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LA SYRIE SAUTE DANS LE TRAIN ISLAMISTE

 

 

Par Dr Sami Alrabaa, professeur de sociologie en Allemagne, chroniqueur au Kuwait Times

Publié par The Jerusalem Report daté du 20 Août 2007

Traduit par Artus pour www.nuitdorient.com

 

Le régime syrien du Baa'th laïc a trouvé dans l'Islam une doctrine politique qui lui convient pour remplir le vide idéologique actuel. Le régime est en train de convertir le socialisme baa'thiste en une espèce d'Islam politique qui mobiliserait une foule de plus en plus acquise aux Islamistes et aux Musulmans conservateurs. Sauter dans le train islamiste, permettrait au régime de survivre à la confrontation avec les Etats-Unis et l'Occident en général, avec Israël et de promouvoir ses intérêts au Liban et en Irak.

Pour survivre et calmer un nombre croissant d'Islamistes en Syrie, le régime du Baa'th à Damas s'est allié avec la révolution islamique d'Iran et soutient des organisations radicales telles que le H'ezbollah, le H'amas, l'insurrection d'Irak.

Le président Bashar al Assad trouve toujours le temps pour rencontrer le leader du Hamas basé à Damas, Khaled Mash'al, le chef du H'ezbollah, H'assan Nasrallah et Youssef al Qaradhawi, un sheikh égyptien radical.

Selon des informations récentes, Assad a demandé la création d'un collège d'études islamiques à l'Université d'Alep. Peu avant, cette ville avait été déclarée "capitale de la culture musulmane". Le journal Tishrine rapporte que le gouvernement a approuvé la création de "banques islamiques" (1). De nombreuses banques arabes et islamiques ont créé des branches en Syrie, telle que la Banque islamique du Qatar. Aujourd'hui on en compte neuf. Ce qui les distingue d'une banque normale, c'est d'abord qu'elles ne paient pas d'intérêt, assimilé à de l'usure et contraire à la Sharia'h, et ensuite il y a séparation entre hommes et femmes.

Faisant partie de l'offensive islamique, lors des prières du vendredi, les sermons des mosquées descendent en flammes les Etats-Unis traités de "grand satan". La radio et la télévision de Damas interrogent constamment des sheikhs à propos de l'Occident et la réponse est toujours agressive et hostile, car "l'Occident n'aurait pas de norme de moralité". Mais il semble que cette nouvelle orientation n'aide pas tellement le régime devant le mécontentement qui croit. Il y a un malaise social qui couve dans ce peuple de 19 millions d'habitants. Les "discrètes" réformes vers l'économie de marché et l'accès à l'internet et à la télévision internationale par satellite ont provoqué une pulsion et un désir de consommation, sans les moyens financiers pour les satisfaire. La contestation demande des réformes plus profondes sur les plans politique, économique et social.

Le socialisme et le pan arabisme, les 2 piliers du régime du Baa'th sont devenus des slogans obsolètes et intéressent peu de monde. L'évangile de l'avidité a remplacé le collectivisme. "Les sociétés du secteur public sont en faillite" écrit Mohamed al Bairaq dans Tishrine. "Une forme virulente de capitalisme d'influence envahit la cité" dit Zouheir Ganoum, un membre du Parlement. Sous la férule de Hafez al Assad, personne n'osait parler d'"Islam politique", c'était banni et les islamistes étaient vilipendés et écartés. Aujourd'hui le fils Assad espère introduire cette idéologie avec un discours adéquat pour étouffer dans l'œuf les récusations grandissantes contre l'autorité du gouvernement. Les alliés de la Syrie utilisent, eux aussi, l'Islam politique comme idéologie qui mobilise le peuple (2).

Sous l'anonymat, un professeur syrien m'a expliqué que le régime d'Assad, a compris que le socialisme baa'thiste n'avait plus d'écho auprès du peuple, pour qui la laïcité était trop abstraite. D'où la mise en place d'une doctrine de rechange, pour couvrir la faillite du système. Un autre membre de l'Université de Damas pense que le gouvernement joue avec le feu, car les islamistes n'attendent que le moment propice pour renverser ce régime. Ils n'ont jamais oublié et n'oublieront jamais les massacres de dizaines milliers de Frères Musulmans à H'ama en 1982 et les atrocités infligées depuis 3 décennies. Ils n'attendent que la revanche.

En fait le problème réel pour moderniser la Syrie se situe au niveau des politiques rétrogrades menées par le Baa'th. L'élite intellectuelle comme le peuple ne supporte plus l'endoctrinement et le régime actuel n'a pas assez d'autorité morale pour introduire de vraies réformes. Il faudrait bannir aussi bien la propagande rigide du Baa'th que l'Islam politique et introduire les libertés civiles et individuelles…Le régime n'a rien appris des conséquences du régime baa'thiste de Saddam Hussein. La situation actuelle comporte d'énormes risques pour la région, car des élections libres amèneraient au pouvoir les Frères Musulmans, seule force d'opposition sérieuse, interdite mais organisée.

Le régime actuel met en avant et amplifie les fautes de ses adversaires, mais ne fait pas cas de ses propres limites. Les nombreux troubles intérieurs sont attribués "aux impérialistes et néocolonialistes". Et les médias d'état ne sortent jamais de la propagande, décrivant le régime syrien comme bienveillant et donnant une image déformée de l'ennemi. Par exemple, les centaines d'attentas-suicide contre des civils musulmans en Irak ne sont jamais rapportés. Quand les armées étrangères visent par erreur des civils innocents en Afghanistan ou en Irak, les nouvelles sont toujours là et exagérées.

 

En fait, si les Syriens étaient libres d'exprimer leur point de vue à propos de Bashar al Assad, la majorité voudrait le voir quitter le pouvoir avec son régime.

 

 

Notes de la traduction

 

(1) les intérêts sont remplacés selon les cas par des frais ou commissions, ou par des dividendes, partage du bénéfice (mourabah'a)…

(2) Iran, Arabie, Hizbollah, H'amas, insurrection d'Irak

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