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IRAK, AN 5, CE QUI A MARCHE
Par
Amir Taheri, Journaliste et écrivain
New
York Post, 24/03/08
Traduit
par Albert Soued, www.chez.com/soued
pour www.nuitdorient.com
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NOUS SOMMES
EN TRAIN DE GAGNER LA GUERRE EN IRAK, VOICI POURQUOI
Cette
guerre avait 3 objectifs:
-
démanteler le régime de terreur créé par Saddam Hussein et son clan de Tikrit,
- restituer
au peuple Irakien le pouvoir
usurpé par les Tikritis,
- aider les Irakiens à construire une société
nouvelle qui pourrait à la longue devenir un modèle pour d'autres pays
musulmans.
Les 2
premiers objectifs ont été atteints. Le clan Tikriti
est très loin. Les Irakiens ont récupéré un pouvoir usurpé et l'ont mis en
pratique dans 2 élections et un référendum.
Le seul
débat utile est ainsi de savoir si le 3ème objectif a été atteint ou
non. A première vue, la réponse est négative. Si on regarde à la TV les
fréquentes attaques-suicide, les véhicules qui explosent et les milices qui se
déchaînent, personne ne voudrait d'une telle société.
D'autres
faits font que l'Irak d'aujourd'hui a peu d'attraits. Alors que 1,5 million de
personnes sont revenues dans le pays après la chute de Saddam Hussein, autant
de personnes ont fui le pays après 2004 et 2 autres millions de personnes se
sont déplacées à l'intérieur d'Irak.
Cependant
on peut dire que l'Irak atteint un certain niveau de succès dans des problèmes
que d'autres pays musulmans, états de création post coloniale, n'ont pas réussi
à résoudre depuis des années.
Le
1er d'entre eux concerne la légitimité, question liée à l'origine du pouvoir. Dans les pays
Musulmans traditionnels, la légitimité est dynastique, avec un vernis
d'autorité religieuse. Dans les soi-disant républiques, le pouvoir dérive d'un
mythe fondateur, des coups d'état militaires, appelés "révolutions".
Les mythes sont alors exploités pour justifier une domination arbitraire d'une
clique, souvent une élite militaire, s'appuyant sur des services de sécurité d'une
rare brutalité. En Irak après Saddam, la source de la légitimité est la volonté
du peuple, exprimée dans des élections libres. Aucun des partis politiques,
aucune des dizaines de personnalités politiques ayant émergé du scrutin sur la
scène publique ne revendique une légitimité issue d'un mandat divin, d'un
événement mythique ou d'un lien du sang.
Tout
cela peut sembler banal pour une vieille démocratie. Mais pour une nation qui
veut entrer dans la modernité, il s'agit d'un enjeu majeur. Dans le nouvel
Irak, cette légitimité du pouvoir populaire peut être illustrée par le fait que
c'est le seul pays musulman dont la constitution n'a pas été écrite et imposée
par une petite clique au pouvoir. La constitution a été élaborée dans un
processus où des milliers de gens sont intervenus pendant 2 ans de consultation
et de débats, suivis par son examen par une Assemblée Constituante, et enfin,
le choix a été fait par un référendum populaire.
On peut
considérer ainsi que les 11 millions d'Irakiens qui ont voté sont comme les
pères et mères fondateurs du nouvel Irak.
Le 2ème
succès est le consensus trouvé dans l'exercice du pouvoir. Le nouvel Irak est le
seul pays musulman avec un système de séparation des pouvoirs et un système de
contrôle. Alors qu'en Iran qui a aussi une majorité shiite comme l'Irak, un
seul individu, le "Guide Suprême" a des pouvoirs illimités, au dessus
des institutions de l'Etat, au nom de l'"imam caché". En Turquie, un
Conseil National de Sécurité non élu, dominé par les militaires, peut passer
outre l'autorité civile et imposer sa loi. En Syrie, "une chambre étoilée",
régie par le président, lui-même choisi lors d'élections à un seul candidat,
peut annuler les décisions légales et juridiques.
Le 3ème
succès concerne la concentration des pouvoirs qu'on constate presque partout
dans le monde musulman. En Iran, créer une école privée dans une des 30
provinces exige l'approbation de Téhéran, en fin de compte le Guide Suprême
lui-même. En Syrie, une autorisation de taxi roulant à Alep doit être approuvée
par Damas. On ne peut pas traduire le mot "décentralisation" en
arabe, perse ou turc. Le nouvel Irak a été conçu totalement décentralisé. Dans
l'avenir, quand les Assemblées Régionales seront en place, l'Irak deviendra un Etat Fédéral, incroyable dans le monde musulman.
La diversité ethnique et religieuse constitue le 4ème sujet abordé par le nouvel
Irak. Presque tous les pays musulmans présentent des communautés diversifiées
sur le plan ethnique et religieux, souvent avec une longue histoire de méfiance
mutuelle sinon d'inimitié. Habituellement la méthode du pouvoir musulman est
d'ignorer la diversité. En Egypte la minorité Copte qui représente quelques 10%
de la population n'a aucun représentant au Parlement! En Turquie l'état a
longtemps prétendu qu'il n'avait pas de minorité kurde, appelant ses 15
millions de kurdes, "les Turcs de la montagne". En Iran, on trouve
très peu d'Arabes, de Kurdes, de Balouches et de
Turkmènes au Parlement et dans les hauts échelons du pouvoir, malgré qu'ils
représentent plus de 15% de la population. Et les musulmans sunnites qui sont
12% ne sont pas autorisés à avoir une seule mosquée à Téhéran.
Le
nouvel Irak offre un modèle différent dans lequel la diversité s'exprime
librement à travers un système fédéral où le pouvoir est partagé.
L'Irak
cherche aussi à résoudre un problème ardu, et c'est le 5ème que nous
citerons, celui du partage des ressources
naturelles, notamment le pétrole. Dans
tous les pays musulmans où on trouve du pétrole, l'Etat a le contrôle exclusif
de l'industrie et des revenus. Cela entraîne des disparités régionales et la
corruption. Dans le nouvel Irak, les régions reçoivent des parts
proportionnelles à leur démographie et le Parlement décide in fine du budget
national.
L'Irak
a abordé des problèmes que tous les autres pays musulmans ont ignorés ou n'ont
pas réussi à résoudre. Au bout de 5 ans seulement, l'Irak montre déjà des
signes de succès.
Mais
l'histoire n'est pas écrite à l'avance. Le nouvel Irak peut encore échouer dans
sa tentative de développer quelque chose de différent du despotisme qui domine
la région depuis de siècles.
Ses
amis peuvent l'abandonner avant que ses succès ne soient consolidés. Ses
ennemis qui s'évertuent en permanence à tuer dans l'œuf ce nouveau modèle, pour
éviter la comparaison, pourraient bien rire les derniers.