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«Qatar Papers» Décortique l’Offensive
Méthodique des Frères Musulmans
Ce blog est édité par Mireille Vallette- 15/5/19
Conférence à Genève, Hôtel Métropole du 02.05.2019
Qatar
Papers
Christian Chesnot et Georges Malbrunot démontent la stratégie des Frères musulmans. Les ambitions de ces islamistes s’affirment sous l’aile bienveillante des édiles.
Les « Qatar Papers » parlent surtout d’argent et ce qu’ils montrent est choquant. L’arrosoir de l’ONG Qatar Charity, intimement liée au pouvoir de l’émir, a aidé à faire pousser 140 mosquées, écoles et centres islamiques en Europe, dont cinq en Suisse. Tous liés aux Frères musulmans. Christian Chesnot et Georges Malbrunot apportent ainsi une preuve de plus que l’islam rétrograde et expansionniste s’épanouit sans entrave dans les pays européens. Mais nos auteurs ont le souci de ne pas alimenter «l’extrême droite», ce qui leur ouvre toutes grandes les portes des médias. Cette image positive a un grand mérite: faire passer des idées qui prononcées par des personnalités moins prudentes les propulsent dans la sphère honteuse et leur bloquent l’accès aux grands médias.
Le livre tout entier consacré à Qatar Charity fait un peu oublier les autres acteurs de l’offensive: Arabie saoudite, autres pays du Golfe, Turquie, Algérie, Maroc, tous obsédés par l’islam, son extension et leur propre influence. Le fonds de commerce de ces pays est le même et leurs but semblables: islamiser l’Europe.
Les médias ont largement développé la question financière de l’ouvrage, je me centrerai ici sur l’aspect idéologique de cet activisme de Qatar Charity et de ses bénéficiaires.
Chesnot et Malbrunot ont enquêté en France (surtout), Angleterre, Allemagne, Italie, Suisse (mon prochain papier lui sera consacré) et Kosovo.
Noirs
desseins
Les projets des demandeurs de fonds à Qatar Charity doivent être grosso modo les mêmes pour être agréés :
• Diffusion de l’islam et renforcements de «l’identité islamique». Avec ses rites: «Il y a toujours cette idée que le religieux s’immisce partout, remarquent les auteurs. Que pour faire telle ou telle chose dans la vie quotidienne, il faudrait demander l’avis d’un cheik.»
• Formatage de l’identité des jeunes musulmans qui risquent gros: être attirés par les mœurs dépravées de l’Occident.
• Enseignement des «sciences islamiques» et de l’arabe. Pour parer à ce symptôme de communautarisme, les auteurs estiment souhaitable que l’école renforce l’enseignement de cette langue. Leur conviction est que les enfants et adultes qui fréquentent les cours des mosquées le font par défaut et non pour des raisons religieuses. C’est optimiste ! Et même si c’était vrai, l’école favoriserait ainsi un autre levier de séparatisme d’avec les non-musulmans.
• Chouchoutage des convertis.
• Combat contre l’islamophobie, lutte contre le racisme.
• Dialogue avec les non-musulmans («compréhension mutuelle et connaissance de l’autre») et les autorités.
• Très souvent aussi, aide aux «migrants», proies idéales des associations. C’est une autre manière de piéger des autorités souvent débordées par la prise en charge de cette population. Exemple de Nîmes: «Sur l’aire d’autoroute voisine, à mi-chemin entre l’Italie et l’Espagne, les migrants s’extraient de leur planque sous des camions. Les Soudanais, les plus nombreux, reconnaissables souvent à leur vélo offert par une ONG locale, sont les cibles de recrutement de la dizaine de centres de prière.» La mosquée Assalam, à Clermon-Ferrand distribue des repas pour les migrants, Soudanais et Afghan notamment. La Grande Mosquée de Rome a accueilli plus de 50’000 réfugiés entre 2013 et 2016. Et en partenariat avec des agences de l’ONU, Qatar Charity aide les réfugiés du monde… tout en leur distribuant des Coran.
Vivre
à l’islamique
Il faut une communauté forte qui permette aux meneurs un contrôle serré et un pouvoir stable. Au début de l’histoire, nous avions donc des garages et des caves (ça existe encore: les auteurs, choqués, en ont rencontré une!). Ensuite, le kit standard d’Allah pour la partie endoctrinement: mosquée, salles de prières, salles de classes. Ensuite, les ambitions n’ont cessé de croitre, confortées par d’irresponsables autorités souvent alléchées par des gains électoraux. Et on en arrive aux projets de complexes qui comprennent selon les cas: spa, piscine, salle de sport, fitness, coiffure, voire cabinet médical pour professionnelles voilées soignant des patientes voilées: «À travers le centre, on assiste à la déclinaison de la charia dans la sphère médicale», commentent les auteurs. De belles perspectives d’immersion dans l’obscurantisme et d’autofinancement par des services et des biens lucratifs. Ce que souhaite aussi Qatar Charity.
Des centres s’adjoignent des médiateurs et psychologues qui traitent à l’islamique des problèmes de cœur, de mariage, de divorce, d’éducation des enfants. La formation d’avocats, d’enseignants, de scientifiques. etc., adeptes d’Allah et des FM, est aussi vivement souhaitée.
Les journalistes ne voient dans ces mosquées, certaines immenses, et dans ces centres multifonction que du «communautarisme». Ce sont en réalité des rampes de lancement de l’islam rétrograde dans toute la société
Les
références
Outre le fondateur Al-Banna, Le célèbre Youssef Al-Qaradawi, résidant du Qatar, est une des principales références théoriques des FM, et rares sont les librairies et les bibliothèques qui ne promeuvent pas cet extrémiste antisémite.
C’est à lui que l’on doit selon «Qatar Papers» cette remarquable trouvaille: «l’islam du juste milieu» qui «en fait ne veut rien dire» ou plutôt comme je l’ai montré correspond à un islam parfaitement orthodoxe. Mais cette déclaration rassure tellement les autorités et les médias qu’ils ne demandent même pas pourquoi leurs interlocuteurs s’affirment «du milieu» plutôt que de l’extrême... pacifique et ouvert.
Le Conseil européen de la fatwa et de la recherche présidée par Al-Qaradawi, rassemble une trentaine d’oulémas et théologiens. Il fait partie de cette sphère, de même que la centaine de mosquées de l’UOIF rebaptisée «Musulmans de France», qui «porte les idées du cheikh Youssef Al-Qaradawi».
Les
Frères forment la relève
La formation des nouvelles générations grâce à la construction d’écoles, de lycées et d’instituts est une visée majeure des intégristes.
Un responsable de Mayence (All.), à propos d’un projet de collège-lycée: «…nous n’avons aucune possibilité d’éduquer convenablement nos enfants selon les principes islamiques. Ils doivent tous aller dans des écoles publiques ou privées non islamiques dans lesquels il n’y a pas d’éducation morale et aucune possibilité de séparer les garçons et filles. Les enfants musulmans, Allemands ou étrangers, particulièrement les filles portant le voile, sont lourdement désavantagés dans les écoles allemandes. (…) Les temps sont très dangereux pour les enfants musulmans dans les sociétés occidentales. Ils sont influencés par le comportement amoral des autres élèves et de leurs professeurs…»
Selon les responsables, le voile est indispensable pour «défendre les droits de toutes les femmes à préserver leur dignité» ou encore «permettre aux jeunes femmes voilées de poursuivre leurs études dans des conditions honorables».
Deux
exemples de réalisation
- Le lycée Averroès de Lille accueille plus de 800 élèves. L’immense majorité des filles sont voilées, certaines arborent même la tenue saoudienne. Des cadres du lycée sont clairement membres des Frères musulmans. Les responsables ont multiplié les liens avec les autorités, et le lycée bénéficie désormais de relais à droite comme à gauche.
L’homme d’affaires Amar Lafsar, président de «Musulmans de France» et du lycée: «On doit sortir de l’ère des mosquées. Il nous faut aussi des écoles et des centres de loisirs.… Nous devons occuper tous les terrains que nous offre notre république.»
- L’Institut de Château-Chinon dans la Nièvre, appelé en français «Institut européen des sciences humaines», et plus clairement en arabe «Faculté européenne des études islamiques», est lié à Al-Qaradawi. Il accueille 200 étudiants et étudiantes. L’institut ne produit aucune recherche en théologie et ne publie pas d’ouvrages religieux. Un spécialiste souligne la déconnexion existant entre l’étude d’ouvrages moyenâgeux et les réalités européennes, notamment le rôle de la femme. L’islam est aussi un corpus de normes juridiques. On enseigne donc la charia, les lois islamiques civiles et pénales.
Le directeur est Larbi Bechri, formé à l’université de Médine, membre du Conseil européen des fatwas et de la recherche. Il explique que la formation d’imam nécessite sept ans d’études, dont deux à trois pour mémoriser le Coran. Mémoriser le Coran, concours à la clé dès le plus jeune âge, une illustration de cette religion du mimétisme.
Le campus est mixte, mais la cantine sert un premier service pour les femmes et un second pour les hommes. À la bibliothèque, qui comprend 5000 ouvrages, chaque sexe a sa zone de lecture. Lors de la visite des auteurs, les jeunes femmes étaient toutes voilées. Les jeunes gens portaient des djellabas et des barbes plus ou moins longues.
D’autres établissements de formation d’imams ont vu le jour sur ce modèle en Europe. En France, une branche sœur a été créée en 2001 à Saint-Denis, dirigée par Ahmed Jaballah. «Ce département fait figure de bastion des Frères musulmans.» À quelques encablures, on trouve le nouveau centre d’études islamiques de Nabil Ennasri.
Youssef Al-Qaradawi avec l'émir du Qatar
S’il est une conviction partagée par tous les courants islamiques, c’est que l’islam est si merveilleux que la planète entière doit pouvoir en profiter. Tous concourent à ce but. Malbrunot pourtant n’en est pas convaincu pour les Frères musulmans: «Ils créent un embryon de contre-société … mais ils ne veulent pas conquérir, prendre le pouvoir, seulement peser.»*
Pas de visée de conquête ?
Nos deux journalistes minimisent l’offensive: il suffirait, pensent-ils, de fermer le robinet des fonds étrangers pour éloigner le danger. Mais le ver est dans le fruit: preuve en est leur affirmation que Qatar Charity n’a pas besoin de former elle-même des imams «dans la mesure où la très grande majorité des associations bénéficiaires de l’aide, sont adeptes du même islam politique que l’émirat». On en déduit donc que si ces musulmans trouvent eux-mêmes les fonds… le paysage ne sera pas très différent.
Les théoriciens de la mouvance frériste, dont ceux qu’ont rencontrés les auteurs, Sylvain Besson et Lorenzo Vidino, affirment la visée suprématiste de cet islam. Dans «Le radicalisme dans les mosquées suisses», je fais une synthèse éloquente de cette ambition à partir des spécialistes et des FM eux-mêmes.
Les enquêteurs recueillent les déclarations de Hadj Hamor, ancien trésorier de l’UOIF qui entretient d’excellentes relations avec les autorités: «Nous voulons que le centre de Poitiers soit une nouvelle étape de la conquête musulmane, mais d’une autre façon. (…) Désormais, les civilisations dialoguent.» À Clermont-Ferrand, où la mairie socialiste a cédé au clientélisme, la population de certains quartiers a changé, notamment grâce au regroupement familial. La plupart des femmes portent le foulard, signe habituel d’intégrisme. (Mais ne vous écriez pas «grand remplacement», Malbrunot conteste avec virulence!) Le Parti socialiste a opéré un vaste recrutement qui fait dire à un journaliste du cru: «Et maintenant, dans ces quartiers, ces gens-là se disent: puisqu’on est majoritaire, pourquoi n’exercerions-nous pas notre pouvoir?»
Freier Burkhard, chef du service de protection de la Constitution à Düsseldorf ,décrit les FM comme un mouvement non violent «qui s’infiltre lentement dans la société, tout en prônant le respect de nos principes démocratiques (…) ils sont en général bien formés, et ce sont eux qui introduisent leur idéologie dans la société, en endoctrinant d’abord la communauté musulmane.» Il souligne que des «modérés» jouent un double jeu pour séduire les autorités. «Il ne nous reste qu’à sensibiliser le public et les politiques sur les dangers que représente ce mouvement et les stratégies qu’il déploie pour noyauter certains rouages de notre démocratie.»
Question finance, les auteurs ne découvrent que dissimulation, opacité, mensonges… jusqu’à ce qu’ils mettent les preuves sous le nez de leurs interlocuteurs. Pour recevoir ces fonds, les responsables utilisent de savants montages financiers qui tirent profit de toute la latitude de nos libérales sociétés.
De rares politiciens ont tenté de stopper un projet, certains l’ont payé cher. Des édiles complaisants font leur mea culpa pour s’être laissé embobiner. A Marseille, un conseiller municipal se souvient d’un débat organisé par une association musulmane entre des candidats à la mairie. L’une des principales revendications: des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales!
En Italie, il est plus facile de résister, ce que fait Roberto Di Stefano qui a mis le holà à un projet de mosquée à Sesto San Giovanni. Il était selon lui surdimensionné afin d’attirer des musulmans de toute la Lombardie. Ce maire «d’extrême droite» est celui qui exprime le plus clairement pourquoi il faut s’opposer aux annexes «culturelles» des mosquées: «…Un centre culturel, une bibliothèque et un espace récréatif pour les enfants étaient aussi prévus dans les plans. Or mon projet d’intégration est différent. Si une communauté veut s’intégrer, elle peut utiliser la bibliothèque municipale et nos clubs pour les jeunes. Donc pour moi, créer des activités exclusivement pour les musulmans après la prière, c’est s’isoler et se ghettoïser. Ce n’est pas cela l’intégration.»
Les Renseignements généraux français, qui ont généreusement abreuvé les deux auteurs, savent beaucoup de choses, et depuis longtemps. Mais ce savoir n’a été suivi d’aucune mesure politique. «Boulevard de l’islamisme» (2012) montre ce radicalisme en plein essor, confirmé par d’innombrables enquêtes, reportages, études et… mises en garde des services de renseignement européens. Tous les signaux étaient au rouge, ils le sont toujours. Strictement rien n’a été fait pour freiner le mouvement, y compris avec l'apparition de l’État islamique et les massacres en Europe. Au contraire, comme le montre Alexandre Del Valle.
«Leur stratégie et leur objectif
à terme [les Frères musulmans]: avancer lentement leurs pions, parfois masqués,
afin d’adapter le droit commun à leur conception de l’islam.»
Voilà un constat que nos sociétés refusent obstinément