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FISSURES DANS LA MAISON DES IBN
SAOUD
Par Arnaud de Borchgrave,
journaliste
Paru dans le Washington Times le
21 janvier 2004
Traduit par Bertus – www.nuitdorient.com
Autrefois la famille royale
saoudienne avait une capacité quasi illimitée d'"auto-illusion".
Aujourd'hui elle tourne à vide. Le réveil a été brutal récemment lorsqu'on a
découvert des camps d'entraînement d'Al Qaeda dans le désert près de la plupart
des villes du pays. Camouflés en séminaristes, les faux-imams se
métamorphosaient en officiers instructeurs dans le domaine aussi bien des armes
que celui de l'attaque insurrectionnelle.
600 suspects ont été arrêtés et de
grandes quantités d'armes et d'explosifs saisis, y compris des centaines de
RPG, 2000 bâtons de dynamite et un lance missile SAM-7 portable. On a également
saisi d'importantes sommes d'argent liquide dans les troncs de mosquées. Or des
caravanes entières n'arrêtent pas d'introduire en contrebande du Yémen toutes
sortes d'armes, à travers l'immensité désertique qui sépare les deux pays.
En Arabie Saoudite, la sécurité
intérieure est totalement entre les mains des membres de la famille royale.
7000 princes contrôlent les principaux centres nerveux du royaume, depuis les
escadrons de l'armée de l'air jusqu'aux palais des gouverneurs.
Ainsi la conclusion effrayante
qu'on peut tirer est que non seulement la famille royale est divisée, mais que
certains princes ont des sympathies marquées pour Osama Ben Laden et pour son
organisation de terreur. On sait que la famille Ben Laden est à la tête d'un
des plus puissants conglomérats de la construction et que Osama lui-même est un
héros des années 80, lorsqu'ils recrutait des milliers de mujahidin pour aller
libérer l'Afghanistan du joug soviétique.
Osama s'est retourné contre
l'"establishment" royal après que celui-ci eut invité les forces
américaines en Arabie en 1990, afin d'y préparer l'opération "Tempête du
désert", qui a permis de chasser les forces irakiennes du Koweit. Il a été
finalement expulsé de son pays et déchu de sa nationalité. Mais il est resté
une figure légendaire parmi les Saoudiens, notamment auprès des religieux
"wahabites". Le clergé wahabite reçoit une part considérable du
budget national en percevant des milliards $ à travers l'impôt requis par le
Coran et appelé "zakat", 2,5% du revenu de tout vrai croyant. Cette
secte extrémiste de l'Islam avait déjà nommé son propre axe du mal (Etats-Unis
et Israël) bien avant que le président Bush ne nomme les siens, le baathisme
fasciste dans l'Irak de Saddam Hussein, la théocratie d'Iran et la dictature de
Corée du Nord.
Depuis 1979, l'establishment
wahabite, auquel appartient la famille Ibn al Saoud, a dépensé quelques 70
milliards $ dans une mission "islamiste" à travers le monde musulman
ou occidental, allant du financement de 10 000 madrassas (écoles coraniques) au
Pakistan, jusqu'à la construction de milliers de mosquées, de séminaires et de
centres communautaires. La guerre sainte ou jihad contre les occidentaux
"incroyants" est le credo de ces fondamentalistes, depuis
l'installation de cette famille sur le trône d'Arabie par les Anglais.
Le 11 septembre 2001, avec ses 15
sur 19 terroristes saoudiens n'a pas sorti la Maison Ibn Saoud de sa suffisante
torpeur. La soit-disant coopération avec les Etats-Unis qui s'est concrétisée
par la fermeture de euelques centres caritatifs suspectés d'être les rouages de
transmission d'Al Qaeda n'est que symbolique.
Les attentats d'al Qaeda de mai et
de novembre 2003 contre des zones résidentielles de Riyad a enfin alerté la
Maison des Ibn al Saoud. 2000 religieux wahabites connus pour prêcher le jihad
lors des sermons du vendredi ont été interpellés et avertis que s'ils
persistaient dans leurs incitations ils seraient incarcérés. Le gouvernement a
également révoqué les passeports diplomatiques de centaines de
"missionnaires" qui parcouraient le monde pour recruter des agents
radicaux afin d'alimenter leur cause. Ces mesures contre les religieux ont
convaincu de jeunes princes que les anciens étaient en train de trahir l'Islam.
La majorité des princes sont formés dans des universités occidentales ou aux
universités américaines de Beyrouth ou du Caire. Mais une minorité d'entre
eux a suivi le chemin d'Osama ben Laden,
a été éduquée en Arabie et influencée par l'enseignement wahabite qui clame
haut et fort que l'Occident est décadent!
À l'abri du regard indiscret des
Occidentaux, la famille régnante est au milieu de la crise la plus dure depuis
son accession au pouvoir il y a 71 ans.
Le fondateur de la dynastie Abdel
Aziz ibn al Saoud a épousé 235 femmes et a hébergé 660 concubines! Leurs photos
et leurs "particularités" sont groupées dans un énorme album doré,
qui est consulté de temps à autre lors notamment des interminables séances du
Cabinet. J'ai rencontré cet homme en 1952 (il est mort l'année suivante) et les
courtisans vantaient ses appétits sexuels gargantuesques, preuves de sa grande
force!
Aujourd'hui cette famille a 24 000
âmes, filles et femmes comprises.
Le prince Abdallah règne de fait
depuis l'attaque cardiaque subie par le roi Fahd en 1995. Il est réformiste par
instinct de survie, mais il est limité dans sa capacité à apporter un réel
changement au pays. Il est obligé de composer avec de nombreuses factions
royales, chacune ayant ses propres objectifs qui ne sont pas forcément
réformistes.
Abdallah est le premier ministre
adjoint et le commandant de la Garde Nationale, garde prétorienne et force de
sécurité intérieure. Le prince Sultan est le ministre de la défense et second
dans la lignée du trône. Il est inspecteur général et deuxième adjoint au
premier ministre; il contrôle les forces armées, il est ministre de l'aviation
et président de "Saoudia" la compagnie aérienne nationale. Il y a
d'autres personnages importants tel que le prince Nayef, le ministre de
l'intérieur, que le prince Abdallah ne peut pas bousculer. Nayef a décrété que
c'était le Mossad israélien qui était derrière les attentats du World Trade
Center et il est proche du clergé wahabite, supervisant la police des moeurs et
la "Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du
vice". Un de ses subordonnés a été blessé dans une tentative d'assassinat
en décembre 2003. Nayef rejette toute démocratisation de la société, selon
l'argument que l'Arabie n'était pas menacée par les "saints
combattants" pour son manque de démocratie, car ils n'y croient pas non
plus.
Le gouvernement central de la
Maison des Ibn al Saoud est aussi opaque qu'était le Kremlin lors de la Guerre
Froide. Cependant les Occidentaux qui ont travaillé à un niveau élevé dans le
royaume pendant de nombreuses années et qui parlent l'arabe pensent que la
révolte actuelle risquerait de déboucher sur des luttes intestines entre les
différentes factions royales qui ne sont pas d'accord entre elles sur le sens
des réformes.
Le niveau de vie s'est effondré
brutalement de 15000 $ à 9000 $/cap/an (pnb).
S'il y a un doute quelconque à
propos de l'alliance tacite entre les wahabites et al Qaeda, lisez "le
chasseur de terroristes", l'histoire extraordinaire de cette femme juive
irakienne qui a infiltré les milieux intégristes aux Etats-Unis (l'Infiltrée chez
Grasset en France, par Anonyme). Son identité est aujourd'hui connue. Elle a
démontré preuves à l'appui que le financement d'al Qaeda provenait de riches
saoudiens, notamment de membres de la famille royale (1).
Il est
beaucoup plus tard que nous ne pensons (2).
Notes du traducteur:
(1)
Ses révélations ont provoqué
nombre d'arrestations aux Etats-Unis et des protestations auprès du royaume.
(2)
Un exemple: dans la province
d'al Jouf, fief des Soudeiri (la bande des 7 dont le prince Sultan), affiliés
au fils de Fahd pour la succession, on a assisté à l'assassinat du
gouverneur-adjoint et du chef de la police de Sakaka…
Des
centaines de Saoudiens se sont infiltrés en Irak pour y commettre des
attentats…des émeutes tribales sont sur le point d'éclater partout semble-t-il.