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Réflexions sur le nouvel opium de l'Islam

Par Bertus -25 septembre 2001

Je commencerai par rapporter les propos tenus par le sheikh Riad Salah', leader du mouvement islamiste en Israël, lors d'un meeting très récent à Oum el Fah'm, en Galilée. Il s'adresse à Bush qui veut rétablir la justice, après les attentats du 11 Septembre 2001:

"La voie du bonheur, de la sécurité et de la paix, pour votre nation comme pour les autres est l'Islam. Je vous invite, Président Georges Bush, à vous convertir à l'Islam, dans le but de faire avancer la justice, la tolérance et l'amour entre les nations et les religions du monde." (Jerusalem Report)

L'écrivain et universitaire Bernard Lewis a traduit une déclaration au "jihad" de Oussama ben Laden faite dans un journal arabe en 1998 et rapportée par le Washington Post:

"Pour les Musulmans, la Terre Sainte par excellence est l'Arabie. Mohamed vécut et mourut en Arabie. Le centre du monde islamique et la scène de ses plus importantes performances a été l'Irak. Pour les musulmans, aucune terre au monde n'a autant de sens que … l'Arabie et l'Iraq."

Il faut partir de ces deux discours pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans le monde arabe et islamique.

Le premier orateur semble être un plaisantin; en fait il donne la perspective générale du monde dans une "vision large" de l'Islam, selon le vocabulaire arabe. Le second passe à l'action, et se bat contre l'Occident et plus précisément contre les américains car ils occupent l'Arabie depuis la guerre contre l'Irak, guerre elle-même hérétique pour lui.

Ben Laden ne parle pas de l'Egypte qui pourtant a été très tôt un centre de gloire de l'Islam naissant et conquérant. Ce qui montre bien la volonté de prééminence de l'Arabie dans la guerre qu'il déclare à l'Occident.

Oussama ben Laden a rarement parlé d'Israël qui ne semble pas faire partie de ses préoccupations immédiates, à moins qu'il ne considère cet Etat comme un simple vassal des Etats-Unis, facile à éliminer, comme les Croisés. D'ailleurs dans son discours les israéliens sont les "croisés sionistes".

J'ai cherché à comprendre cette précipitation soudaine de l'histoire. J'avoue que je n'ai pas été étonné par les événements tragiques qui viennent de se produire aux Etats-Unis, après l'épisode révélateur de Durban. J'ai surtout été stupéfé par leur ampleur, par leur coordination militaire, par cette détermination aveugle de tuer, mais surtout par la joie de la rue devant l'hécatombe, que cela soit à Beyrout, au Caire ou à Naplouse.

En fait, l'Islam fondamentaliste a frappé très fort pour rameuter de nouveaux adeptes, en exaltant leur imagination, et pour prendre le pouls de l'ennemi et compter ses alliés.

En Occident, certains se lancent déjà dans une rhétorique de questionnement, comme si le moment se prêtait à la philosophie ou au découpage des cheveux en quatre. D'autres recommencent le jeu futile et abject de l'apaisement, en dirigeant un doigt accusateur sur Israël (ce n'est pas nous, c'est lui!). D'autres se réservent en se disant que l'Islam conquérant ce n'est peut-être pas une si mauvaise affaire que cela, et ils sont prêts à vendre père et mère pour des plus-values en bourse par exemple. En France on poursuit la désinformation jusqu'au niveau de l'Etat et on camoufle un attentat évident à Toulouse en accident…pour éviter des violences interethniques et ne pas donner raison aux intégristes. Mais je ne sais si c'est un bon choix stratégique que de jouer à l'autruche.

Les lieux des attentats sont hautement symboliques. Le WTC à Manhattan est le centre de la puissance financière américaine. Le Pentagone est le centre de la puissance militaire. Toulouse est le fief d'un Jospin honni, car un jour il a appelé le terrorisme par son vrai nom, à l'université palestinienne de Bir Zeit. Pour éviter les foudres islamistes, la Grande Bretagne a dépêché son ministre des Affaires étrangères à Téhéran proférer des propos antisémites. De la paille (Straw)… mais qui peut s'enflammer aussi.

Deuxième victime à grande échelle du terrorisme arabe après Israël (où en un an, il y eut comparativement plus de victimes qu'aux Etats-Unis en 90 minutes), les Etats-Unis continuent à chercher des survivants, mais aussi …des alliés, pour laver l'affront subi!

Mais qui sont ces alliés ?

La volonté de puissance arabe est sans bornes et sans limite dans l'arrogance. Nasser l'égyptien a essayé de la concrétiser par le nationalisme et il a échoué.

L'Arabie séoudite est un nouveau riche qui se croit tout permis du fait de ses réserves de pétrole, des deux lieux saints de l'Islam sur son territoire et d'une grandeur passée, lors de la naissance de l'Islam. Ses élites sont corrompues par le faste de leur richesse et le bon droit de leur pouvoir. Si l'Islam wahabite (voir nota 2) a fait le lit de la doctrine terroriste, ses élites pourries ont engendré les bombes humaines, des hommes qui n'ont plus aucun espoir dans le monde créé et qui désirent rejoindre au plus vite "le monde à venir". Pour la première fois dans l'histoire de l'Islam sunnite, nous avons affaire à une élite dépravée d'où sort un messianisme pervers et apocalyptique. Jusqu'ici le messianisme musulman était l'apanage des hérésies shii'tes, pour des raisons historiques.

Psychiquement frustrés par une doctrine puritaine et sans espoir, ces candidats à la mort sèment la mort (1). Ils offrent un spectacle désolant à un Occident désemparé, mais ils sont applaudis comme des héros par la rue arabe et musulmane. Pour des raisons évidentes et concrètes, cette rue, elle non plus, n'a aucun espoir dans ce monde-ci. Allah lui prépare un monde meilleur ailleurs et le musulman confie son destin à Allah, dégageant toute responsabilité pour son avenir.

La rue arabe ou musulmane, que cela soit en Egypte ou au Pakistan, vomit l'Occident parce qu'elle est frustrée de tout et gouvernée par des régimes totalitaires. Ceux-ci ont su habilement détourner la haine du peuple contre l'Occident et Israël, grâce à l'opium du fondamentalisme islamique, servi par l'Arabie et son relais dans le monde arabe et islamique, l'Egypte.

Nasser le nationaliste a voulu rassembler les arabes à partir de l'Egypte et il a ruiné l'Egypte. Ben Laden l'intégriste veut rassembler les musulmans à partir de l'Afghanistan déjà ruiné par ses pairs, les talibans.

Ben Laden veut changer le monde pour installer le Royaume égalitaire et juste d'Allah par la force brutale, en semant la haine, la peur et la mort. Sa conception de l'Islam, dont a vu un début en œuvre en Afghanistan, annonce un univers totalitaire, comme ceux que le siècle qui vient de s'achever nous a livrés.

Qui va arrêter non pas Ben Laden, parce que ce n'est plus qu'un symbole, mais ce nouveau messianisme apocalyptique devenu l'opium des masses arabes et islamiques? L'Occident devra faire des révisions déchirantes, après des années de collusion, de connivence et d'apaisement. (3)

Notes

  1. on a voulu comparer ces terroristes wahabites aux "h'ashashine" (désignation de ceux qui fument le h'ashish et qui a donné le mot français assassins). La comparaison me paraît hasardeuse. Les "hashashine" étaient des soldats d'une secte shii'te ismaélite qui avaient pour mission de rétablir la légitimité d'un califat de la descendance de A'li. Ils ont sévi pendant tout le Moyen Age, assassinant au couteau des dirigeants et des notables pour faire triompher la cause shii'te. Ils employaient exclusivement un couteau "consacré", comme s'ils procédaient à un sacrifice rituel, pas de poison, ni de poudre. C'était essentiellement une lutte à l'intérieur de l'Islam, ce qui fait que la comparaison est hasardeuse. Il y eut des déviations vers des luttes de pouvoir, les assassins devenant des tueurs à gages (avec une rémunération dans l'au delà). Mais dans tous les cas ils se battaient à armes égales, puisque leur victime était un dirigeant supposé être toujours bien défendu. Ce n'était pas une destruction aveugle et l'assassin était pratiquement toujours éliminé.

Cette secte ismaélite a donné la lignée de l'Aga Khan.

Voilà comment Bernard Lewis les décrit dans son livre "le Langage politique de l'Islam" (Gallimard) qu'il faut lire d'urgence: "…une autre catégorie de combattants est désignée par le terme "fida-i", employé pour la première fois durant le haut Moyen Age, en Iran et en Syrie…Au sens littéral c'est quelqu'un qui est prêt à donner sa vie pour un autre. Ce mot désignait les émissaires du chef ismaélien, Hassan al Sabah', le Vieux de la Montagne (à Alamout, au Sud-ouest de la mer Caspienne). Leur mission consistait à servir leur maître et à terroriser ses ennemis par le meurtre de quelque personnage éminent. Ils revenaient rarement vivants de ces missions. Parfois visés, les Croisés les ont appelés "h'ashashin", d'où le mot assassins".

(2) en 1932, le roi du Nejd wahabite A'bd el A'ziz ibn Séou'd prend le pouvoir en Arabie. Sa tribu remonte à la création de l'Islam et la doctrine wahabite prône une austérité et une simplicité hérités du régime tribal du désert, ainsi qu'un intégrisme religieux très strict, la "sharia'h et rien que la sharia'h', ce qui exclut tout apport occidental ou moderne.

(3) Rappelons par ailleurs que ce sont les Etats-Unis qui ont armé les "afghans" qui sèment la terreur aujourd'hui, comme ils ont armé leurs soit-disant alliés, l'Arabie, l'Egypte (qui a l'armée la plus moderne du Moyen Orient) et le Pakistan.

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