigée par Abdel Kader el-Najdi, après que son prédécesseur a été tué dans une frappe
de drone américain en novembre 2015. À son apogée, l’État islamique avait pour
fief Syrte, la ville natale de l’ancien homme fort libyen Mouammar Kadhafi.
Pendant plus d’un an, il a contrôlé plusieurs dizaines de kilomètres de la côte
libyenne. Il a fallu un an aux forces libyennes pour chasser l’EI de Derna, et
un an et demi de plus pour l’évincer de manière définitive à Syrte, avec l’aide
des brigades de Misrata et des États-Unis, qui ont
mené plus de 490 frappes aériennes. Affaibli, le groupe comprendrait quand
même, selon les estimations de certains observateurs, quelque 500 cellules à
travers le pays.
– Frères
musulmans : soutenus par la Turquie et le Qatar, les Frères musulmans de
Libye ont pour fief la ville de Misrata. La branche
libyenne de la confrérie, fondée en 1949 mais réellement opérationnelle depuis
mars 2012, s’appelle le Parti de la justice et de la construction (PJC). Le PJC
a brièvement fait partie du gouvernement jusqu’en 2014, avant de s’en retirer
pour différences idéologiques. Depuis juin 2017, de nombreux membres haut
placés de la confrérie sont considérés comme « terroristes » par le
gouvernement de Tobrouk qui les place alors sur une liste de personnes ayant
des liens avec le Qatar.
(Lire aussi : Le maréchal Haftar, émule de Kadhafi
?)
Sur le plan régional et international
Les ingérences
étrangères continues en Libye semblent contribuer au chaos ambiant au lieu d’y
remédier. Les voisins frontaliers de la Libye, comme l’Égypte, l’Algérie et la
Tunisie, craignent des débordements et tentent de repousser tout risque
sécuritaire loin de leurs frontières.
Depuis 2014,
l’Égypte, qui connaît une insurrection islamiste dans le Sinaï, fournit au
général Khalifa Haftar des armes et des équipements,
parce qu’elle le perçoit comme le seul interlocuteur viable. Le Caire est allé
jusqu’à appeler l’ONU à exempter l’ANL de Haftar de
l’embargo sur les armes en Libye afin de faciliter l’envoi d’armes au général.
En février 2017, le gouvernement de Abdel Fattah el-Sissi a également organisé une rencontre entre Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar – sans résultat – ainsi que des pourparlers interlibyens.
De concert avec
l’Égypte, les Émirats arabes unis fournissent également des armes à Haftar depuis 2014. Abou Dhabi a réussi le tour de force de
réunir Sarraj et Haftar en
mai 2017. Et comme Le Caire, Abou Dhabi a adhéré au processus diplomatique
entamé par l’ONU pour une réconciliation interlibyenne.
(Lire aussi : Déçus, les déplacés libyens de Taouarga
s'impatientent dans le désert)
La rencontre de Sarraj et Haftar à Paris en
juillet 2017, organisée par le président Emmanuel Macron,
a contribué à replacer la France sur l’échiquier libyen, et à légitimer
davantage le général Haftar aux yeux de la communauté
internationale, et qui venait de remporter une bataille décisive contre des
groupes islamistes à Benghazi après trois ans de combats intensifs.
La Russie a très
tôt tenté de se tailler une place sur l’échiquier libyen, avec succès. Le
ministère des Affaires étrangères a plus d’une fois insisté sur sa volonté de
tout faire pour permettre une normalisation de la situation, et une entente
entre les différentes factions politiques.
Le Qatar et la
Turquie sont, pour leur part, souvent accusés d’ingérence en Libye, notamment
par Khalifa Haftar, qui affirme qu’ils soutiennent
des groupes islamistes. Début janvier, un navire venant de Turquie et
transportant un chargement d’explosifs à destination de la ville libyenne de Misrata. Le porte-parole de l’ANL de Haftar
a également accusé Ankara d’avoir envoyé des armes aux Frères musulmans et à
el-Qaëda