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Le gouvernement syrien est passif face aux
"crimes d'honneur".
Faut-il que 10 millions de Syriennes se
fassent tuer
pour qu'il consente à s'occuper du problème ?
Interview de Bassam Al-Qadhi, militant syrien pour les droits de la femme
Al-Dunya le 11 février 2009.
Memri - Dépêche spéciale n° 2268
Extraits-vidéo sous-titrés en anglais : http://www.memritv.org/clip/en/2040.htm.
Le
problème chez nous n'est pas que nous tuons des femmes, alors que les autres
non, le problème est que nous récompensons le meurtrier
Bassam Al-Qadhi :
"Le fait de tuer une femme parce que c'est une femme est un phénomène qui
existe dans le monde entier. Le problème chez nous n'est pas que nous tuons des
femmes, alors que les autres non. Le problème est que nous récompensons
l'assassin. C'est là toute la différence. En Europe et en Amérique, il peut
arriver qu'un homme tue sa femme parce qu'il la soupçonne d'avoir des relations
avec un voisin, par exemple. Cela peut arriver, mais il sera jugé pour
assassinat, et ira en prison. Il ne recevra pas de certificat légal de bon
caractère pour son acte, précisant qu'il a
défendu son honneur. Le problème chez nous est que nous accordons un
certificat de bon caractère à celui qui commet un tel crime, que nous lui
disons : "Va en paix. Tu peux profiter de la vie car tu as tué ta
femme, ta fille et ta soeur". C'est une différence fondamentale et c'est
ce que nous essayons de changer".
De
nombreuses femmes en Syrie sont tuées au nom de l'honneur de la famille, alors
que le but véritable est de dérober leur part d'héritage
Al-Qadhi :
"Depuis nos débuts, en septembre 2005, et jusqu'à ce jour, nous n'avons
pas eu à faire à un seul crime commis impulsivement, en raison de la conduite
sexuelle des femmes abattues. A chaque fois, le crime était perpétré parce que
la jeune fille avait épousé un homme sans l'accord de la famille, de religion
ou de culte différent, ou parce qu'on voulait lui voler sa part d'héritage. De
nombreuses femmes en Syrie sont tuées au nom de l'honneur de la famille, alors
que le but véritable est de dérober leur part d'héritage et de permettre aux
hommes de la famille de s'approprier leurs avoirs".
En
raison des articles 548 et 192 du code pénal, l'assassin reçoit entre trois
mois et trois ans de prison, pas plus…
Al-Qadhi : "Il
suffit qu'un homme dise, comme c'est arrivé fin 2008: "Ma femme est
sage-femme. Elle se rend la nuit dans des villages pour aider à mettre au monde
des bébés". Or nous savons tous que les sages-femmes en Syrie ont des
valeurs morales élevées. "Elle s'absente souvent. Elle doit avoir un
amant".
Bien que n'ayant
aucune preuve, il l'a tuée. Mais la vraie raison du meurtre était qu'elle avait
mis un peu d'argent de côté pour ses enfants, en travaillant dur, et qu'il
voulait mettre le grappin dessus. Il s'agit d'un assassin et la loi devrait le
traiter comme tel. Mais en raison des articles 548 et 192 du code pénal, il
reçoit entre trois mois et trois ans de prison, pas plus…"
Interviewer :
"Le ministre de la justice remet en question vos statistiques et
classifications, affirmant que le ministère ne détient pas de statistiques des
crimes d'honneur et que le code pénal est en voie d'être réexaminé, dans le
cadre de la politique de remise à jour et de l'amélioration des lois actuelles,
y compris celles relatives aux crimes d'honneur. Il dit qu'il faut pour cela un
temps de préparation. Pourquoi ne leur accordez-vous pas un peu de temps
?"
Faut-il
que 10 millions de Syriennes se fassent tuer pour que nous acception de faire
face au problème ?
Al-Qadhi : "Avec tout le respect dû au ministre de la Justice, quand on parle d'assassinats, aucune préparation n'est nécessaire. Il n'est pas nécessaire de réviser les plans étatiques - le dixième plan en cinq ans - pour savoir que des Syriennes vont être assassinées"
Interviewer :
"Certains comités oeuvrent encore "
Al-Qadhi :
"Mais ils oeuvrent depuis des années, et pendant ce temps des femmes se
font tuer. Jusqu'à ce jour, le gouvernement syrien a fait preuve d'une grande
passivité. Le ministre du travail et des affaires sociales nous a dénoncés,
disant : "Est-ce que 200 Syriennes (nombre de femmes tuées annuellement
en Syrie) méritent toute cette agitation ?"
Si 200 Syriennes ne
méritent pas toute cette agitation, combien la mériteraient, selon vous ?
Faut-il que 10 millions de Syriennes se fassent tuer pour que nous acceptions
de faire face au problème ?"