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APOCALYPSE NOW
Les
forces Irakiennes se battent contre des ombres issues du culte shiite de la
mort. Et c'est encore le moindre problème qu'elles ont à résoudre au Sud de
l'Irak
Par Babak Dehghanpisheh, journaliste à Newsweek International, avec
l'aide de reportages de l'équipe Irakienne à Najaf et Maziar
Bahari à Téhéran, Christopher Dickey à Paris et Karen Fragala Smith à New York
Article publié par Newsweek - Numéro daté du 12 février 2007
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued
, pour www.nuitdorient.com
Dhia
Abdoul Zahra revendique sa qualité de Messie. La veille du jour le plus saint
dans le calendrier shiite, al Ashoura, quand les croyants se flagellent avec
des chaînes et des couteaux, Zahra a tenté de leur apporter le salut. Armés
d'armes lourdes, des centaines de fidèles se sont affrontés aux forces
Irakiennes et Américaines, au Nord Est de la ville sainte de Najaf, le 28
janvier. S'étant nommés "Soldats du Ciel", ces illuminés sectaires
avaient comme projet de prendre d'assaut Najaf et d'y tuer les chefs religieux.
Ils combattirent avec acharnement, abattirent un hélicoptère américain, avec 2
soldats et obligèrent les forces Irakiennes à demander des renforts à deux
reprises. La police locale affirme qu'il ne s'agit pas d'un ennemi ordinaire.
Les combattants de cette secte ont réussi à pénétrer la fréquence radio de la
police, y répétant ce message inquiétant "le Mahdi arrive". Le retour du 12ème
et dernier Imam de la Shia'h, appelé Mahdi, qui a disparu au 9ème
siècle, signale la fin des temps.
La
trentaine, Zahra mort dans la bataille avec plus de 250 adeptes, il serait
facile de le comparer, à David Koresh, le gourou messianique mort au milieu de
ses adorateurs aux Etats-Unis. Mais les Soldats du Ciel ne sont qu'une faction
shiite parmi les douzaines qui ont jailli dans l'Irak méridional, la plupart
ayant des velléités millénaristes.
On a
toujours cru que le Sud shiite était éloigné de la guerre sectaire qui envahit
Bagdad et ses environs. L'armée irakienne a repris des mains des Américains la
sécurité de Najaf, en décembre dernier. Et pratiquement aucun des 20 000
soldats supplémentaires prévus en Irak n'iront dans cette région. Le
Renseignement national américain a conclu à 4 conflits qui se superposeraient
en Irak. D'abord les sunnites d'al Qaeda qui s'attaquent au pouvoir établi et
au protecteur Américain; ensuite les insurgés sunnites ex-baathistes qui se
vengent de la perte de leur hégémonie et tentant de la récupérer en se battant
contre les autorités shiites et contre les Américains; les violences sectaires
locales sunnites-shiites; et enfin le conflit du Sud de l'Irak entre shiites.
Si on n'y prend pas garde, ce dernier conflit peut dégénérer en conflit majeur,
déstabilisant encore plus le pays. L'auteur de "La renaissance de la
shia'h"
Vali Nasr nous dit: "La chute de l'autorité dans l'Irak méridional sera
dévastatrice aussi bien pour les Américains que pour les Irakiens".
Sous
le régime de Saddam Hussein, le Sud shiite était perçu comme le champ clos des
intrigues Iraniennes et de ce fait délibérément négligé. L'infrastructure y est
manifestement pire qu'ailleurs, les routes sont pleines de nids de poule, les
égouts sont à l'air libre… et, en dépit des millions $ dépensés dans divers
projets depuis 2003, la situation ne s'est pas améliorée sensiblement. Le
chômage atteint les 60%, et les 5 provinces les plus pauvres se trouvent dans
le Sud. De nombreux projets de reconstruction ont été abandonnés à cause de la
corruption, des enlèvements et des assassinats.
Les 2
intervenants majeurs dans la région sont l'Armée du Mahdi de Moqtada al Sadr et
le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak de l'imam Abdel Aziz al
H'aqim. Mais à Basra seulement, une demi-douzaine de factions au moins se bat
avec férocité pour le pouvoir. Et le pétrole de cette région intervient pour
90% dans le budget de l'Etat ! Le taux des meurtres a été multiplié par 3, à
Basra, au 1er semestre 2006. Selon Juan Cole, professeur d'histoire
à l'Université du Michigan et expert des affaires shiites "La situation
sécuritaire dans le Sud est mauvaise et elle risque d'empirer".
Dans
cet environnement chaotique, on parle de plus en plus de l'apparition du Mahdi
(zehour).
Salama
Khafaji, un ancien membre du Gouvernorat de Najaf, explique que "la
satisfaction des besoins essentiels en eau, électricité, emplois et paix de
l'esprit étant en constante diminution, les gens cherchent une espèce de
miracle pour survivre". Et Sadr profite de cet état d'esprit. "Des
groupes marginaux qui croient ferme dans le retour du Mahdi et qui constatent
que le pouvoir religieux shiite ne fait rien pour hâter sa venue se
développent" dit Nasr. Selon Salama Khafaji "Quand vous avez
un écroulement total de la société, c'est à ce moment là qu'apparaissent ces illuminés,
combinant l'anxiété sociale, la frustration politique et la peur de l'avenir".
Des religieux qui connaissaient Zahra prétendent que les Soldats du Ciel ne
sont qu'une branche de l'Armée du Mahdi, et n'ont que peu d'amis dans la
société dirigeante de Najaf. "Ils étaient opposés aux dirigeants
religieux (marjaiya), au gouvernement, aux Américains" dit le sheikh
Fateh Kashef al Guitta, de Najaf qui explique la situation. En plus d'une
occasion les adeptes de Zahra ont tenu des batailles rangées contre l'Armée du
mahdi. Ils étaient bien implantés à Zarqa, un village à
Zarqa
est un signe qui annonce des troubles. Et bien que G Bush ait félicité les
troupes pour leur succès contre Zahra ("les irakiens commencent à me
montrer quelque chose" dit-il), en fait les troupes gouvernementales
étaient à 2 doigts de perdre. Le colonel Ahmed Silawi, directeur du
Renseignement de Najaf et Abdel Hussein Abtan, le gouverneur-adjoint de Najaf
étaient en fait coincés. "Aidez-nous! Il y a un tir nourri!"
criait Abtan à la radio et Silawi a dit à notre correspondant qu'il avait
récité la prière des morts (la shehada). Ce sont les bombardements répétés de
l'aviation américaine qui avaient eu raison de ces "soldats
illuminés".
En
fait c'est l'Iran qui a plus d'influence dans cette région méridionale que la
Coalition. Et c'est l'Iran, semble-t-il, qui a fomenté les troubles au Sud."Si
après cette attaque, les Américains ne se rendent pas compte qu'ils ont besoin
de notre aide pour stabiliser l'Irak, on se demande si jamais un jour ils vont
comprendre" dit un officiel de Téhéran, lié au pouvoir Iranien et qui
a demandé à ne pas être nommé, vu l'importance du sujet.
Si
l'Iran attend que Washington demande son aide pour le Sud, il peut aussi
attendre le retour du Mahdi.