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Chaque Attentat Renforce le
Rejet de l'Islam
Par Marie-Laetitia Bonavita et
Philippe Gélie
Le Figaro (pdf) - 2 février
2016
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Daniel Pipes, 66 ans, titulaire d'un doctorat en islam médiéval de l'université de Harvard, préside le Middle East Forum, basé à Philadelphie. Il appartient au courant néoconservateur américain.
LE FIGARO. - Vous voyez les tensions entre musulmans et chrétiens dans les sociétés occidentales comme un ferment de guerre civile. Pourquoi ?
Daniel PIPES. - Le rejet de l'islam ne cesse de monter en Europe et aux États-Unis. Cela a commencé en 1989 avec l'affaire Salman Rushdie au Royaume- Uni, et avec le débat sur le port du foulard en France. Aujourd'hui, les partis politiques qui prospèrent sur le rejet de l'islam représentent partout de 20 % à 30 % de l'opinion. Un consensus prétend que ça va s'arrêter là, mais je ne le crois pas du tout. Ces mouvements peuvent grandir jusqu'à prendre le pouvoir. À chaque attentat, des citoyens changent d'avis sur l'islam. De leur côté, les musulmans se sentent très forts, et ils vont encore étendre leur influence. La guerre civile, vous l'avez déjà de temps en temps - par exemple, lors des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises.
Pensez-vous que l'islam était le principal ressort de ces émeutes ?
Nous étions face à un phénomène culturel, religieux, communautaire. Une colère nourrie à la fois d'un sentiment de supériorité et d'humiliation de la « nation musulmane ». Le fait est que, depuis, le fossé se creuse entre les musulmans et les non-musulmans.
« L'islamisme est la troisième idéologie totalitaire, après le fascisme et le communisme, et il connaîtra le même sort »
Vous êtes à l'origine du concept de « no-go zones » (zones qui seraient interdites aux autorités, à certaines catégories de la population, NDLR), dont l'exploitation par la chaîne Fox News avait choqué en France...
J'ai personnellement visité vingt-huit de ces zones : aux États-Unis, en Australie, en Suède, en Grèce, en Allemagne, en Belgique et particulièrement en France - à Paris, Marseille, Montpellier... Votre gouvernement les appelle « zones urbaines sensibles » et en recense 751. Moi, je dis que ce sont des « no-go zones partielles », des zones d'accès limité : si je m'y rends seul et habillé de façon ordinaire, je n'ai pas de problème ; mais quand je suis allé à La Castellane avec un élu dans une voiture identifiée de la mairie, nous avons reçu une grosse pierre qui a détruit le pare-brise. Nous avons filmé la scène et donné la vidéo aux autorités il y a un an : il ne s'est rien passé.
Que pensez-vous de la suggestion de Donald Trump d'interdire l'entrée des États-Unis aux musulmans ?
C'est absurde et impossible. En revanche, on pourrait et on devrait interdire les islamistes, via un processus d'enquête et d'interrogatoires. Je ne supporte pas M. Trump. Il n'a pas de principes, il insulte tout le monde, c'est un néofasciste qui ne veut que le pouvoir. Il ne comprend pas et n'accepte pas le système américain. À cause de cela, il ne sera pas président des États-Unis.
Vous souhaitez que l'islam produise « une façon constructive d'être musulman au XXIe siècle » : qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
Il y a une guerre civile au sein de l'Islam pour savoir ce que c'est qu'être musulman. Chaque religion est amenée à décider, à tout moment, ce qu'elle doit garder et rejeter de la tradition. Par exemple l'esclavage. Ou l'homosexualité : ce que dit la Bible est clair, cela n'empêche pas l'Église d'en débattre. Les musulmans anti-islamistes, ou réformateurs, représentent un courant très faible, mais nous devrions les soutenir. Certains commencent à comprendre qu'ils doivent agir, s'organiser, lever de l'argent. Des dirigeants politiques le font déjà, au Pakistan, en Égypte, en Jordanie, au Maroc, mais il faut aussi des leaders religieux.
« Il y a une guerre civile au sein de l'Islam pour savoir ce que c'est qu'être musulman. Chaque religion est amenée à décider, à tout moment, ce qu'elle doit garder et rejeter de la tradition. »
En l'absence de véritable hiérarchie religieuse dans l'islam sunnite, qui peut discréditer les islamistes ?
L'islamisme a deux grandes faiblesses : ses divisions internes (les factions n'arrêtent pas de se battre entre elles) et son impopularité (de l'Iran des mollahs à l'Égypte des Frères musulmans). Donc, soit ce courant politique évolue, à la façon du communisme chinois par exemple, soit il finira par disparaître. Cela prendra peut-être un demi-siècle. Mais l'islamisme est la troisième idéologie totalitaire, après le fascisme et le communisme, et il connaîtra le même sort.
La guerre menée en Syrie et en Irak contre l'État islamique (EI) est-elle la bonne méthode ?
L’EI constitue l'expression la plus extrême qu'on ait vue de l'islamisme. Jusque-là, on croyait que c'était l'Iran, puis les talibans... Le califat, c'est la restauration d'un modèle disparu depuis onze siècles - un peu comme Mussolini croyait réincarner l'empereur romain. Mais quelle puissance représente-t-il ? Presque rien, surtout face aux plus grandes armées du monde. Je vois des chances raisonnables que l'EI disparaisse cette année - du moins en tant qu'État, même si son influence continue. Objectivement, l'Iran représente à mes yeux une menace bien plus grande, avec son armée, ses ressources et sa quête de la bombe atomique.
Vous étiez partisan de l'invasion de l'Irak en 2003 : quelle leçon en tirez-vous ?
Cela a été mal fait : il fallait juste se débarrasser de Saddam Hussein et quitter le pays. On aurait économisé 5 000 vies américaines et 1 000 milliards de dollars. Et on n'aurait pas vu notre influence diminuer autant.
Avec l'afflux de migrants, c'est l'Europe qui est maintenant en première ligne face au chaos...
Angela Merkel a commis une folie incroyable en invitant tous les Syriens. Son pays et l'Europe vont le payer très cher. Le Liban, la Turquie, la Jordanie sont les terres d'asile naturelles pour les réfugiés. En Europe, c'est de l'immigration illégale.