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Le Califat : Rêve ou Cauchemar pour l’Islam ?
By Zvi Mazel, ancien ambassadeur d’Israël en
Egypte.
JPost – repris le 6/2/15
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Alors que l’Etat islamique continue
son travail d’endoctrinement des masses arabes, des universitaires viennent
désormais lui prêter main-forte.
A la
fin du mois d’octobre, un véritable tremblement de terre a secoué le monde clos
des sages et savants islamiques. Titulaire d’une chaire de jurisprudence
islamique à l’université de Dammam en Arabie Saoudite, Mme Imane Moustafa al-Bougha
donnait sa démission pour rejoindre les armées de l’Etat Islamique dans le Nord
de la Syrie. Elle s’en expliquait sur ses réseaux sociaux : "La
nation de l’islam a besoin de martyrs qui abandonnent leur existence
confortable pour porter témoignage… J’ai renoncé à mon énorme salaire pour me
mettre au service de la nation islamique et combattre l’injustice".
Sur sa
page Facebook – disparue depuis après avoir été largement citée par les médias
arabes – elle déclarait : "A partir du moment où j’ai compris les
tragédies des peuples musulmans, je suis devenue membre de l’Etat islamique
avant même qu’il ne voie le jour… Le jihad est la voie, la véritable voie de
l’islam et ses dirigeants n’ont pas le droit d’effectuer le moindre changement
sur le chemin d’une victoire légitime ; si al-Baghdadi [L’actuel
dirigeant] venait à se détourner de cette voie, nous le remplacerions ; la
voie véritable – le djihad – éclaire le chemin des véritables croyants qui ont
abandonné le monde et ses pratiques dissolues pour accomplir leur destinée
jusque dans la mort".
Al-Bougha s’élève contre ceux qui prétendent que l’Etat islamique ne représente
pas l’islam, et notamment le président Obama qui le répète en toute occasion.
D’après elle, cet Etat observe la charia à la lettre et condamne les musulmans
qui se taisent devant les violations de la charia, alors que la nation
islamique est humiliée et dominée par les juifs qui massacrent nos peuples
sous nos yeux.
Ces prises de position – passées sous silence en Occident – interpellent violemment
les sages islamiques qui cherchent en vain la faille dans ses arguments. Le
mouvement salafiste, qui aspire lui aussi à un retour à l’islam pur et dur de
l’époque du Prophète et à la restauration du califat, recule devant la cruauté
et le caractère barbare de l’Etat islamique.
Enseignée
dans toutes les écoles
Le problème,
c’est qu’Imane Moustafa al-Bougha est une autorité respectée en droit islamique
et qu’elle enseignait hier encore cette matière dans l’une des universités les
plus prestigieuses de l’Arabie Saoudite et du monde arabe. Là des étudiants
originaires de tous les pays arabes viennent apprendre les principes
fondamentaux de leur religion et il est probable que plus d’un approuve ses
positions. Après son départ, certains hauts responsables ont bien essayé de
prétendre qu’elle était connue pour ses vues extrémistes. Mais personne ne s’en
était jamais plaint, personne n’a jamais cherché à lui retirer son poste et
c’est de son plein gré qu’elle est partie.
Il faut bien le dire : les lois de l’islam telles qu’elles se sont
développées depuis le temps de Mahomet ne tendent pas à la quête de la paix et
de la tolérance. Leur but est d’imposer l’islam – par la prédication ou par la
force. Ainsi, Mahomet a imposé l’islam aux tribus arabes et ses successeurs ont
lancé leurs armées à la conquête du monde, du Moyen-Orient à l’Afrique du Nord,
puis à la Chine en Orient, et en Occident jusqu’à ce qu’elles soient stoppées
en France.
C’est exactement ce que cherche à faire aujourd’hui l’Etat islamique, un Etat
qui se glorifie de suivre la charia à la lettre, comme l’atteste le professeur
al-Bugha. Or, c’est la même charia qui est enseignée dans les écoles et les
établissements d’enseignement supérieur dans tout le monde musulman.
Les châtiments sévères, pour ne pas dire barbares, infligés à ceux qui ont
transgressé – lapidation de la femme adultère, crucifixion ou décapitation des
infidèles et esclavage sexuel imposé à leurs compagnes – sont prescrits par
l’islam et par la charia. Il en est de même du statut de dhimmi et des mesures
discriminatoires infligées aux chrétiens dans tout l’Empire ottoman jusqu’en
1856, lorsque le sultan a été contraint de les supprimer sous la pression des
grandes puissances.
Les plus hautes autorités d’al-Azhar, l’institut phare d’études islamiques du
monde sunnite, ainsi que d’autres sages dans le monde arabe, ont beau prétendre
que ce que fait l’Etat Islamique est contraire aux valeurs de l’islam, ils se
sont montrés incapables de trouver un seul argument reposant sur la charia leur
permettant de démontrer qu’il s’agit d’une organisation terroriste qui ne
respecte pas ladite charia. Ils en sont réduits à polémiquer entre eux.
Une
lutte des titans
Aujourd’hui
encore les manuels en usage à l’université al-Azhar reposent sur la charia et
glorifient les actions du Prophète, de ses compagnons d’armes, des quatre
premiers califes et de leurs généraux. Ils évoquent ainsi les hauts faits de
l’illustre général Khaled Ben Walid : il avait décapité le chef d’une
tribu ayant abandonné l’islam, puis plongé sa tête dans une marmite en
ébullition et l’avait ensuite dévoré.
Selon des sondages effectués dans des réseaux sociaux en Arabie Saoudite, plus de 92 % des Saoudiens
approuveraient l’Etat islamique. Cela n’a rien d’étonnant : cet Etat applique ce
qu’ils ont appris à l’école et ce qui est prêché le vendredi dans les mosquées.
Il n’y a jamais eu de manifestation contre l’Etat islamique dans un pays
arabe ; pire, c’est par centaines que de jeunes Arabes partent rejoindre
ses rangs pour exprimer leur véritable identité ou à la recherche de sensations
fortes. Ils n’en reviennent pas tous.
Pour changer cet état de choses, une seule solution : faire évoluer les
lois de l’islam, figées depuis le XIe siècle. Mission impossible ? En
Egypte, le président Sissi s’est exprimé à plusieurs reprises sur cette
question ; il considère qu’il faut revoir les dispositions les plus
extrémistes de la charia. Sur ses instructions, le ministère de l’Education a
retiré en juin dernier les cours d’éducation islamique des programmes
scolaires ; l’enseignement des valeurs morales a été introduit dans un
nouveau manuel. Il s’agit d’une décision courageuse qui n’a pas été saluée par
l’Occident et c’est dommage.
C’est une lutte de titans qui se déroule dans le petit monde clos des
institutions islamiques. On y évoque à voix basse la nécessité de procéder à
des réformes. Le débat n’est pas encore sur la place publique. Les forces
conservatrices s’opposent à tout changement vigoureusement. Elles sont de loin
les plus nombreuses. Réussiront-elles à l’emporter, à étouffer les
réformateurs ? Pas sûr. Mais le combat sera long et difficile.