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ISLAM: EN FINIR AVEC
LE RELIGIEUSEMENT CORRECT
Pensée unique, conformisme,
islamiquement correct, politiquement correct
Par Anne-Marie DELCAMBRE, Docteur en civilisation islamique, islamologue et professeur d'arabe – A écrit "L'Islam des interdits" - Edition Desclée de Brouwer où elle étudie les prescrits du Coran et du droit islamique.
Propos recueillis par Rachel
Crivellaro - Mis en ligne le 23/03/2004 par la
Libre Belgique
Résumé: Il est de bon ton de distinguer un Islam ouvert et pacifique d'un islamisme intégriste. Et si les interdits et les blocages de la religion musulmane faisaient partie intégrante de l'Islam?
Dans votre livre, vous vous attachez à démontrer que l'islamisme trouve ses racines - ou en tout cas de quoi l'alimenter - dans les textes de l'Islam?
Je persiste et signe. Ce que je trouve surprenant c'est que l'on dise que l'islamisme serait sorti comme ça, d'une pochette surprise. Les textes auxquels se réfèrent lesdits islamistes - qui sont pour moi des musulmans maximalistes - se trouvent tout simplement dans le Coran, dans la Sunna, dans le droit musulman. On assiste aujourd'hui à une espèce de cécité générale, à une complicité entre non-musulmans et musulmans qui voudraient que l'Islam soit mieux présenté devant les Occidentaux.
On veut nous faire croire à une espèce d'Islam «laïcisable» et l'on évacue complètement l'Islam juridique, celui-là même qui édicte les interdits pratiqués par 80pc des musulmans. Je pense que se sont surtout les musulmans «éclairés» qui escamotent cette réalité. Ils se disent: moins on en sait, moins on en dit, moins on excite la haine religieuse.Les catholiques français participent aussi à cette contre-vérité qui clament que toutes les religions sont équivalentes. C'est délirant. Les catholiques font de l'angélisme. Alors qu'ils ont été très loin pendant le Moyen-Age en propageant la légende noire de Mahomet, aujourd'hui qu'il n'y a plus de dogme, ni de Christ à défendre, on répugne à faire des distinctions entre les religions. Soyons clairs: il ne faut pas craindre les musulmans, mais bien les textes de l'Islam.
Certains vous rétorqueront que vous faites une exégèse des textes très personnelle...
Au contraire, je m'en tiens strictement à ce qui est écrit. C'est au pied de la lettre que le Coran justifie la violence et le recours à la force. Je ne fais aucune interprétation circonstancielle liée au contexte historico-politique de Médine, comme cela arrange certains. Comme le plus puriste des musulmans: je prends le texte au pied de la lettre. Selon la tradition musulmane, ce texte est intouchable puisqu'il vient du Ciel. Ainsi du statut discriminatoire des juifs et des chrétiens, de l'appel à la guerre sainte voire au meurtre, de la place des femmes, du regard non critique et non historique sur les textes fondateurs, de la place assignée au Prophète... Pour un musulman, l'imitation du Prophète est vitale. Or, le Prophète a été violent, a tué, a fait lapider.
... et fait l'apologie du terrorisme?
Il faut poser la question à l'Islam: pourquoi la tentation terroriste est-elle partagée par un si grand nombre de musulmans qui viennent de différents peuples? Les racines de ce terrorisme islamique existent bien dans les textes fondateurs. C'est ce qui explique sa force d'attraction dans le monde musulman. Ses chances de survie dans les années qui viennent sont réelles. Le recours à l'Islam violent, justicier, est une grande tentation pour certains musulmans, pour pouvoir se faire entendre par la terreur comme l'avait fait le Prophète à Médine. Le Coran comporte un grand nombre de sourates «fulminantes» et de versets «colériques».
La Bible contient aussi des passages qui pourraient être interprétés comme des incitations à la violence et le catholicisme n'est pas exempt d'excès...
C'est vrai, mais l'Evangile et le Coran ne peuvent pas être mis sur le même pied car ils n'ont pas les mêmes conséquences pour la société. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut exonérer le catholicisme de ses sanglants dérapages, que l'on songe seulement à l'Inquisition. Mais, c'est dans la pérennité que les conséquences varient. Dans le Coran, on établit une différence entre les êtres humains, alors que dans l'Evangile tous sont sur pied d'égalité. Par ailleurs, et surtout, entre les deux religions le statut du texte n'est pas le même. Chez les chrétiens, Dieu s'est fait homme, on parle d'incarnation et Jésus est un modèle. Chez les musulmans, Dieu s'est fait verbe, on parle d'«inverbation», c'est le texte qui est le modèle. Les musulmans sont victimes du poids de leurs textes qui ne peuvent plus être modifiés. C'est ce que Derrida a appelé la «clôture des textes».
Vu ce que vous pensez des textes fondateurs de l'Islam, faire de la critique historique pour les musulmans ne risque pas de donner du grain à moudre aux plus intégristes?
Il existe un principe chiite qui n'est pas sans intérêt: la restriction mentale. Les musulmans peuvent en effet avoir recours à cette pratique dès lors qu'ils se trouvent en territoire infidèle. Autrement dit: dans cette circonstance, ils disposent d'une latitude à ne pas révéler les choses, à tricher avec les textes en quelque sorte quand le contexte le commande. Cela se vérifie d'ailleurs dans la vie de tous les jours. Les textes commandent que le pèlerinage du «Hadj» en Arabie saoudite se fasse à pied, aujourd'hui tout le monde s'y rend en avion.
En vérité, l'Islam progressiste existe, mais il ne pourra se développer qu'en dehors des textes. Cela dit, cette évolution est inéluctable. Les musulmans ne peuvent plus éviter la civilisation de l'image - alors que celle-ci est pourtant interdite par le Coran - leur religion n'y résistera pas.
Tout part des textes selon vous, mais les conflits géopolitiques ne sont-ils pas aussi de nature à alimenter les extrémismes?
Bien sûr, mais de nouveau cet extrémisme ira puiser sa raison d'être et sa justification dans les textes. Vous savez, les juifs et les musulmans sont par les textes plus proches entre eux que des chrétiens. Leurs textes contiennent des propos mortifères et de nombreux interdits... On ne peut pas faire abstraction des textes fondateurs et on ne peut pas non plus nier leur différence. Dans l'Evangile, Jésus a pardonné à la femme adultère, dans la Sunna elle est condamnée à la lapidation. Certains argueront qu'il s'agit d'un droit virtuel, que certains mystiques musulmans comme les Soufis sont parvenus à se décoller de cette interprétation littérale. Reste qu'à observer la vie dans certains pays islamiques, on se dit que les textes ont encore de beaux jours devant eux.
L'expansionnisme des codes de conduite occidentaux - notamment grâce aux images - n'est-il pas de nature à affaiblir l'influence de ces textes?
Oui et non. Il est vrai que les codes occidentaux - comme la séparation des pouvoirs temporels et séculiers, par exemple - deviennent petit à petit la norme dans les pays musulmans. Mais, il n'en demeure pas moins que certaines pratiques religieuses persistent bien plus que dans d'autres confessions. Il est très difficile pour un musulman de se détacher de sa culture religieuse islamique car il s'agit d'une culture complexe qui régit la vie des individus dans les moindres détails, mêmes les plus intimes comme la manière de faire l'amour. L'évolution est bien sûr quelque peu différente dans nos contrées. La laïcité obligatoire a pour conséquence d'opérer une distanciation. A titre d'exemple, les prescrits de l'Islam interdisent aux femmes de s'habiller en hommes. Aujourd'hui, la plupart de mes étudiantes d'origine musulmane sont habillées en pantalon. Il est clair que l'on assiste à la naissance d'une culture concurrente à l'Islam, même si issue de cet Islam matriciel.