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LE CHEF SYRIEN ESSAIE DE CONSOLIDER SON POUVOIR

 

Par Hassan M Fattah

Article paru dans le New York Times du 19 mars 2005

Traduit par Albert Soued www.chez.com/soued

 

Quand Bashar el Assad a hérité de son père la présidence de la Syrie il y a 5 ans, on a commencé à parler d'une nouvelle ère. Ophtalmologiste formé à Londres, le jeune beau parleur Assad préférait l'ouverture et la réforme économique à la contestation. Il a rejeté le culte de la personnalité des dictateurs arabes, refusant de couvrir le pays de sa photo. Pourtant, la semaine dernière sa photo est apparue à tous les coins de rue pendant que Damas célébrait son pouvoir par un rallye bien orchestré.

Ces posters sont le signe le plus récent et le plus visible que M. Assad, 39 ans, venait de changer de tactique, démarrant une campagne de consolidation de son pouvoir et de soutien de sa fonction, au milieu d'une crise internationale liée à la domination du Liban depuis 3 décennies.

"Bashar est en train d'apprendre pour quelle raison son père faisait certaines choses" dit Joshua Landis de l'Université de l'Oklahoma dans le site web www.syriacomment.com, qui séjourne à Damas en 2005, "si tu dois être un dictateur, tu dois te comporter comme tel".

Des analystes et des diplomates disent ici que M. Assad a commencé à purger les rangs des militaires, à écarter les éventuels opposants et à arracher le contrôle des affaires étrangères, notamment le dossier Liban, de son vice-président.

C'était vraiment un pari. Quand M.Assad a décidé en automne dernier de pousser le parlement libanais à proroger le mandat d'Emile Lahoud, le président pro-syrien, les tensions ont commencé. Rafik Hariri, premier ministre du Liban de longue date a démissionné et a commencé à s'allier plus étroitement avec l'opposition anti-syrienne qui montait.

L'assassinat de M. Hariri le mois dernier a provoqué une explosion au Liban, les forces de l'opposition faisant porter la responsabilité sur la Syrie. Les gouvernements arabes et occidentaux ont alors demandé que la Syrie retire du Liban ses troupes et ses renseignements généraux. M. Assad  a promis qu'il se retirerait et a commencé ce retrait. On se perd en conjecture pour savoir si la Syrie a réellement l'intention de quitter les lieux ou si elle veut garder son contrôle sur le pays par d'autres moyens.

Il est largement ressenti que le maintien d'un contrôle est une pièce maîtresse dans la survie du régime, du fait de l'importance du Liban dans l'économie syrienne. En parallèle, il n'y a aucun challenger sérieux au pouvoir de M. Assad dans l'opposition.

Lors des 5 dernières années, il a œuvré pour équilibrer les cadres de la sécurité, des affaires et de l'armée avec le sang neuf qu'il a introduit dans le gouvernement. Bien que considéré comme faible, personne n'a essayé de le supplanter et l'opposition est faite d'intellectuels, d'islamistes et d'affairistes. "Le problème avec l'opposition est qu'elle ne change pas avec le temps. En fin de compte les deux parties sont faibles, le régime et l'opposition; ceci signifie qu'il y a un vide et des forces extérieures pourront intervenir pour résoudre le problème" dit Riad al Turk, considéré par tous comme le grand père du mouvement d'opposition.

Des diplomates  ont dit récemment que la vulnérabilité d'Assad est un sujet courant de discussion dans les arrières boutiques. Ainsi en juillet dernier M. Assad a commencé à renforcer son pouvoir. Il a commencé par instituer une limite d'âge dans l'armée, expédiant 440 officiers à la retraite, ainsi que chef d'état major, le général Imad Ali Aslan. Il a gardé des confidents et de jeunes amis en réserve, dans l'attente d'opportunités, jouant la vieille garde conter la nouvelle. Beaucoup disent que le résultat

est une position plus orientée vers les problèmes de l'intérieur plutôt que focalisée sur une stratégie de politique étrangère. Ceci est un changement par rapport au père qui voyait la Syrie comme le pays à l'avant-garde de la lutte contre Israël (1).

"Nous sommes une génération qui ne se sent pas responsable de ce qui peut se passer au Moyen Orient. Mais il y a des forces qui n'ont pas compris l'évolution de la situation internationale et ne savent pas comment réagir" dit un éminent initié de l'intérieur. Cette mauvaise lecture de la situation a mené à de nombreuses erreurs de jugement, dont les conséquences ont provoqué les événements du Liban, dès le mois d'août avec la prolongation du mandat Lahoud. Dans la dernière crise, le gouvernement a montré une mentalité d'assiégé, muselant les quelques libertés chèrement gagnées, censurant les publications et communiquant avec des phrases sibyllines que personne ne comprend à l'étranger.

En réalité, la crise a aidé M. Assad à formuler plus clairement ce qu'il veut. En fait en dépit des atermoiements le retrait du Liban, s'il se produit, a des chances d'être une des décisions les moins lourdes. M. Assad et ses conseillers font le pari qu'après leur départ le H'ezbollah et Lahoud prendront soin des intérêts syriens au Liban. Entre temps, Damas évite les sanctions internationales, imputant la responsabilité de désarmer le H'ezbollah aux Nations Unies.

Dans son discours annonçant un éventuel départ du Liban, M. Assad a envoyé des piques à ses conseillers, les blâmant pour ses erreurs et a annoncé ostensiblement des plans pour une nouvelle conférence régionale du parti Baath, ce qui est le début d'un changement. En effet on doit s'attendre à un schisme entre le parti et le gouvernement, mettant un terme à des décennies de copinage et de contrôle du gouvernement par le parti. Mais comme le parti est son principal soutien M. Assad doit marcher prudemment et inventer un nouveau mécanisme de loyauté en dehors du parti. Au bout du compte, d'éminents syriens le disent, il doit se construire un leadership personnel et renforcer suffisamment son pouvoir pour pouvoir négocier le Golan avec Israël "il n'y a plus place aux erreurs maintenant" dit Samir al Taqi, un chercheur au Centre d'études stratégiques de Damas (2).

 

Notes de la traduction

(1) le rêve de Hafez al Assad était d'être au centre d'un Croissant fertile, allant d'Irak à l'Egypte.

(2) selon un diplomate occidental basé à Damas et rapporté par le Jerusalem Post du 17 mars 2005 "pendant que Bashar joue au poker, Bush joue aux échecs". Le diagnostic est qu'en fin de compte, le régime de dictature Syrien risque le "mat".

Selon le correspondant du même journal, Bashar a pris des risques en confiant les "Moukhabarat" à son beau-frère Assef Shawkat, un homme ambitieux et fort.

Cela ne serait pas plutôt un moyen de quitter en douceur un pouvoir qui lui sied mal?

 

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