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AU TCHAD MUSULMAN,  DES COUPS DE FOUET COMME CADEAU DE MARIAGE

 

Par Claude Adrien de Mun (Syfia)
Publié dans Le Messager

Traduit et présenté par Courrier International -hebdo n° 877 - 23 août 2007

 

Dans l’est du pays, révèle le principal quotidien de Douala, les jeunes mariées sont quotidiennement fouettées par leur époux et ses amis pendant la semaine qui suit la noce. Au point que certaines y perdent la vie.

La cérémonie a lieu dans un quartier populaire d’Abéché, dans l’est du pays. Une soixantaine de femmes sont là, voilées, assises sur des nattes, au ras du sol. De l’autre côté de l’enclos qui sert de salle des fêtes, les hommes arrivent par petits groupes. Pour eux, des sièges en plastique ont été installés en demi-cercle face aux femmes, sous des bâches. Une façon de montrer sans ambiguïté l’infériorité de celles-ci. Le jeune marié brandit un long fouet en peau d’hippopotame. Ces fouets sont interdits au Tchad, non seulement parce que les hippopotames deviennent rares, mais aussi parce que leurs lanières rugueuses blessent cruellement. La jeune mariée arrive ensuite, discrète, et s’assied à côté de son mari, qui tient toujours son fouet. Les invités commencent à danser. Deux policiers montent la garde. En quittant les lieux, je demande au journaliste local qui m’accompagne combien de coups de fouet recevra la mariée. “Elle sera fouettée toute la semaine”, me répond-il avec sérieux.
A Goz Beida, un grand village situé 400 kilomètres plus au sud, les femmes vivent dans la terreur que leur inspirent les hommes dès leur plus jeune âge. Toutes ont été excisées, sans anesthésie. Nombre d’entre elles ont été mariées de force dès l’âge de 13 ans, l’âge minimal requis par la loi. Bien souvent, elles épousent des hommes de plus de 40 ans, qui ont déjà une ou deux épouses. Tout comme au Darfour voisin. Je demande à mon ami s’il est au courant de cette pratique qui consiste à fouetter les jeunes mariées. “Moi aussi, j’ai fait cela. Tous les Arabes font cela, ainsi que certaines tribus non arabes, me répond-il. La nuit des noces, on conduit la femme dans la maison du mari. Le plus souvent, elle refuse de s’y rendre. Si elle n’agit pas ainsi, les vieilles femmes se moqueront d’elle. Si la femme refuse d’aller chez son mari, on l’emmène de force : on la tape, on la ligote, on lui fait n’importe quoi. Son mari l’attend. Parfois, elle meurt en route des suites de ses blessures ou de déshydratation, attachée sur le dos d’un chameau.” Après la cérémonie de mariage, poursuit-il, on conduit l’épouse dans une pièce où se trouvent des amies. Elle doit rester voilée et n’a pas le droit de sortir pendant une semaine. C’est le moment du fouet. Tous les hommes, le plus souvent des proches du marié, sont alors autorisés à entrer dans la chambre et à lui donner deux ou trois coups de fouet.
De retour à Abéché, je constate que les femmes, comme à Goz Beida, ont l’air épuisées et abattues, un peu comme les ânes qui les transportent. Le jour de mon départ, je demande à mon chauffeur : “Avez-vous un fouet chez vous ? — Oui. — L’utilisez-vous pour frapper votre femme ? — Quand elle proteste, je la fouette. C’est normal.”