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DARFOUR, KHARTOUM
BRAVE L'ONU
Le Soudan refuse la résolution de l'ONU qui prévoit l'envoi de
Casques bleus. Officiellement, il redoute que les troupes internationales
encouragent les velléités sécessionnistes.
Par
Tanguy Berthemet
Le
Figaro du 05 septembre 2006
LA PAIX semble
plus éloignée que jamais du Darfour. Hier matin, Khartoum a, une fois de plus
bravé la communauté internationale en demandant à l'Union africaine (UA) de
retirer ses troupes à la fin du mois de la province martyre où elles sont basées.
Le gouvernement était néanmoins prêt à accepter le maintien de ces 7 000
soldats africains, mais l'Union africaine a décidé hier de mettre fin le 30
septembre au mandat de sa force. Cet imbroglio a rallumé les craintes de voir
de nouveaux massacres dans cette région grande comme la France où les combats
entre milices «arabes» et «africaines» ont déjà fait près de 300 000 morts et
poussé à l'exode plus de 2,4 millions de personnes.
À l'origine de
ce bras de fer, le vote au Conseil de sécurité de l'ONU, jeudi dernier, d'une
résolution qui autorise l'envoi de Casques bleus au Darfour. Le texte prévoit
le déploiement de 5 000 soldats et de 3 300 policiers qui viendront renforcer
les 12 300 hommes de mission de l'ONU au Soudan (Minus) déjà arrivés au sud du
pays. Ces troupes ont pour mission de veiller, par la force si nécessaire, à
l'application d'un cessez-le-feu signé en mai dernier par le gouvernement et
l'un des principaux groupes rebelles. Mais le texte invite également à «obtenir
l'accord du Soudan». Khartoum s'y refuse obstinément depuis des mois.
Officiellement,
il y voit un «viol de sa souveraineté» et redoute que les troupes
internationales encouragent les velléités sécessionnistes. Mais le gouvernement
craint aussi que l'arrivée de ce contingent conduise à l'arrestation de
certains dignitaires soudanais pour crimes de guerre. La Cour pénale
internationale (CPI) mène plusieurs enquêtes sur les massacres commis ces
dernières années au Darfour.
Fait
accompli
Sous l'égide des
États-Unis, le Conseil de sécurité a donc choisi de passer en force, espérant
que le gouvernement soudanais plierait devant le fait accompli. «Il est
impératif que nous avancions tout de suite pour mettre en oeuvre la
résolution», a insisté le représentant américain John Bolton.
Mais, confronté
à ce qu'il qualifie d'«intervention étrangère», Khartoum s'est montré
menaçant. «Nous avons des options et des plans pour faire face», a
affirmé le vice-président soudanais, Ali Osman Taha.
Hier, le gouvernement est aussi resté sourd aux appels de la Commission
européenne à accepter le déploiement de Casques bleus qui «aidera la
population à revenir et à recommencer sa vie», tout comme à ceux de Kofi Annan. Fort du discret
soutien de la Russie et surtout de la Chine – qui n'ont pas voté la résolution
de l'ONU –, Khartoum n'entend rien céder. «Le gouvernement n'a aucune raison
de le faire. Il n'ignore pas que, faute d'unanimité au sein du Conseil, un
déploiement en force est très difficile. Il sait aussi très bien que pour des
raisons pratiques l'envoi de troupes dans une région hostile est presque
impossible», explique David Mozersky, un
chercheur de l'International Crisis Group (ICG).
Selon cet analyste, sans la mise en place de moyens coercitifs importants, la
résolution de l'ONU restera lettre morte. Elle pourrait même avoir des effets
désastreux.
Car, en
attendant, le gouvernement soudanais met en avant son propre plan qui vise à
envoyer 10 500 soldats soudanais au Darfour. Pour Peter Takirambudde,
directeur Afrique de l'ONG Human Rights
Watch (HRW), ce projet n'est que la recherche d'«un
blanc-seing pour aggraver encore les violences contre les civils». Khartoum
aurait déjà commencé à masser des troupes dans certaines zones du Darfour. «Paradoxalement,
les choses se sont considérablement dégradées depuis les accords de paix de mai
dernier. Le texte a divisé les mouvements rebelles, et les milices de Khartoum
tentent de gagner le maximum de terrain avant l'éventuelle arrivée de l'ONU. Il
y a de nouveau des attaques sur les routes et dans les camps. Et l'aide
humanitaire est en baisse», assure un employé d'une ONG. Plusieurs villages
auraient ainsi été attaqués notamment dans le secteur de Koukoul.
Comme toujours, on ignore le nombre exact de victimes de ces combats. On évoque
juste «plusieurs morts».