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IL N'Y A PAS
DE SOLUTION ELEGANTE A LA GUERRE D'IRAK
Par Amir Taheri,
journaliste
Article paru au
New York Post du 23 Novembre 2006
Traduit par
Artus pour www.nuitdorient.com
Les Américains se
sont longtemps amusés de l'amour français pour trouver des solutions avant de
savoir ce qu'est le problème. Pourtant aux Etats-Unis l'élite politique et
celle des médias ont elles-mêmes pris l'habitude de rechercher pour l'Irak des
solutions "élégantes". Le sentiment que les déconvenues en Irak ont
mené à la défaite des Républicains du Président Bush a ouvert les vannes pour
toutes sortes d'idées, certaines fantaisistes, d'autres désuètes. Deux idées
particulières semblent meubler les ragots en ville à Washington. La première
est de "trancher dans le vif et de partir" ou dit d'une manière plus
agréable, "siffler la fin de partie et s'en aller". Les partisans de
cette idée s'en fichent de ce qui pourrait arriver à l'Irak ou au Moyen-Orient
dans son ensemble par la suite. Pour la plupart, le renversement de Saddam
Hussein était la version laïque du péché originel, que rien ne peut expier, même
la destruction politique de Bush et de l'anglais Tony Blair. Le problème est
qu'il est plus facile de dire "trancher dans le vif et partir" que de
le faire. Il est toujours plus facile d'expédier une armée quelque part que de
la faire revenir.
En 1968, faisant
campagne pour la présidence, on a dit que Richard Nixon avait un plan secret
pour sortir les forces américaines du Vietnam. Nixon a gagné, mais cela a pris
aux Etats-Unis six années supplémentaires pour sortir le dernier hélicoptère
hors de Saigon. (à ce moment, démis de ses fonctions par le scandale du
Watergate, Nixon boudait dans l'ombre). Et "trancher dans le vif et
partir" était plus facile au Vietnam qu'il ne pourrait l'être en Irak. Au
Vietnam, les Américains avaient un adversaire avec qui négocier, le régime
communiste de Hanoï. Ils savaient à qui donner les clés. En Irak, il n'y a
aucun partenaire avec qui négocier. Même si on ramenait Saddam, il n'a plus la machine
meurtrière nécessaire pour gagner le pouvoir et couvrir les Américains pendant
leur fuite. Remettre les clefs à Al Qaeda serait également problématique, ne
fût-ce que parce que ces Jihadistes, bien que capables de tuer des civils sans
défense, n'ont pas suffisamment d'influence pour couvrir la retraite américaine
contre les autres ennemis de l'Amérique en Irak. Certains s'en fichent de
telles complications. Ils jetteraient les clefs au milieu de la mêlée, et laisseraient
les divers groupes armés en Irak se battre pour les avoir. Mais même cela est
plus facile à dire qu'à faire. Quand vous fuyez, vous devez savoir où fuir pour
rentrer à la maison. La coalition menée par les Etats-Unis a environ 160.000 soldats
en Irak, soutenus par un vaste réseau logistique et un ensemble de bases qu'on
ne peut démanteler durant la nuit.
Même avec les
capacités logistiques des militaires américains, cela a pris presque huit mois
pour accumuler les forces nécessaires à la guerre d'Irak en mars 2003. La
plupart des analystes militaires conviennent que cela prendrait au moins trois
fois plus de temps pour dégager l'Irak de la présence militaire de la Coalition.
Et même cela supposerait que le Kowéit, la Jordanie et la Turquie soient d'accord
pour aider. Mais pourquoi le feraient-ils quand il est évident que si les
Américains fuient avant que le nouvel Irak ne puisse tenir sur ses pieds, ce
pays plongerait dans la guerre civile ou tomberait sous la férule d'un régime
de Ba'ath/al Qaeda qui serait mortel pour tous ses voisins ?
Au total donc,
même si la solution "siffler la fin de partie et s'en aller" n'est
pas crédible, ne fût-ce que parce qu'il n'y a personne à qui les Etats-Unis
puissent rendre les clés. (et, s'il y avait un régime capable de maintenir
l'unité de l'Irak, alors pourquoi ne pas essayer d'en faire un ami des
Etats-Unis ?).
La deuxième
"solution" sur le gril qui circule à Washington est le scénario
"parler aux mollahs". Il n'y a rien de mal à parler au régime iranien
(ou n'importe qui d'autre, sur ce sujet). Mais le fait est que Téhéran
aujourd'hui ne peut pas donner aux Etats-Unis ce dont ils ont besoin en Irak. Tout
ce que les mollahs peuvent faire c'est de cesser les troubles dans les
provinces Shiites, en maîtrisant Moqtada al Sadr, leur pion en Irak. Mais les
mollahs n'ont aucun contrôle sur les extrémistes amers de Saddam ou sur les terroristes d'Al Qaeda.
Certains
partisans de "parler aux mollahs" espèrent que l'Iran pourrait
envoyer des troupes pour défaire les Saddamites et Al Qaeda une fois que les
Américains commencent à partir. Mais une armée persane entrant en Irak ajouterait
l'huile sur le feu. Une raison pour laquelle certains arabes Sunnites arabe en
Irak et dans plusieurs pays du
Moyen-Orient ne soutiennent pas la coalition est leur crainte que Washington ne
sorte un plan secret pour remettre l'Irak aux mollahs par l'intermédiaire des
politiciens shiites pro-Iraniens à Bagdad.
Ces solutions
"élégantes" ne tiennent pas la route parce qu'elles ne définissent
pas le problème. Parlant à Londres récemment, Blair a fait justement cela : "En
Irak, le terrorisme a changé la nature de la bataille. Son but est maintenant clair,
provoquer la guerre civile. . . La violence n'est donc pas un accident ou le
résultat d'une mauvaise planification. C'est une stratégie délibérée. C'est le
résultat direct des extrémistes de l'extérieur qui jouent en équipe avec les
extrémistes de l'intérieur - Al Qaeda avec les insurgés Sunnites, milice shiite
soutenue par l'Iran - pour fomenter la haine et pour tuer ainsi dans l'oeuf la
possibilité d'une démocratie non sectaire. Ces éléments externes sont
naturellement les mêmes éléments qui mènent l'extrémisme dans le monde. Ceci
est crucial pour comprendre quelle stratégie adopter pour les combattre. La
majorité des Irakiens ne veulent pas de cet extrémisme. Ils l'ont montré quand
ils ont voté pour un gouvernement explicitement non sectaire. Mais les
terroristes essayent de les propulser vers l'extrémisme" .
Ce que tout cela
signifie c'est que la lutte en Irak fait partie d'une guerre plus large contre
le terrorisme global. Il est également clair qu'une majorité d'Irakiens ne
soutiennent pas les divers groupes terroristes opérant là et, ainsi, il serait
déloyal de les abandonner avant qu'ils ne puissent se défendre. Beaucoup a été
dit pour décrire la situation en Irak, mais un mot seulement reflète la réalité
de la situation: la guerre. La
Coalition n'est pas venue en Irak pour un pique-nique. Elle est venue là
combattre et démanteler un des régimes les plus atroces de l'histoire récente
et pour le remplacer par un régime choisi par le peuple irakien. Ces objectifs
ont été atteints mais sont défiés par les groupes dont Tony Blair a parlés.
Le message à ceux
qui recherchent des solutions élégantes est simple: imbécile, c'est la guerre! Et quelles sont les options
dans une guerre ? On peut combattre pour gagner.
On peut se rendre à l'ennemi. On peut paniquer et fuir loin. Voilà les options
en Irak.