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Comment
la nomenklatura syrienne vole le Liban
Piratage téléphonique, Casino du Liban, pillage de « Électricité
du Liban »…
Pays
d'opportunités, le Liban s'est avéré un véritable vivier pour la Syrie et, en
particulier, la nomenklatura du régime baathiste qui a largement tiré profit,
grâce à des réseaux parallèles, de sa mainmise sur le pays du Cèdre.
Des
études récentes ont montré que la Syrie pompe annuellement de façon directe et
indirecte quelque 2 milliards de dollars de l'économie libanaise.
Mais selon des chiffres recueillis par l'AFP, l'oligarchie syrienne perçoit
quelque 750 millions USD grâce à sa mainmise sur le pays. Ces
"revenus" nuisent tant à l'économie syrienne, puisqu'ils ne rentrent
pas dans les caisses de l'État, qu'au Liban, pays très libéral où règne le
laissez-faire économique.
Avec
une population d'environ 17 millions d'habitants, la Syrie ne cesse de
s'appauvrir alors que le Liban (3,5 millions d'habitants) a enregistré en 2004 une
croissance réelle de l'ordre de 4%.
Les
chiffres de ces études sont évidemment difficiles à vérifier puisqu'une partie
de ce que la Syrie perçoit de son petit voisin passe par des réseaux
parallèles, sous le contrôle de l'oligarchie ou de la nomenklatura syrienne,
qui a établi depuis des années des alliances avec des hommes d'affaires et des
responsables politiques libanais.
Dans
une récente étude "sur la corruption libanaise", l'économiste
libanais Joe Faddoul, pdg de la société libanaise de conseil Istisharat,
indique "que les prélèvements directs et indirects (de la Syrie) sont
chacun de un md USD, soit 2 mds USD par an".
"Cela fait 24 mds USD depuis 12 ans", précise-t-il soulignant que la
dette publique du Liban est de 35 mds USD.
Selon lui, "ce qui est moins connu, ce sont les causes de ce déficit qui
dure depuis 12 ans, c'est-à-dire depuis l'arrêt des violences au Liban".
"La
doctrine officielle explique le déficit par le gaspillage (fonctionnaires en
surnuméraire) et la corruption, sans aller plus loin", note
M. Faddoul pour qui "il s'agit en fait d'un système cohérent et
organisé de prélèvements directs et indirects".
Concernant les premiers, le chercheur cite notamment "le piratage"
téléphonique effectué grâce à deux opérateurs libanais pro-syriens.
"Quelques dizaines de millions de dollars de recettes téléphoniques vont
directement chaque mois dans la poche des Syriens", a récemment indiqué à
l'AFP une source proche du pouvoir.
Au
nombre des prélèvements, l'auteur cite "le racket du pétrole", "le
Casino du Liban", les adjudications pour la construction d'autoroutes à
des prix exorbitants, le port et l'aéroport de Beyrouth. Evoquant les
prélèvements indirects, l'économiste cite la société étatique Electricité du
Liban (EDL) qui subit des pertes annuelles de 500 M USD par an, et dont une
partie de la production est "volée et non encaissée dans les régions dont
les leaders (...) sont proches de la nomenklatura".
Il évoque également les "passe-droits", le trafic de fuel domestique,
les "expropriations fictives de terrains", la situation de la Middle
East Airlines (MEA) qui "avait 4.000 salariés pour exploiter une flotte de
neuf avions", dont une grande partie relevaient "d'une milice"
libanaise. En 2001, la MEA a cependant licencié une grande partie de son
personnel et assaini ses finances.
Une
autre étude publiée récemment par le quotidien libanais An-Nahar évoque
également une "perte de 20 mds USD depuis 12 ans pour l'économie libanaise
due à la présence syrienne". Cette étude chiffre à 6,7 mds USD entre 1993
et 2005 le total des transferts effectués par des ouvriers syriens au Liban et
à 4 mds USD "l'inondation du marché par des produits syriens" bon
marché.
En
fait, ces études mélangent quelque peu ce que perçoit l'oligarchie au pouvoir à
Damas ou son entourage et les mesures qui pénalisent de nombreux produits
libanais, notamment agricoles, malgré l'ouverture des marchés. Elles occultent
également les bénéfices que tirent les "patrons" libanais des
quelques 300 à 500.000 travailleurs syriens, estiment les experts.