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La Royauté Hashémite sur la Corde
Raide en Jordanie
Par Albert Soued, écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com
7 mai 2019
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La Jordanie comme le Maroc ou Oman, monarchies constitutionnelles,
sont restés à l’abri du « printemps arabe », alors que les autres
pays arabes environnants ont subi des désordres plus ou moins chaotiques.
En ce qui concerne la Jordanie, il est nécessaire de rappeler quelques faits
historiques :
- 1917, à l’issue de la 1ère guerre mondiale
et de la défaite de l’empire ottoman, la déclaration Balfour accorde au peuple
juif un territoire comprenant la Palestine, la Jordanie actuelle, plus une
petite surface en Irak
- 1918, les Saoudiens s’emparent de la région sainte du
Hedjaz (Médine-la Mecque) au détriment des Hachémites qui y régnaient, avec la
bénédiction des britanniques, subodorant les réserves de pétrole de l’Arabie.
- 1921/2, par compensation, l’Angleterre qui a un mandat
de la société des Nations sur la région avec la France, accorde aux Hashémites la Jordanie (appelée Transjordanie) à Abdallah
(1921) et l’Irak à son frère Fayçal (1922), la Palestine étant le territoire
qui restait de la promesse Balfour aux Juifs (article 95 du Traité de
Sèvres d’août 1920).
- 1946, l’Angleterre accorde l'indépendance à la Transjordanie.
- 1947, l’Onu, qui remplace la SdN, partage ce qui restait de la Palestine en 2 territoires, juif et arabe, les pays arabes refusant ce partage, les Juifs acceptant les 10% du territoire initialement promis.
- 1948, Abdallah et 4 autres dirigeants arabes envahissent Israël qui vient de naître par une déclaration d’indépendance. Il occupe la Judée, la Samarie et Jérusalem-Est, réunissant ces régions avec la Transjordanie pour former une nouvelle entité territoriale, la Jordanie, totalement nettoyée ethniquement de Juifs. Après ce conflit, Israël se retrouve avec 18% du territoire initialement promis.
- 1964, les Palestiniens arabes rédigent une Charte fondatrice de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui exclue expressément toute revendication de souveraineté de l'OLP en Judée et en Samarie.
- 1967, Guerre des 6 Jours où Israël occupe la Judée-Samarie et Jérusalem-Est
- 1968, l’OLP modifie sa Charte et revendique la
Judée-Samarie, puis tente en septembre 1970, de renverser le roi
Hussein, petit fils d’Abdallah, sans succès, car Israël a aidé à sauver
Hussein.
- 1994, Israël et la Jordanie signent un traité de paix qui a résisté jusqu’ici à de nombreux événements.
- 2018/9, Abdallah II, fils de Hussein, semble résister aux négociations avec Israël prévisibles par « le plan du siècle » de Trump et il semble aussi de plus en plus déterminé à mettre en question l’accord de paix avec Israël. En effet, il ne souhaite pas renouveler un bail de 25 ans qui a expiré, portant sur un petit territoire agricole frontalier, exploité par des Israéliens ; par ailleurs, le « Waqf » a laissé les Frères Musulmans administrer les Lieux saints musulmans, et empêcher la pose de caméras de surveillance; et cela malgré le risque de perdre une subvention annuelle américaine de 1,275 milliard $ sur 5 ans qui finance la sécurité et la stabilité de la Jordanie.
Cette attitude est principalement due aux changements démographiques
dans le pays, du fait de l’immigration syrienne (1,3 million sur une population
de 9,5 millions habitants), irakienne et palestinienne récente (0,6
million), et des rapports entre les tribus bédouines et les Palestiniens,
que de nombreux Bédouins et d’«anciens» palestiniens, considèrent comme des
"résidents temporaires".
De plus, l'expert Pinhas Inbari, chercheur principal au Jerusalem
Center for Public Affairs, qui a étudié les changements
en Jordanie, soutient que même si les événements du printemps arabe n'ont
pas affecté la Jordanie, le royaume n'a manifestement pas empêché l'État islamique
de prendre pied sur son territoire. Cela s'est produit principalement à la
périphérie du royaume, et, lorsque le califat islamique était à son apogée,
les dirigeants religieux bédouins ont ouvertement déclaré leur loyauté à l’Etat
islamique et appelé à l'éviction de la famille royale.
Autrefois, au temps du roi Hussein, les tribus bédouines
étaient fidèles à la couronne hashémite ;
aujourd’hui, du fait des meilleures relations du pouvoir hashémite
avec les populations immigrées, du chômage dans le secteur public qui leur
était réservé, de l’appauvrissement de la population et du luxe ostentatoire
affiché par la famille royale, les tribus sont beaucoup moins fidèles au roi.
Les Bédouins se considèrent, à juste titre, comme le
pilier de la nation. Mais si la plupart des revenus bédouins proviennent du service
public, de l’agriculture et de l’élevage, les Palestiniens se concentrent
surtout à Amman et dans les autres grandes villes et réussissent dans le
secteur privé et les affaires. Les tribus et les clans bédouins voient les
"invités" palestiniens s'épanouir et accumuler richesse et statut.
Sur le plan religieux, la Confrérie
des Frères musulmans recrute surtout des Palestiniens, laissant par précaution
la supervision religieuse aux chefs bédouins. Pendant la période faste
de l’Etat islamique en Irak/Syrie, les bédouins, qui s'identifient au courant salafo-wahabi de l'islam sunnite,
ont été influencés par la propagande du califat et ont appelé à chasser la
famille royale, pour la remplacer par un régime islamiste. Mais la Confrérie
s’y est opposée et n’a pas permis à ses membres de mener des attaques contre
le royaume.
En fait, la démographie, la frustration économique et les
bonnes relations entre Abdallah et les Palestiniens ont poussé les Bédouins à
prendre leurs distances avec le roi et son gouvernement.
Cette lutte intestine entre une minorité tribale pauvre, dont le poids diminue, mais qui reste puissante dans l’armée et l’administration et une majorité riche et inféodée à une Confrérie hostile, déstabilisie le pouvoir royal. Dans ce climat, la gestion des lieux saints de Jérusalem, concédés au roi hashémite par l’armée d’Israël en 1967, reste un point de friction supplémentaire.
Enfin, l’attitude publique du roi, hostile à Israël, est
l’ascenseur qu’il renvoit aux Palestiniens qui le
soutiennent. Mais d’un autre côté, sans pouvoir l’annoncer, il ne souhaite pas
voir une gouvernance palestinienne face à lui, de l’autre côté du Jourdain.
Le roi Abdallah se trouve ainsi sur une corde raide et ne
doit sa survie que grâce à la protection des services spéciaux israéliens.