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Le "réformateur" de la Syrie

 

Par Charles Krauthammerletters@charleskrauthammer.com 

Paru dans le Washington Post

Adaptation française de Sentinelle 5771

1er avril 2011

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Nombre de membres du Congrès des deux Partis ayant voyagé en Syrie ces derniers mois ont déclaré qu’ils pensaient que c’est un "réformateur". — Hillary Clinton à propos de Bashar el Assad, le 27 mars 2011. 
Peu de déclarations du gouvernement au cours des 2 dernières années parviennent à ce niveau de faillite morale et d’incompréhension stratégique.

D’abord, cette déclaration est manifestement fausse. On espérait que le président Bashar el Assad serait un réformateur quand il hérita la dictature de son père il y a une décennie. Ophtalmologiste formé à Londres, il fut traité par les médias comme un Youri Andropov – sous la présomption qu’ayant été soumis aux manières occidentales, il avait été occidentalisé. Faux. Assad a dirigé de la même poigne de fer la police d’Etat alaouite que le faisait son père.

Bashar a fait des promesses de réforme pendant le très bref printemps arabe de 2005. Les promesses furent brisées. Au cours des manifestations actuelles brutalement réprimées, sa porte-parole a fait des promesses renouvelées de réforme. Puis mercredi, lors d’une apparition au Parlement, Assad se montra effrontément arrogant. Il n’offrit aucune concession. Rien.

Ensuite, la déclaration de Clinton était moralement stupide. Voilà des gens qui manifestent contre une dictature qui  tire à balles réelles de manière répétée sur son propre peuple, un régime qui en 1982, a tué 20.000 personnes à Hamma, puis a roulé sur les morts. Voilà un peuple d’un courage insensé, qui exige une réforme – et la secrétaire d’Etat des USA déclare au monde que le voyou ordonnant de tirer sur des innocents est pourtant un réformateur, acceptant ainsi effectivement la ligne du Parti Baath – "Nous sommes tous des réformateurs", a dit Assad au Parlement – tout en sapant la cause des manifestants.

Troisièmement, c’est incompréhensible stratégiquement. Parfois vous couvrez un allié répressif parce que vous en avez besoin pour la sécurité nationale des USA. D’où notre position muette au sujet de Bahreïn. D’où notre réponse lente sur l’Egypte. Mais il y a de rares moments où l’intérêt stratégique et l’impératif moral coïncident totalement. La Syrie en est un – une monstrueuse police d’Etat dont le régime conspire en permanence à s’opposer aux intérêts des Etats-Unis dans la région.

Pendant les pires moments de la guerre en Irak, ce régime a fait passer des terroristes vers l’Irak pour combattre les soldats américains et leurs alliés irakiens. Il fait aussi couler le sang libanais, étant derrière le meurtre de journalistes indépendants et de démocrates, y compris l’ancien Premier ministre Rafik al Hariri. Cette année, il a aidé à renverser le gouvernement pro-occidental du fils d’Hariri, Saad, et mis le Liban sous la coupe du Hezbollah, Parti anti-occidental virulent. La Syrie est un partenaire de la prolifération nucléaire avec la Corée du Nord. C’est un agent de l’Iran et son plus proche allié arabe, lui fournissant un débouché sur la Méditerranée. Les deux bateaux de guerre iraniens qui sont passés par le Canal de Suez en février ont accosté dans le port syrien de Latakieh, pénétration iranienne en Méditerranée depuis longtemps recherchée.

Pourtant, la Secrétaire d’Etat en était à couvrir le dictateur syrien contre sa propre opposition. Et les choses ne se sont pas améliorées quand Mme. Clinton a essayé deux jours plus tard de faire machine arrière en disant qu’elle ne faisait que citer d’autres intervenants. Stupidités. Sur la myriade d’opinions émises sur Assad, elle avait choisi d’en citer précisément une seule: "le réformateur". C’est une approbation, peu importe à quel point elle tente plus tard de prétendre autrement. 

Et ce ne sont pas seulement des mots, c’est la stratégie politique derrière ces mots-là. Cette consécration envers Assad est une itération consternante de la réponse du président Obama au soulèvement iranien de 2009 pendant lequel il se montra scandaleusement réticent à soutenir les manifestants, tout en réaffirmant de façon répétée la légitimité de la théocratie brutale qui les supprimait.

Pourquoi ? Parce qu’Obama voulait poursuivre le dialogue avec les mullahs – de façon à pouvoir parler de leurs armes nucléaires. Nous savons comment cela a tourné.

La même suffisance anime sa politique en Syrie – conserver de bonnes relations avec le régime, de sorte qu’Obama puisse baratiner sur son alliance avec l’Iran et son parrainage du Hezbollah. 

Une autre faillite abjecte. La Syrie a rejeté avec mépris les flatteries d’Obama – visites obséquieuses du Président du Comité des Relations Extérieures du Sénat, John Kerry, et retour du premier ambassadeur des USA à Damas depuis l’assassinat de Hariri.

Réponse d’Assad ? Une alliance encore plus resserrée et ostentatoire avec le Hezbollah et l’Iran.

Notre ambassadeur à Damas devrait exiger de rencontrer les manifestants et de rendre visite aux blessés. En cas de refus, il devrait être rappelé à Washington. Et plutôt que de "déplorer les mesures sévères", comme l’a fait Hillary Clinton dans son pas de clerc, nous devrions le dénoncer en un langage vigoureux et dans tous les forums possibles, y compris le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Personne ne demande la même aide que pour la Libye. Si Kerry veut se ridiculiser en continuant d’insister, disant qu’Assad est un agent du changement, eh bien, nous sommes un pays libre. Mais Mme Clinton parle au nom de la nation.