www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
L’Islamisme Dans
Tous Ses Etats
Par Annie Laurent
La petite feuille verte n°108 (nouvelle série n°12, 7 juin 2013)- contact@associationclarifier.fr
Voir aussi les
les 50 derniers articles,
les articles sur l'Islam
L’islamisme se
manifeste selon deux types de méthodes distinctes qui peuvent être complémentaires
: celle qui recourt aux voies politiques, sociales et religieuses ; celle
qui utilise la violence et le terrorisme. On les retrouve dans l’islamisme
sunnite et dans l’islamisme chiite.
L’ISLAMISME
VERSION SUNNITE
Les
Frères musulmans
Le mouvement de
référence de l’islamisme sunnite contemporain est la confrérie des Frères
musulmans (FM), fondée en 1928 par un instituteur égyptien, Hassan El-Banna, en
vue de résister à l’influence de l’Europe qui exerçait alors une réelle
séduction sur certains intellectuels musulmans du Proche-Orient. El-Banna s’est
appuyé sur les écrits de deux théoriciens.
Abou Ala Mawdoudi (1903-1989),
indo-pakistanais, auteur d’une Théorie de l’Etat islamique où il expose
la supériorité de la théocratie musulmane sur tout modèle occidental. Ses idées
ont été reprises en partie dans un livre, Pour comprendre l’Islam, traduit
dans de nombreuses langues (dont le français) et très largement diffusé encore
aujourd’hui ;
Sayyed Qotb (1906-1966),
égyptien, auteur de A l’ombre du Coran, dans lequel il milite pour
l’islamisation intégrale de l’Etat et de la société, dans son mode de
gouvernement monolithique, sa législation civile et pénale, sa mise sous
tutelle des femmes, son statut infériorisant des juifs et des chrétiens. Il
dénie à l’Islam chiite toute légitimité et appelle au djihad contre
toute souveraineté qui ne vient pas de Dieu.
Le programme des
FM consiste à rétablir la religion comme un système totalisant, reflet de
l’unicité (tawhîd) de Dieu. Leur slogan est :
« Dieu est notre but ; le Prophète notre modèle ; le Coran est notre Loi ; le djihad
est notre vie ; le martyre est notre souhait ».
L’idéologie des
FM s’est répandue dans presque tout le monde islamique sous des formations aux
noms variés, tels que : Front Islamique du Salut en Algérie, Hamas
(Enthousiasme) en Palestine, Mouvement de l’Unification islamique au Liban,
Parti de la Justice et du Développement au Maroc, Ennahda
(Renaissance) en Tunisie, Parti pour la Justice et le Développement en Turquie,
Milli Görüs (Voie nationale religieuse) chez les
Turcs d’Europe, Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), etc.
Longtemps
hors-la-loi dans leurs pays respectifs, sauf en Jordanie, au Koweït et au
Yémen, les FM ou affiliés sont parvenus récemment au pouvoir par la voie
d’élections régulières dans plusieurs pays : Turquie (2002), Egypte, Maroc et
Tunisie (2012). Ils s’en sont emparés par la force à Gaza (2007).
Le salafisme
Ce courant se
réfère à l’exemple des « pieux ancêtres » (salaf
el-salih), les musulmans des trois premières
générations, considérés comme les plus fidèles à l’enseignement et aux moeurs de Mahomet et de ses compagnons. Le programme des salafistes consiste à imiter ces derniers en tout, y
compris leur apparence extérieure (p. ex. barbe non taillée, tunique à
mi-mollets), à se conformer à la lettre au Coran et à la Sunna (Tradition mahométane),
à refuser toute innovation et à purger la pratique de l’islam de tout ce qui a
pu lui être ajouté (musique, modernisation de la loi, sécularisation des moeurs, fréquentation des non-musulmans, etc.).
Les salafistes sont présents dans tout l’espace islamique sous
des noms variés : p. ex. Takfir wal
Hijra (Expiation et Exil) au Liban et en Egypte, Ansar el-Islam (Partisans de l’Islam) en Irak. A partir de
1994, sous le nom de Talibans (étudiants en religion), des salafistes
sont parvenus à imposer leur ordre social en Afghanistan.
Traditionnellement,
les salafistes ne militent dans aucun parti légal.
Cependant, en Egypte, après la révolution de 2011, ils ont créé El-Nour (La Lumière) pour avoir des élus au parlement.
Doctrine
officielle du royaume d’Arabie-Séoudite, le wahabisme est une forme de salafisme.
Il résulte d’une entente conclue en 1744 entre Mohamed Abdelwahab,
auteur d’un Traité de l’Unicité divine (inspiré des thèses d’Ibn Taymiya, juriste syrien, 1263-1328, qui prônait la
théocratie islamique), et Mohamed Ibn Séoud,
fondateur de la dynastie qui règne depuis lors
dans ce pays. Le wahabisme
se caractérise par une application littérale du Coran, qui fait office de
Constitution, et de la Sunna.
La
Djemaa el-Tabligh (l’Association pour la Prédication)
Ce mouvement
missionnaire et apolitique a été fondé en Inde dans les années 1920. Ses
membres, actifs auprès des musulmans du monde entier, incitent ces derniers à
revenir à une pratique traditionnelle de l’Islam. Ils sont présents en France
sous le nom de Foi et Pratique.
Le djihadisme
Ce mot désigne
une nébuleuse de mouvements islamistes adeptes de la violence sous toutes ses
formes, donc aussi le terrorisme. Ils portent souvent le nom de Djihad
islamique. L’un des plus connus est El-Qaïda (la
Base) fondé par le Séoudien Oussama Ben Laden,
considéré comme le cerveau des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
El-Qaïda a fait des émules dans de nombreux pays,
sous des noms variés : p. ex. Djebhet En-Nosra (Front des Partisans) en Syrie, Groupes islamiques
armés en Algérie, Boko Haram
(Livre illicite) en Afrique sub-saharienne, El-Qaïda
au Maghreb islamique (AQMI) en Afrique du Nord, groupe Abou Sayyaf
aux Philippines. On trouve aussi des djihadistes
parmi les Frères musulmans et les autres partis islamistes classiques.
Ces militants ont
trois cibles principales : les dirigeants musulmans accusés de laxisme dans
l’application de la loi islamique et de compromission avec l’Occident (l’ancien
président égyptien, Anouar El-Sadate, a été assassiné par des FM en 1981 pour
avoir signé la paix avec Israël) ; les musulmans non sunnites (chiites en Irak
ou au Pakistan, alaouites en Syrie) ; l’Occident « croisé » (cf. les attentats
en Occident et en Afrique, les meurtres et enlèvements de chrétiens au
Pakistan, au Nigéria et dans le monde arabe).
L’ISLAMISME
VERSION CHIITE
Le premier parti
islamiste chiite contemporain a été fondé en Irak en 1957 sous le nom de Dawa
el-Islamiya (l’Appel à l’Islam) par l’ayatollah
Mohamed El-Sadr, pour lutter contre l’influence du
communisme et la sécularisation de la société. La révolution iranienne
déclenchée par l’imam Khomeyni en
Afin d’exporter
la révolution, l’Iran s’est appuyé sur les chiites du monde arabe où il a
suscité l’éclosion de diverses formations politiques. La plus importante est le
Hezbollah (Parti de Dieu), créé au Liban en 1982, actuellement dirigé par
Hassan Nasrallah. Ayant arraché sa reconnaissance
légale (grâce au soutien de l’Iran et de la Syrie), il est représenté au
parlement et au gouvernement. Il s’est aussi doté d’institutions sociales,
culturelles et éducatives, ainsi que d’une puissante branche militaire, la
Résistance islamique. On lui attribue des actes terroristes d’envergure,
notamment au Liban contre des Occidentaux et des personnalités sunnites.
INFLUENCES
CROISÉES
Bien qu’ayant été
historiquement conceptualisées par des sunnites, les doctrines islamistes ont
servi de support à Khomeyni pour édifier sa
république islamique, par ailleurs organisée selon les règles du cléricalisme
propre au chiisme. Ses « succès », notamment contre l’Occident, ont eu un effet
d’émulation dans certains milieux sunnites sensibles au soutien accordé par
l’Iran au Hamas palestinien hostile à la reconnaissance d’Israël. Cet entrisme,
destiné notamment à donner du crédit à un Islam chiite contesté depuis le VIIe
siècle par son rival sunnite, n’empêche cependant pas les islamistes sunnites
et chiites de se haïr et de se livrer une guerre impitoyable.