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Raison
en bandoulière, Majid Oukacha arpente le Coran et
ses contradictions
Publié par Mireille Vallette
3 avril 2024
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On savait Allah confus, contradictoire, pas très doué scientifiquement. Mais on ne savait pas à quel point. Un ex-musulman comble nos lacunes avec une rare rigueur.
Son style, c’est la sérénité, son outil c’est la raison. Dans son deuxième opus, Majid Oukacha passe au scalpel « 100 contradictions et erreurs scientifiques dans le Coran »… Ce livre saint dont Allah affirme pourtant qu’il est limpide et parfait.
Majid affectionne l’analyse minutieuse des incohérences qui
se cachent dans les moindres recoins du «Livre saint», comme en témoigne sa
chaîne YouTube qui compte plus de 150 vidéos et quelque 126 000 abonnés.
Pour lui, avec une démonstration rationnelle et logique, « la perfection attribuée au Coran et à son auteur divin s’effondre ». Comment et avec quelles conséquences ? L’auteur se prête à l’interview.
Allah affirme qu’il égare qui il veut, place qui il veut sur le chemin droit, dirige qui il veut, donne la sagesse à qui il veut, punit qui il veut, fait ce qu’il veut, crée ce qu’il veut, etc. Et pourtant, selon le Coran, Allah établit les places des humains dans le monde de l’au-delà, entre le paradis et l’enfer, en jugeant leur libre arbitre. Comment expliquer une thèse qui remet en cause l’ensemble de ses préceptes?
Si l’on en croit certains versets, Allah décrit les humains comme étant des êtres autonomes dans leurs actes et leurs croyances, donc capables de décider seuls de croire ou refuser de croire en l’islam. Pourtant, d’autres versets nient le libre arbitre humain, car Allah y explique que les humains ne peuvent croire qu’avec sa permission et qu’un humain ne peut vouloir croire ou suivre le droit chemin que si Allah le veut au préalable.
On peut ainsi lire les propos suivants d’Allah, sourate 10,
verset 100: « Il n’appartient nullement à une âme de croire si ce n’est
avec la permission d’Allah », et sourate 6 verset 111, au sujet des
mécréants : «Et si Nous faisions descendre les Anges vers eux, si les
morts leur parlaient, et si Nous rassemblions toute chose devant eux, ils ne
croiraient que si Allah veut ». Dès lors, pourquoi Allah envoie-t-il en
Enfer les incroyants alors que sans son intervention, les humains ne peuvent
croire en lui ? Pire : Allah prétend qu’il empêche des humains de comprendre le
Coran et donc d’être attentifs à la religion islamique prêchée par le prophète
Muhammad. Il est d’ailleurs écrit sourate 6, verset 25 : « Et il y en a
parmi eux qui t’écoutent mais Nous avons mis des voiles sur leurs cœurs qui les
empêchent de comprendre et dans leurs oreilles est une lourdeur. Et même s’ils
voyaient tous les signes, ils n’y croiront pas ». Et sourate 17, versets
45 et 46 : «Et quand tu récites le Coran, Nous plaçons entre toi et ceux
qui ne croient pas en l’au-delà un voile invisible, Nous avons mis des
couvertures sur leurs cœurs, de sorte qu’ils ne le comprennent pas, et dans
leurs oreilles, une obstruction ». Allah
se décrit donc comme le responsable de l’incroyance à cause de laquelle il
criminalise des humains.
Certains versets ont toujours parus limpides. C’est le cas pour la polygamie : si un homme veut plusieurs épouses, Allah demande qu’il soit équitable envers chacune. C’est pourtant clair ?
Le sujet du droit à la polygamie pour les hommes est une problématique de plus derrière laquelle on peut soupçonner le prophète Muhammad, en bon politicien qu’il était, d’avoir tenu des discours ambigus qui frôlent la contradiction. Le verset 3 de la sourate 4 du Coran autorise en effet les hommes à avoir jusqu’à deux, trois ou quatre épouses. Et dans ce même verset, Allah demande aux hommes qui craignent « de ne pas être équitables » entre leurs multiples épouses de n’en prendre qu’une seule. Mais cette « crainte » de ne pas être équitable est-elle à la discrétion de chacun ?
Selon le verset 3 de la sourate 4, la polygamie est
autorisée aux hommes qui se sentent capables d’être équitables envers plusieurs
épouses. Et pourtant, toujours dans la sourate 4, mais au verset 129, Allah a
dit « Vous ne pourrez jamais être
équitable entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux. » Dès lors,
pourquoi Allah a-t-il fait de la polygamie un droit dont peuvent jouir les
hommes qui démontreraient un comportement
d’équité pourtant jugé impossible ? Surtout quand on sait qu’Allah s’est
choisi pour prophète du récit coranique un homme ayant eu près d’une dizaine d’épouses de son vivant.
En définitive, sur ce sujet juridique de la polygamie comme sur tant d’autres, je vois l’expression d’une parole humaine, singulière ou plurielle, qui semble dire tout et son contraire selon les circonstances et les opportunités.
Passons à l’aimable activité de fornication, soit faire l’amour avec un autre conjoint que le sien, ou sans être marié. Allah prévoit cent coups de fouet et sans indulgence. Là encore, la sanction est claire ?
Le Coran semble définir des interdits à géométrie variable selon que vous soyez un homme ou une femme. En théorie, la fornication, c’est-à-dire le rapport sexuel entre deux personnes qui ne sont pas mariées ensemble, est formellement interdite. Sourate 17 verset 32, Allah a d’ailleurs dit «Et n’approchez pas la fornication. En vérité, c’est une turpitude et quel mauvais chemin !»
La fornication est interdite aux hommes comme aux femmes et Allah en condamne les auteurs à 100 coups de fouet, comme vous l’avez rappelé. Sourate 24 verset 2 : «La fornicatrice et le fornicateur, fouettez-les chacun de cent coups de fouet. Et ne soyez pas pris de pitié pour eux dans la religion d’Allah si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Et qu’un groupe de croyants assiste à leur punition.»
Pourtant, du verset 1 au verset 7 de la sourate 23, Allah accorde aux hommes le droit d’avoir des rapports sexuels avec leurs esclaves : « Ils ont certes réussi les croyants, ceux qui sont humbles dans leur Salat, qui se détournent des futilités, qui s’acquittent de la Zakat et qui se maintiennent dans la chasteté, sauf avec leurs épouses ou les esclaves qu’ils possèdent, car là vraiment ils ne sont pas blâmables, mais ceux qui cherchent leur plaisir en dehors de cela sont des transgresseurs. »
Au verset 24 de la sourate 4, Allah autorise même les croyants à avoir des relations sexuelles avec les femmes mariées qui seraient leurs esclaves, car il leur y interdit « les femmes qui ont un mari sauf si elles sont vos esclaves en toute propriété ». Allah semble ici avoir inventé la « fornication halal » qui permet aux hommes d’« aller voir ailleurs » sous certaines conditions.
Une fois de plus, sur ce sujet comme sur tant d’autres, je démontre que le Coran est rempli d’exceptions à la règle qui autorisent parfois ce qui est pourtant formellement interdit. Allah s’y exprime comme un politicien habile et ambigu qui, après avoir trop insisté sur l’interdiction absolue de la fornication dont il ne peut se dédire, doit bricoler des compromis avec les hommes à ce sujet.
Les « savants musulmans » ont tenté d’éclairer le texte saint par des milliers de hadiths (actes et paroles de Mahomet), par l’explication des « circonstances des Révélations », par la distinction des versets abrogés et abrogeant, par les versets révélés à Médine ou à La Mecque… Ça ne suffit pas pour expliquer les erreurs ?
La quantité innombrable d’ouvrages humains devant préciser le sens du Coran démontre que de simples mortels sont obligés d’expliquer, plus clairement que son auteur officiel, tous ces versets qu’Allah n’aurait pas suffisamment bien expliqués. Que ces versets relèvent du dogme, du jugement de valeur ou du normatif, beaucoup de musulmans semblent en tout cas avoir normalisé le fait qu’entre leurs personnes et le Coran, des intermédiaires humains seraient nécessaires pour déchiffrer ou compléter la parole d’Allah.
Tous ces hadiths qui se contredisent entre eux, ces exégèses, ces commentaires de texte et autres fatwas, sans lesquels la parole d’Allah serait inapplicable dans le réel, démontrent qu’Allah n’est pas un dieu supérieurement intelligent capable d’expliquer clairement et intelligiblement ce qu’il attend des humains. Dans le Coran, l’essentiel manque ! Où y trouve-t-on la chorégraphie, ainsi que la liste complète des formules à réciter, durant la salât ? Où y trouve-t-on une explication simple et claire de tout ce que le voile féminin doit couvrir ou ne pas couvrir ? Où y trouve-t-on la façon détaillée de pratiquer le Hajj à la Mecque ? Pour le savoir, vous allez devoir faire confiance à des œuvres humaines vis-à-vis desquelles Allah n’a rien garanti.
Toute cette usine à gaz, loin d’expliquer ou d’infirmer les erreurs que l’on peut trouver dans le Coran, en disent en réalité beaucoup sur ses innombrables lacunes.
N’est-il pas paradoxal d’examiner d’une manière rationnelle un texte basé sur la foi ? Dans votre chaîne YouTube, des musulmans vous remercient de leur avoir ouvert les yeux. Pourtant, vous faites vous-même cette remarque : « J’ai longtemps cru que la démonstration du caractère à la fois indigent et alambiqué du contenu du Coran pouvait suffire à ouvrir les yeux de la plupart des musulmans sur les failles de ce livre (…) je me suis cependant rendu compte que c’était tout l’inverse qui se produisait, et que les versets du Coran les plus obscurs ou imprécis étaient autant de bénéfice du doute à la portée des musulmans ». Qu’en tirez-vous comme conclusion ?
Ces deux constats ne me semblent pas contradictoires. La plupart des anciens croyants que j’ai accompagnés, aidés ou inspirés dans leurs réflexions critiques vis-à-vis de l’islam ont apprécié mes analyses claires et précises sur le Coran. Quant aux croyants qui désapprouvent ces analyses, ils me reprochent en général le premier degré avec lequel je cherche à comprendre ou penser le Coran.
Lorsque j’ai commencé mon travail de militantisme intellectuel sur Youtube, je pensais que les imprécisions et la confusion dans les versets du Coran étaient un des meilleurs moyens de démontrer les faiblesses de son auteur prétendument divin. Je ne remets aucunement en cause la justesse de cette méthodologie qui s’adresse davantage à des esprits ultra-cartésiens comme moi.
Mais avec le temps, j’ai fini par questionner sa portée et son impact sur la majorité des croyants qui suivent mon travail. Et cela m’a aidé à réaliser que, de façon ironique, la plupart des croyants qui ont peur de douter du Coran sont au contraire ravis d’utiliser à leur avantage tout ce que ce texte ne dit pas ou dit mal. Si la précision du verbe « tuer » ou « frapper » dans le Coran les dérange, ils prétendront qu’Allah sous-entendait tacitement que « frappez-les » signifierait « frappez-les doucement et symboliquement ». Ou bien ils diront que « tuez les mécréants où que vous les trouviez » serait une ellipse signifiant de façon pompeuse « tuez les mécréants qui tentent de vous tuer sur le champ de bataille durant une guerre que ces mécréants ont entrepris contre vous ».
C’est pourquoi le travail que j’opère dans mon nouveau livre s’attache à exposer les contradictions et erreurs scientifiques du Coran qui se basent le plus possible sur des preuves objectives et binaires. Par exemple, Allah raconte un même événement historique à deux reprises, entre deux sourates du Coran : le moment où il fait annoncer par ses Anges à Zacharie que ce dernier aura un fils Jean. Mais l’humain qui se cache derrière Allah a fait l’erreur, dans chacune de ces deux sourates, de décrire cet événement en utilisant des verbatims. Ainsi, qu’a répondu Zacharie lorsqu’Allah lui a fait parvenir l’annonce de la naissance de Jean ? Selon le verset 40 de la sourate 3, Allah affirme que Zacharie, surpris, lui aurait alors répondu « Mon Seigneur, comment aurais-je un garçon alors que j’ai atteint la vieillesse et que ma femme est stérile ? ». Pourtant, au verset 8 de la sourate 19, Allah affirme que Zacharie à ce même moment avait alors dit « Mon Seigneur, comment aurais-je un garçon alors que ma femme est stérile et que j’ai atteint l’extrême vieillesse ? ». Ces deux citations contenant des déclarations à la première personne du singulier devraient pourtant être identiques au mot près, entre les sourates 3 et 19, car elles racontent toutes deux un même événement précis de la vie de Zacharie. Chaque version contredit et invalide l’autre pourtant censée être tout autant divine et véridique.
La discordance entre les verbatims, dont je parle dans le sous-chapitre de mon livre répertoriant les contradictions narratives dans le Coran, fait partie de cet arsenal logique que j’utilise afin de démontrer que si l’auteur du Coran est capable de contredire sa propre œuvre, même les plus fervents de ses croyants peuvent y arriver.
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Ouvrage précédent (interview): « Le Coran prospère sur la peur et l’ignorance »