www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
REVELATIONS SUR LE MASSACRE DE LA PRISON DE
SAYDNAYA
(Saydnaya est aussi un haut lieu de
pèlerinage pour les chrétiens syriens)
Par Mohamed
Ali Al-Abdallah
Al Mustaqbal
Traduction Courrier International -hebdo n° 925 - 24 juil. 2008
Trois jours durant, on s’est demandé si les gardiens pris
en otages par les prisonniers avaient été libérés ou non. Trois jours durant,
les prisonniers se sont réfugiés sur le toit avec leurs otages, sous le soleil
brûlant, sans eau ni nourriture. Pendant ce temps, leurs familles n’ont pas
fermé l’œil parce qu’elles erraient dans les rues à la recherche de la moindre
information et se demandaient si leurs fils étaient morts ou vivants. C’est
ainsi que les choses se passent au royaume du mutisme. Le gouvernement a mis
vingt-quatre heures avant de publier un premier communiqué laconique, mais
sans répondre à aucune des questions que se posaient les familles. Au lieu
de leur donner des nouvelles sur le sort des otages, il se bornait à condamner
l’action de “terroristes extrémistes”.
Et encore, cela constitue un progrès, puisque c’est peut-être la première
fois que le gouvernement reconnaît des événements à caractère sécuritaire
dans le pays. Habituellement, ce genre d’incidents est purement et simplement
passé sous silence. Le pouvoir n’avait dit mot des violences qui s’étaient
produites dans la prison d’Adra il y a moins d’un
an, ni de l’énorme incendie qui s’était déclenché dans la même prison de Saydnaya il y a environ deux mois. A l’époque, il s’était
contenté de suspendre le droit de visite. Cette fois-ci encore, il aurait
probablement fait de même si les prisonniers ne l’avaient pris de court en
laissant les otages parler aux médias par téléphone portable. Son embarras
apparaissait clairement dans le ton hésitant du communiqué, qui n’était signé
d’aucune instance officielle et dont la seule particularité officielle était
d’avoir été publié par l’agence de presse gouvernementale.
Les autorités persistent à créer du brouillard
Les familles des victimes suivaient les événements dans les médias et entendaient
les annonces sur le nombre croissant de morts et de blessés arrivant à l’hôpital
militaire. Elles sont donc descendues dans la rue et se sont dirigées vers
la prison, mais les forces de l’ordre les ont tenues à l’écart, à plus de
Ensuite, ces familles ont été priées de se rendre près du centre-ville, sous
le pont du Président, un endroit à l’écart des regards. On leur a promis de
leur envoyer des journalistes qui les écouteraient et qui rapporteraient leurs
récits à l’opinion publique. Mais ce sont des policiers qui les ont accueillies,
et un des journalistes, qui était venu avec une caméra, a été sauvagement
battu avant d’être emmené vers un endroit inconnu.
Un minimum de transparence dans la gestion de cette crise aurait permis d’en
réduire la gravité de moitié. Un communiqué indiquant le nombre et les noms
des victimes aurait calmé les familles, et la restitution des corps des martyrs
aurait été mille fois préférable à leur retenue pour autopsie. Mais les autorités
persistent à créer du brouillard et il est plus que probable que, après la
fin officielle de la crise, elles interdiront les visites à la prison afin
que personne ne sache jamais le nombre exact des victimes et les circonstances
dans lesquelles la crise s’est déclenchée.
Les proches des victimes originaires de Homs ont organisé des sit-in nocturnes
et ont été tabassés. Puis la chose s’est propagée à Lattaquié [ville portuaire,
à l’ouest], où d’autres familles ont demandé des nouvelles de leurs enfants.
Le lendemain, on a entendu parler de manifestations de citoyens, qui, de plus
en plus en colère, sont venus des quatre coins du pays pour se retrouver à
Damas. Allez savoir comment les autorités les auront traités.