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L'ACCORD DE COOPERATION, UN CHEQUE EN BLANC POUR LA DICTATURE SYRIENNE
Par Claude Moniquet- esisc@esisc.org
- le 20.10.04
claude.moniquet@esisc.org
Ce mardi 19 octobre, l'Union Européenne et la Syrie ont
signé, à Bruxelles, un vaste accord de coopération économique et politique. Du
côté européen, les plus optimistes voient dans ce traité une possibilité de
faire évoluer le régime syrien vers plus de transparence et d'ouverture.
D'autres, dont nous sommes, estiment plutôt que cet accord est un véritable
chèque en blanc signé au régime du président Assad qui représente actuellement
(avec l'Iran) l'une des dictatures les plus brutales et les plus dangereuses de
la région.
1) LES CINQ FAUTES MAJEURES DE
LA SYRIE
La Syrie refuse toute évolution démocratique et bafoue
les droits de l'homme. Pour s'en tenir à l'actualité récente :
- Le 10 octobre 2004, l'activiste Kurde Mas'oud Hamid était condamné à 5
ans de prison pour appartenance à « une organisation secrète »
- Le 30 septembre et le 1er octobre 2004, la police arrêtait Nabil FAYAD et
Jihad NASRA, qui, le 13 septembre avaient fondé le site www.liberalsyria.com, un forum indépendant
- Le 16 septembre 2004, Hanan Bakr Deeko, qui assistait au mariage de son
neveu, était enlevé par des hommes du renseignement militaire, dans la
villed'ALEP et emmené vers une destination inconnue. Six jours plus tard, son
cadavre, portant de nombreuses traces de coups et de torture était rendu à sa
famille. M. Deeko était un activiste kurde ;
- Dans la première quinzaine d'août 2004, 25 personnes ont été arrêtées pour
des raisons non spécifiées dans la ville de HAMA
- Le 25 juillet, un tribunal condamnait Haytham Qutaysh, son frère Muhammad et
Yahya al-Aws à 4 ans de prison pour le premier, et à trois ans de prison pour
les deux autres. Leur crime : avoir répandu «de fausses informations» obtenues
sur des sites internet censurés en Syrie
- Le 27 juin 2004, 7 activistes kurdes étaient condamnés à des peines de prison
pour « séparatisme »
- Lors des manifestations indépendantistes kurdes réprimées par l'armée, en
mars 2004, entre 25 (sources officielles) et 100 (opposition) personnes ont été
tuées, des centaines d'autres blessées et 6 000 arrêtées. Six mois plus tard,
entre 500 et 600 personnes seraient toujours détenues sans jugement
- En janvier 2004, un détenu identifié comme étant Firas Mahmud Abdullah est
mort sous la torture à la prison de LATAQUIE.
La Syrie continue à occuper le Liban :
- Le 1er octobre dernier, Kofi ANNAN, Secrétaire Général des
Nations Unies affirmait que 14 000 soldats syriens demeuraient au Liban en
dépit d'un simulacre de retrait ;
- Le deux septembre dernier, le Conseil de Sécurité de l'ONU adoptait la
résolution 1559, co-parrainée par Washington et Paris, appelant au respect de
la souveraineté du Liban par le retrait de toutes les troupes étrangères de son
sol. L'armée syrienne est seule concernée par ce texte
La Syrie continue à abriter des organisations
terroristes
- Le HAMAS et le DJIHAD ISLAMIQUE DE PALESTINE disposent de bureaux et
de
nombreuses facilités à Damas et dans d'autres villes syriennes
- Plusieurs terroristes mêlés à de récents complots islamistes en Jordanie
auraient transité par la Syrie
La Syrie constitue une menace régionale pour d'autres
pays arabes
- Outre le fait qu'elle continue illégalement à occuper le LIBAN, la
SYRIE déstabilise l'IRAK en permettant que s'y infiltrent, depuis son territoire,
des « volontaires arabes » et autres terroristes, parfois entraînés par ses
propres services de renseignement avec la complicité du Hezbollah libanais
La Syrie n'a jamais reconnu sa
responsabilité dans les actions terroristes des années 70 et 80
- La LYBIE n'a pu réintégrer la communauté internationale qu'après avoir
admis sa responsabilité dans certains attentats et accepté d'indemniser les
victimes. La SYRIE, qui fut elle aussi l'un des sponsors majeurs du terrorisme
international entre 1970 et 1990, n'a jamais fait aucun geste dans ce sens
2) AU PLAN POLITIQUE, UN PAYS TOTALEMENT FIGE
A la mort de Hafez al-Assad, certains ont pu penser que le régime allait
évoluer. Bachar al-Assad avait suivit des études de médecine et d'ophtalmologie
en Grande-Bretagne et passait pour un homme moderne et compétent. Les dernières
années de pouvoir de Hafez al-Assad avaient, d'ailleurs, été marquées par
quelques timides réformes économiques qui avaient permis l'émergence d'une
microscopique classe moyenne de commerçants et de petits entrepreneurs.
Dans un régime marqué par le socialisme et l'économie étatique, il pouvait
s'agir d'une petite révolution. Celle-ci ne s'est, toutefois, jamais transposée
dans le domaine politique, celui-ci demeurant totalement verrouillé. Et
l'arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad, malgré les discours dans lesquels il
insistait sur l'importance de l'économie, n'y a rien changé. Certes, en
novembre 2000, plusieurs centaines de prisonniers
politiques avaient été libérés suite à une mesure d'amnistie. On a vu aussi
apparaître des Forums de discussion au sein desquels des intellectuels de
diverses tendances pouvaient échanger leurs vues. Mais leurs réunions ont
rapidement été soumises à autorisation, on leur a ensuite imposé de n'aborder
aucun débat politique et ils sont aujourd'hui purement et simplement interdits.
Enfin, à l'été 2001, plusieurs vagues d'arrestations ont frappé les milieux«
dissidents ». De nombreux hommes d'affaires influents qui avaient osés
ouligner que le marché a besoin de la liberté pour s'épanouir pleinement, et
des intellectuels ont été arrêtés. Parmi eux, les «parlementaires indépendants»
Maamoun al-Homsi et Riad Seif. Jugés avec d'autres par la Makhamat Amn al-Dawla
al-Aliya (Cour Suprême de la Sûreté de l'Etat) ou par des tribunaux pénaux, ils
ont été condamnés respectivement à 5 ans et à 4ans de prison pour avoir réclamé
une plus grande ouverture politique. Les
seuls «changements» réels auxquels on semble avoir assisté, à Damas, depuis
juin 2000, sont des rééquilibrages entre les familles, tribus ou clans
alaouites au pouvoir.
Et pourtant, c'est ce pays qui a été accepté par l'Union Européenne comme
partie prenante de ce que Monsieur Chris PATTEN, Commissaire Européen aux
Relations extérieures a appelé « un partenariat géostratégique » prévoyant un
dialogue politique régulier.
Nous craignons que loin d'y voir un encouragement à choisir la voie de la
réforme et de l'ouverture, le régime syrien ne comprenne cette décision un
chèque en blanc l'autorisant à continuer ses activités de déstabilisation, ses
violations des droits de l'homme et à utiliser le terrorisme comme un
instrument politique. Il nous semble que des sanctions - comme celles prises
aux Etats-Unis cette année avec le Syrian Accountability Act, auraient été plus
efficaces. Si l'Europe avait rejoint Washington et totalement isolé Damas, le
régime n'aurait eu d'autre choix, à terme, que de céder. De même les sanctions
ouvraient d'intéressantes possibilité de diplomatie secrète ou
à tout le moins discrète, comparables à celles qui ont été utilisées par
Londres et Washington pour faire céder Tripoli.
Mais l'U.E. a choisi de se priver de cette possibilité et de
donner une véritable prime à la dictature et au terrorisme.