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LE FAUCON MALAIS
Par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued/reve.htm - 22 octobre 2003
À la dernière Conférence des états Islamiques qui a commencé le 16 octobre 2003 à Putrajaya - Malaisie, les 57 chefs d'états arabes et islamiques étaient réunis sous la présidence du premier ministre malais Mahathir Mohamad. Personne dans la salle n'a été perturbé par le discours d'ouverture qu'il a délivré. Bien au contraire, il a été unanimement ovationné debout par tous les participants. Lui-même a été étonné des réactions occidentales négatives à ses propos. Pourtant à plusieurs reprises, le premier ministre malais a parlé d'Israël comme source des malheurs arabes et des 6 millions de Juifs rescapés de la Shoah comme dominant le monde et faisant la guerre par "nation interposée".
Son discours est à analyser à plus d'un titre, car il constitue un chef d'œuvre de l'amalgame. Sous prétexte d'humiliations subies par les arabo-musulmans, on y trouve un libelle antisémite et une incitation à la haine raciale, un appel à la guerre sainte, une attaque indirecte des Etats- Unis, une critique des méthodes "arabes" pour résoudre les problèmes et surtout un appel pressant à la reconstitution de la nation musulmane.
Et qui dit amalgame dit "désinformation".
Les arabo-musulmans ne cessent d'être humiliés. Cela a commencé il y a longtemps, mais surtout au 20ème siècle avec le déclin et la chute en 1917 de l'empire ottoman qui constituait un semblant de "califat", réunissant tous les musulmans. Mais l'humiliation la plus récente est la création d'un état non musulman au Moyen Orient. Et, malgré les 7 ou 8 différentes guerres que les arabes lui ont imposé en 55 ans, ce minuscule petit pays est toujours là florissant. Cette situation est insupportable pour les pays arabes qui traitent Israël de pays "arrogant", car parallèlement, ils stagnent ou régressent. Qui est responsable de cette humiliation? Le président malais désigne sans ambiguïté, l'état d'Israël.
Il y a là une logique très spécifique: cela fait plus d'un demi-siècle que l'état d'Israël est tenu comme responsable des échecs socio-économiques des gouvernants arabes vis à vis de leurs populations. Cette logique est devenue un réflexe. Et cela a été repris allègrement par Mahathir Mohamad, ce qui a soulagé les 57 gouvernants présents de leurs insuffisances. Le bouc émissaire est toujours là, mais il n'est pas seul.
Mahathir est un musulman mais aussi un asiatique. Il faut se rappeler qu'au 20ème siècle des banques dites "juives" comme Warburg ont aidé des pays du Sud-Est asiatique à se développer. Il y a donc une grande admiration pour ce savoir-faire financier, mais aussi une jalousie. Ceci est évident au Japon où il n'y a que très peu de Juifs, et où on trouve à la fois "un institut d'études juives" à Kitakyushu et une énorme diffusion en japonais du faux tsariste "les Protocoles des Sages de Sion"!
En tant qu'asiatique Mahathir a les mêmes sentiments à l'égard du Judaïsme, admiration et jalousie. En tant que musulman ses sentiments sont exacerbés, ce qui l'amène à proférer des propos tels que "les Juifs dominent le monde", propos indignes. Ce qui peut paraître étonnant c'est qu'il persiste et signe dans ses propos violents et outranciers. Et d'un autre côté, il prêche la non-violence à ses partenaires arabes.
Il faut rappeler ici que les pays non démocratiques utilisent souvent "la théorie du complot" pour se débarrasser d'un groupe qui les gêne. Et cette conférence Islamique n'est-elle pas un complot pour définir la nouvelle stratégie d'élimination du peuple juif? On parle déjà d'un transfert possible d'armes nucléaires du Pakistan vers l'Arabie saoudite.
Mahathir demande aux nations présentes de changer de tactique dans leur lutte contre l'ennemi commun, Israël et les Juifs. "Il faut commencer par réfléchir. Il faut faire comme Mohamed avec la tribu Qouraish (ceci est répété 3 fois), signer un traité de paix, se renforcer en fabriquant des armes et des enfants et puis attaquer l'ennemi par surprise, car arrogant, il fera une erreur fatale. Se faire exploser au milieu de la foule est une solution des faibles. Renforçons-nous d'abord en simulant la paix; puis choisissons le moment d'attaquer, à coup sûr!" Voilà ce que disait en filigrane et en termes voilés l'asiatique Mahathir. "L'objectif de la nation musulmane de 1,3 milliards d'individus est d'avoir raison de "6 millions de Juifs rescapés de la Shoah".
Bien que considéré comme un modéré par ses partenaires occidentaux, Mahathir, dans sa rhétorique enflammée a toujours traité les Européens de nouveaux colonisateurs et appelé les Américains, les dominateurs. Dans son discours de Putrajaya, il attaque indirectement les Etats-Unis, manipulés par Israël et les Juifs, parce qu'ils font la guerre aux arabo-musulmans, pour le compte de ces derniers. Mahathir aurait voulu voir une politique américaine clairement pro-arabe, comme dans le passé. Mahathir n'accepte pas l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak par les Américains. Dans son esprit la disparition d'Israël est le prélude à la chute de l'Occident.
Mahathir appelle à l'union des états arabo-musulmans, à l'éducation de leur population et à l'acceptation de la modernité comme il l'a fait dans son pays. Fort de sa réussite dans la transformation et l'enrichissement de son pays, il se permet de conseiller à ses partenaires d'en faire autant, au lieu de suivre des religieux ignorants et incultes qui les mènent à leur perte. "Penser" comme les Juifs, s'industrialiser et fabriquer des armes, voilà la finalité. Il n'y a pas besoin de violence pour y parvenir; bien au contraire il faut montrer un visage paisible jusqu'au moment opportun.
Mahathir a appelé une dizaine de fois à reconstituer la "oummah" la mère-patrie, la nation musulmane, c'est à dire le califat. Et c'est là en fait le message essentiel du premier ministre malais, qui in fine est un véritable faucon. "Il est déshonorant et humiliant qu'une poignée de Juifs, agissant par nation interposée, puisse dominer le monde, alors que c'est nous qui devrions être à leur place. Unissons-nous sous une même bannière : nous avons le nombre et la démographie de notre côté; il ne manque plus que l'éducation et les armes". Voilà l'essence du message de Mahathir Mohamed à dix jours de sa retraite politique. Brigue-t-il à 78 ans lui aussi le poste de "calife des croyants", après Nasser, Assad, le roi d'Arabie et Saddam Hussein?
Toujours est-il qu'il persiste dans ses idées, notamment lors de son interview à la réunion de Bangkok de "la Coopération économique Asie-Pacifique" où le président Bush était présent. Bush lui a expliqué que ses propos étaient répréhensibles, car ils véhiculaient la haine.
"N'a-t-on pas le droit de critiquer les Juifs?" dit-il.
Nous sommes en pleine désinformation pernicieuse et impertinente, la même que celle d'un certain Pascal Boniface qui, lui, a écrit un livre "N'a-t-on pas le droit de critiquer Israël?" Alors que font, du matin au soir, tous les médias arabes, musulmans et européens depuis de très nombreuses années. Les a-t-on jamais vu encenser les Juifs et Israël?
L'International Herald Tribune du 20 octobre 2003, sous la plume de Thomas Fuller, explique que la raison de toute cette diatribe est que Mahathir Mohamad tiendrait l'homme d'affaires Soros comme responsable de la débâcle financière du Sud-Est asiatique de 1997. Et Soros serait d'origine juive… On trouvera toujours une excuse aux antisémites.
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