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Par Albert Soued, écrivain http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com
Paris le 25 février 2018
Cet article fait suite à celui du 6 août 2012 : Ne Vous Méprenez pas, c'est une Guerre de Religion
N'hésitez
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Très récemment,
les Russes ont perdu entre 100 et 300 mercenaires dans une seule bataille
menée en appui de forces syriennes estimées à 500 combattants et de milices
shiites affiliées à l’Iran, contre les Forces Démocratiques Syriennes, appuyées
par une unité de spécialistes américains, à 150 m d’une base américaine, près
de Deir el Zor, au centre-est de la Syrie.
Dans une
guerre chaotique qui dure depuis 7 ans déjà, voilà que 2 puissances mondiales sont
soudain l’une face à l’autre et se confrontent directement. Et le résultat
n’est pas en faveur des Russes. Les forces d’Assad
ont utilisé des chars T55 et T72, ainsi que des Howitzer
122mm et des lance-roquettes à tête multiple. La coalition menée par les
Etats-Unis a riposté avec des AC130, des F15 et F22, des hélicoptères Apache et
l’artillerie du Corps des Marines. Des drones MQ9 et des lanceurs multiples Himar ont également été utilisés. Une véritable
confrontation d’une guerre qui n’est plus « civile ».
Alors
où en est-on aujourd’hui et comment décrypter le terrain ?
Le printemps arabe de la Syrie a
commencé par des émeutes contre le régime baathiste des Assad,
s’est poursuivi en guerre civile entre des factions ethniques et devient
aujourd’hui un conflit armé, impliquant des pays voisins et les grandes
puissances.
L'opposition politique en exil a formé
le Conseil national syrien (CNS) en 2011, puis la Coalition nationale des
forces de l'opposition et de la révolution (CNFOR) en 2012. Parmi les multiples
groupes insurgés, l'Armée syrienne libre est le premier mouvement à mener la
rébellion, mais à partir de 2013 elle est supplantée dans plusieurs régions par
des brigades islamistes sunnites, telles que Ahrar
al-Cham ou Jaych al-Islam. Les mouvements rebelles
sont soutenus par les pays du Golfe et l'Occident, et en particulier par l'Arabie
saoudite, la Turquie, le Qatar et les États-Unis. Le régime syrien bénéficie
quant à lui des appuis du Hezbollah et de brigades islamistes chiites irakiennes et étrangères, ainsi
que du soutien militaire de l'Iran et de la Russie. À ces forces s'ajoutent les
Kurdes du PYD et des YPG, qui combattent pour l'autodétermination du Rojava, leur fief au nord-est de la Syrie, et les salafistes djihadistes,
représentés principalement par le Front al-Nosra — branche
syrienne d'Al-Qaeda jusqu'en 2016 — et l'État islamique. Si le Front al-Nosra combat aux côtés de la rébellion, l'État islamique
entre en guerre contre tous les autres belligérants à partir de 2014 et devient
la cible d'une campagne de frappes aériennes effectuées par une coalition
arabo-occidentale menée par les États-Unis.
Depuis mars 2011, le conflit a fait près
de 500 000 morts. Des attaques à l'arme chimique
et des crimes contre l'humanité ont été commis, principalement par le régime
syrien et par l'État islamique. Le camp loyaliste syrien est responsable de la
grande majorité des victimes civiles de la guerre du fait des
bombardements aériens massifs et de la répression contre l'opposition. Entre
70 000 et 200 000 personnes ont disparu dans les prisons du régime,
au moins 17 000 d'entre elles y ont été torturées et plus de 5 000 à
13 000 autres ont été exécutées par pendaison.
La moitié de la population syrienne a
été déplacée pendant le conflit, et cinq à six millions de Syriens ont fui le
pays, soit le quart d’une population de 23 millions d’habitants.
Aujourd’hui qui se bat contre qui et qui contrôle quoi
?
Aux deux acteurs initiaux de ce conflit,
le régime des Assad et l’opposition laïque comme
religieuse, se sont ajoutés progressivement avec leurs propres objectifs, les
Islamistes et les forces de la minorité ethnique kurde et 4 états étrangers, la
Russie, les Etats-Unis, l’Iran et la Turquie.
1 – Les forces gouvernementales,
loyalistes au régime de Bashar Al- Assad comprennent outre l’armée régulière, des milices shiites locales et étrangères, le
Hezbollah libanais et les brigades Al Qods, légion
étrangère iranienne. Cette coalition
qui contrôlait 1/3 du territoire syrien, la zone alaouite, essentiellement à
l’ouest du pays, depuis la capitale Damas jusqu’à Lattaquieh,
comprenant toute la zone côtière et les villes principales de Homs, Hama et une
moitié d’Alep, contrôle aujourd’hui plus des 60% de la Syrie, grâce à l’aide
irano-russe.
Les hélicoptères des troupes pro-régime larguent
quotidiennement des barils explosifs sur les zones rebelles, faisant des dizaines
de victimes civiles. L’armée du régime s’est battue contre l’Etat islamique
avec beaucoup moins de détermination et
d’efficacité que contre les insurgés syriens, laissant cette action aux forces
kurdes aidées des Américains.
2 – L’opposition armée syrienne, appelée
au début « Armée syrienne libre » (ASL), appelée aussi « insurgée », n’a jamais
réussi à former une force coordonnée et centralisée. Elle est composée de
différents groupes et brigades
locales, des civils qui ont pris les
armes ou des militaires sunnites de l’armée syrienne qui ont déserté. Dépendante
de l’aide extérieure pour son financement et son équipement, elle a été dominée
petit à petit par les islamistes plus ou moins radicaux, du fait que les
soutiens venaient de la péninsule arabique. Disposant de peu de moyens, l’ASL a
perdu des combattants au profit de brigades islamistes, plus riches en moyens
de subsistance.
Faute de moyens, après avoir contrôlé une
grande partie du pays jusqu’en 2014, l’opposition armée n’a cessé de reculer
depuis l’intervention russe à l’automne 2015. Après la perte de la moitié est
d’Alep fin 2016, elle sévit surtout à la périphérie de Damas, à la Ghouta, à El Tanf
à la frontière irakienne, à Dera’a à la frontière
jordano-israélienne, une zone entre Hama et Homs, et au nord une zone autour
d’Idlib et une autre à la frontière turque. Ces zones sont régulièrement
bombardées par l’armée du régime et l’aviation russe, poussant une grande
partie de leur population à fuir, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
3 – L’Etat islamique (EI) a occupé le
terrain à partir du printemps 2013. Cette formation jihadiste
de non Syriens et d’islamistes radicaux venus du monde entier, ayant pour objectif
un califat mondial, a été harcelée depuis l’été 2014,
par les raids aériens d’une coalition internationale menée par les Etats-Unis,
puis depuis l’automne 2015 par l’aviation russe. L’EI a finalement été éliminé
du pays fin 2017, surtout grâce aux forces kurdes. Aujourd’hui en débandade,
l’EI n’est plus constituée que de petits groupes terroristes.
4 – Les forces kurdes syriennes,
contrôlent leur zone quasi-autonome nord-est, frontalière de la Turquie. Les
combattants appartiennent au PYD, une branche syrienne du PKK kurde de Turquie.
Le retrait du régime Assad des enclaves kurdes à
l’été 2012 – les 3 cantons que sont Qamischli, Kobané, Afrin – a profité au PYD.
Ces forces ont lutté contre l’EI pour garder leur territoire et leur relative autonomie,
et ne sont pas considérées comme une opposition au régime syrien.
En effet, avec l’évolution du conflit,
les Kurdes se sont retrouvés en première ligne pour lutter contre l’EI au Nord
de la Syrie. Ils ont mené la grande bataille pour défendre et reconquérir la
ville de Kobané. Une action rendue possible grâce aux livraisons d’armes américaines, au grand
dam d’Ankara. Les forces kurdes ont réussi à évincer l’EI d’une très grande
partie de la Syrie, occupant plus du 1/3 du territoire (voir carte), protégés
par les Américains. Début 2018, pour des raisons de politique intérieure la
Turquie a envahi le nord-ouest de la Syrie, zone kurde, pour évincer le PYD,
sans beaucoup de succès.
Objectifs des pays étrangers
Iran
Ce pays a comme objectif de contrôler une axe shiite
qui irait jusqu’à la Méditerranée, via l’Irak et la Syrie/Liban. Pour cela,
l’Iran a besoin de bases en Syrie, notamment pour narguer l’état d’Israël qui
gêne dans la volonté d’hégémonie des Ayatollahs. Sa Légion étrangère, appelée
« brigade al Qods », sous le commandement
d’un homme habile et dangereux, Kassem Soleimani, forme,
arme et contrôle 82.000 combattants dans le pays, dont 6000 membres du
Hezbollah. L’Iran construit une base à
El-Kiswah, à 14 kilomètres au sud de Damas et
contrôle une dizaine de bases militaires, aériennes et navales, notamment
près de Palmyre. L'Iran
construit aussi des usines pour la production de missiles.(voir Les Légions Etrangères Iraniennes en Syrie)
Turquie
A la fin des années 90, la Turquie aspirait à jouer un
rôle de médiateur entre les différents pays du Moyen-Orient et elle entretenait
de bonnes relations avec la Syrie. À l'été 2011, la Turquie rompt avec le
régime syrien, croyant à tort à sa chute imminente, et apporte son soutien à la
rébellion. Par ailleurs, le gouvernement turc d’Erdogan
considère comme une menace la formation d'un Kurdistan syrien autonome tenu par
le PYD et sa branche armée les YPG, liés au PKK turc. Il voit d'un mauvais œil l'alliance formée en
2014 entre les YPG et la coalition internationale menée par les États-Unis,
coalition qu'il est obligé d’intégrer, faisant partie de l’Otan. De 2011 à 2016 la Turquie accueille plus de deux
millions de réfugiés syriens, mais réclame à de nombreuses reprises la mise en
place d'une zone tampon et d'une zone d'exclusion aérienne au nord de la Syrie,
mais elle se heurte à l'opposition des Américains. Début 2018, la Turquie lance une opération militaire en territoire kurde
au nord-est d’Alep, cherchant à créer une zone tampon avec la Syrie de 30 km de
profondeur. Elle se heurte à Afrin aux milices
pro-Damas venues soutenir les forces Kurdes. Malgré 2 mois de bombardements les
résultats semblent mitigés. Un affrontement armé entre les armées turque et syrienne
autour de l’enclave d’Afrin a été évité de justesse,
par l’intervention russe. Pour le moment….
Russie
La Russie cherche à avoir des bases
navales et aériennes en Méditerranée. La
Russie soviétique a formé l’armée des Assad
depuis un demi-siècle, et des milliers d’officiers syriens ont épousé des
femmes russes. Il y a une affinité entre la foi alaouite et la chrétienté
notamment orthodoxe.
À l'été 2015,
la Russie intensifie son aide au régime syrien, notamment par la livraison de
blindés et d'avions Su-24, Su-25, ainsi que des avions de reconnaissance, et
renforce les garnisons russes aux bases navales de Lattaquié et Tartous. La base
aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié, est agrandie
et des dizaines d'avions de chasse, des chars et des missiles antiaériens SA-22
y sont déployés. L'intervention militaire de la Russie prend alors la forme
d'une campagne de bombardements en soutien aux forces de Bachar
el-Assad. Les forces déployées sont relativement
modestes — 4 000 à 5 000 hommes, sans compter les mercenaires et 50 à
70 avions — mais ont été suffisantes pour faire pencher la balance en faveur du
régime syrien Ceci étant pour pacifier le pays, Poutine serait prêt à
redonner le pouvoir à la majorité sunnite et à évincer l’Iran du pays ainsi que
les milices shiites affiliées et le Hezbollah.
Etats-Unis
L’objectif américain est de remplir à nouveau
le vide laissé au Moyen Orient par l’administration Obama.
Les Américains aident les kurdes ainsi que les groupes d’opposition et cherchent
à empêcher le déploiement iranien.
Une base militaire américaine a été mise
en place dans la ville de Raqqa, l’ex-«capitale» de l’EI.