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DOUBLE TRAHISON

 

Par Barry Rubin, directeur du Centre Gloria, Global Research in International Affairs à Hertzlyah

Paru dans le Jerusalem Post du 7 mai 2007

Traduit par Artus pour www.nuitdorient.com

 

En politique ce qui est important ce n'est pas seulement ce que vous faîtes, mais c'est surtout comment on vous perçoit et comment on réagit. Cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas agir du fait de la perception d'autrui, mais on devrait simplement en tenir compte.

Le mois dernier Nancy Pelosi, speaker à la Chambre des Représentants, accompagnée d'autres démocrates, a visité la Syrie. Ils ont parlé avec respect du gouvernement de ce pays et n'ont fait aucune déclaration publique pour condamner le parrainage par ce pays des terroristes en Irak, au Liban ou en Israël. Nulle part, ils n'ont affirmé leur soutien aux dissidents Syriens, que cela soit en public ou en privé! Cette visite a attiré l'attention des médias, mais les caméras de TV ont été débranchées quand ces illustres visiteurs ont quitté le pays et elles n'ont pas filmé la suite des évènements.

Mon dernier livre "La vérité sur la Syrie" (The truth about Syria) explique comment la nature même du régime rend inévitable son soutien au terrorisme, son radicalisme et son intransigeance. Comme ce régime ne peut offrir ni liberté ni progrès matériel à son peuple, il est amené à la démagogie et à l'extrémisme pour survivre. Et pour donner au peuple une raison de soutenir un régime autoritaire, la Syrie a besoin d'une image islamiste, celle d'un champion de l'Islam qui se bat contre l'Occident et Israël (1). Sans ce prétexte, le pays s'écroulerait. Et les dirigeants le comprennent fort bien. L'alliance Syrie-Iran n'est pas une erreur de parcours, mais la profonde expression de cette stratégie et des intérêts mutuels.

En même temps, comme la Syrie est un cas d'étude impressionnant sur la manière dont les dictatures arabes fonctionnent et restent si longtemps au pouvoir (2), c'est aussi un exemple étonnant de la manière dont l'Occident ferme les yeux sur un comportement qui, par ailleurs, est considéré comme intolérable. Car après tout, la lutte contre le terrorisme est un pilier central de la politique occidentale. Et la Syrie est le champion mondial de la Ligue Terroriste. Pourtant ce qu'on entend aujourd'hui dans le discours occidental, c'est qu'il faut lui parler, lui faire confiance et faire des concessions!

 

En effet la visite de Pelosi a convaincu le régime et le peuple syrien que le président Bashar el Assad est dans la bonne voie et n'a pas besoin de faire le moindre geste dans le sens de la démocratie ou de justifier sa politique aventureuse. De nombreux Syriens sont d'accord avec les propos d'un Damascène à un reporter américain "Les visites et les entretiens de rapprochement avec la Syrie montrent bien que Bashar avait raison de ne pas faire de concessions"

Mohamed Mamoun Homsi, un important dissident démocrate a été condamné à 5 ans de prison en 2001. Libéré sous condition de silence, Homsi a quitté son pays et a supplié Pelosi de ne pas aller en Syrie. Quand Pelosi était à Damas, le gouvernement Syrien a gelé tous les avoirs de Homsi. Et quand la délégation américaine quitta le territoire syrien, le régime a commencé une série d'arrestations. Anwar Al Bunni a été rapidement jugé et condamné à 5 ans de prison. Bunni et 5 autres dissidents qui sont en prison, de même que le journaliste connu Michel Kilo, et Kamal Labwani arrêté après son retour d'une visite à la Maison Blanche, ont réussi à sortir une lettre de leur geôle "Les détenus devraient sentir qu'ils ne sont pas seuls… et qu'il y a un espoir de solution pacifique dans la crise des libertés et des droits de l'homme en Syrie". Mais eux et les autorités qui les détiennent savent qu'ils sont SEULS.

 

Mais cela n'est pas le seul problème. L'idée de parler à la Syrie n'est pas nouvelle. Elle avait été lancée par James Baker, suite au rapport d'étude sur l'Irak. Et aujourd'hui elle est reprise par sa protégée Condoleeza Rice, Secrétaire d'Etat. Elle a rencontré récemment le ministre des Affaires Etrangères Syrien lors d'une conférence sur l'Irak, à Sharm el Sheikh. De la même manière, elle a sapé le boycott de l'Autorité Palestinienne gouvernée par le Hamas, boycott initié par les Etats-Unis, en allant rencontrer leur ministre des finances qui recherche des fonds pour son régime terroriste (3).

En termes pratiques, ces rencontres ne mènent pas à grand-chose. Néanmoins leur impact médiatique est un désastre. Comment voulez-vous que l'Europe s'aligne sur une politique que les Américains eux-mêmes ne respectent pas? Et quel est le message reçu par ce brave gouvernement Libanais, par ceux qui luttent pour leur survie en s'opposant à un Hezbollah qui manœuvre pour dominer le pays et en défendant l'indépendance du Liban contre les interférences irano-syriennes? La réponse est : "Abandonnez! Aucun secours occidental ne viendra!", ou comme le dit si bien Shakespeare "Désespérez et mourez!"

Cela ne veut pas dire qu'une politique faisant la promotion tout azimut de la démocratie soit correcte. La Realpolitik est parfois nécessaire. L'Occident doit s'allier avec les régimes arabes les moins radicaux pour faire obstacle à l'alliance Syrie-Iran-Hezbollah-Hamas. Cependant cela ne signifie pas que c'est très moral d'abandonner les dissidents de la liberté, dans le but de calmer des régimes "moins extrémistes" et au même moment, saboter ces gouvernements "pour dialoguer" avec les plus radicaux.

 

Une triste illustration de l'abandon de ces arabes démocrates, c'est l'interview du blogger égyptien "Sandmonkey" dans le blog "Atlas Shrags" où il annonce qu'il était obligé d'arrêter d'écrire parce que la police était à sa porte. Il expliquait que le gouvernement américain avait cessé de faire pression sur son pays parce que "le public américain n'était plus intéressé à réformer le Moyen Orient, suite aux événements d'Irak". Aussi le gouvernement Egyptien intensifie-t-il sa répression. "Ceux qui parlaient avant, sont amenés aujourd'hui à s'autocensurer". Le régime arrête les dissidents non-violents et les qualifie de terroristes, il traduit en justice tous ceux qui le critiquent sous prétexte qu'ils salissent la réputation de l'Egypte.

Il n'est pas étonnant qu'on lise dans un blog libanais, en réaction au rapport Winograd qui critique sévèrement les responsables Israéliens pour leur conduite lors de la 2ème Guerre du Liban "Dieu sourit aux Israéliens, quand il leur donne le discernement pour se débarrasser de leurs bouffons, alors que nous sommes sanglés avec les nôtres pour toujours"

 

Notes de la traduction

 

(1) D'autant plus que la majorité sunnite est suspicieuse à l'égard des dirigeants shiites, de la secte alaouite, très éloignés de l'Islam.

(2) Bashar el Assad vient d'être réélu pour 7 ans, avec 99% des voix…

(3) De même Condoleeza Rice oblige le 1er ministre Olmert à maintenir un dialogue régulier avec l'Autorité Palestinienne, sans objectif sérieux de paix, puisque la charte du Hamas l'interdit et que les chefs du Hamas, Hanyeh et Meshaal, ne cessent pas d'annoncer la fin de l'état d'Israël, avec le soutien de l'Iran. De même, cette même Rice interdit à Olmert de parler pour le moment à la Syrie, le dialogue lui étant réservé. En effet pour sauver son gouvernement impopulaire, Olmert cherche à faire une percée avec les Syriens, en leur offrant le Golan contre on ne sait trop quoi.

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