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Le Temps joue en Faveur d'Israël
Par le Dr Emmanuel Navon qui dirige le département de science
politique et de communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem
et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel Aviv et au
Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est également membre du Forum Kohelet
de politique publique.
23/1/14 - i24News.com
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Dans son dernier numéro, The Economist affirme qu’Israël
ne restera pas juif s'il n'évacue pas la Judée-Samarie (la «démographie»,
peut-on lire, mène à une «majorité palestinienne»). Il est intéressant de
constater que l'argument de The Economist n'est plus à propos de la paix,
mais à propos de la démographie. Les accords d'Oslo ayant amené la guerre
et fait couler du sang, et le modèle européen d’État-nation étant en train
de s’effondrer sous le poids de l'islam politique, l'idée que la création
d'un 23e Etat arabe défaillant est ce qui va amener la paix à cette région
déchirée par la guerre ne passe même pas le test du rire. C’est pourquoi la
justification d’un Etat palestinien n’est plus (en tout cas parmi les gens
rationnels) la paix mais la démographie.
Mais si The Economist et autres partisans de la théorie des deux Etats ont
eu tellement tort à propos de la paix, pourquoi penser qu’ils ont tellement
raison à propos de la démographie ?
D’abord, la bande de Gaza est maintenant hors de l'équation, et donc les calculs
ne s'appliquent qu'à l'Israël d’avant 1967 et à la Judée-Samarie. La hantise
de l’État binational est fondée sur un recensement effectué en 1997 par le
"Bureau central palestinien des statistiques» (BCSP). Selon ce recensement,
il y avait 2,78 millions d'Arabes en Judée-Samarie en 1997. Ce chiffre en
a surpris plusieurs à l'époque car un recensement similaire réalisé par le
Bureau central israélien des statistiques (BCIS) en 1996 avait révélé que
le nombre d'Arabes en Judée-Samarie était de 2,11 millions. Comment la population
arabe avait-elle pu augmenter si rapidement en un an ?
La raison est que le BCSP avait inclus les 325 000 Palestiniens vivant à l'étranger
et avait compté deux fois les 210 000 résidents arabes de Jérusalem. En 2011,
il y avait environ 400 000 Arabes de Judée-Samarie vivant à l'étranger. Ils
sont toujours inclus dans le décompte démographique du BCSP. Or selon les
normes démographiques internationalement acceptées, les résidents qui sont
à l'étranger pour plus d'un an ne sont pas comptabilisés démographiquement.
Le PCBS ne respecte pas cette norme internationale (contrairement à Israël).
Le PCBS a également supposé en 1997 qu'il y aurait une immigration arabe annuelle
nette vers la Judée-Samarie et Gaza de 45 000 personnes. En réalité, il y
a eu une émigration arabe annuelle nette depuis la Judée-Samarie et Gaza.
Selon le démographe israélien Sergio della Pergola, les Juifs constituent
une majorité de 62 % entre le Jourdain et la mer Méditerranée, à l'exclusion
de la bande de Gaza. Quand Israël déclara son indépendance en 1947, il y avait
une minorité juive d’un tiers. En 1947, Roberto Bachi (professeur de statistiques
et fondateur du Bureau central des statistiques d'Israël) implora Ben Gourion
de ne pas déclarer l'indépendance. Bachi soutenait à l'époque que, avec une
population de 600 000 âmes, les Juifs deviendraient une minorité d’ici 1967.
Bachi ne prit pas en compte les vagues massives d’"Aliya" (l'immigration
juive), et c’est pourquoi ses prédictions se sont révélées erronées.
La population juive a augmenté jusqu'à présent principalement grâce à l’Aliya.
Mais à quoi faut-il s’attendre pour les années à venir?
Depuis 1992, le taux de fécondité arabe en Judée-Samarie a diminué de façon
significative et constante (il est maintenant de 3,2 naissances par femme).
Dans l’Israël d'avant 1967, le taux de fécondité arabe a diminué, passant
de 9,23 en 1964 à 3,5 aujourd'hui. Cette diminution a été constante. Le taux
de fécondité juif a également diminué depuis 1964, mais très légèrement :
passant de 3,39 en 1964 à 3,0 aujourd'hui. Mais, ce qui n’est pas moins important,
le taux de fécondité juif a commencé à augmenter à la fin des années 1990
(il était de 2,62 en 1999, 2,71 en 2004, et 3,0 en 2011). L’écart de fécondité
entre Juifs et Arabes, qui est passé de 5,84 en 1964 à 0,5 aujourd'hui, n’existe
quasiment plus. Et le taux de fécondité juif augmente depuis la fin des années
1990 pas seulement en raison des taux traditionnellement élevés chez les Juifs
orthodoxes, mais aussi chez les Israéliens laïcs.
Viennent ensuite l'immigration et l'émigration. Bien qu'il y ait eu des vagues
constantes d’Aliya depuis l'indépendance d'Israël (assurant ainsi la croissance
de la population juive), il y a eu une émigration arabe annuelle nette.
Donc affirmer, comme le fait The Economist, que la «démographie» entraîne
"une majorité palestinienne" est faux. Cela ne signifie pas, bien
sûr, qu'une minorité arabe de 38% (contre 20% pour le pourcentage actuel de
la minorité arabe d'Israël) est une bonne idée (ça ne l’est pas). Mais compte
tenu des dangers d’un État-raté et hostile entourant Jérusalem et surplombant
Tel-Aviv, et compte tenu des tendances démographiques réelles entre le Jourdain
et la mer Méditerranée, il n'y a aucune raison de paniquer à propos des conséquences
démographiques de l'impasse actuelle. Les Palestiniens ont leur propre gouvernement.
Ils ne jouissent certes pas d’une pleine liberté, mais d’un autre côté État
arabe et liberté sont deux termes contradictoires.
Quant à l'affirmation selon laquelle le temps joue contre Israël, elle défie
la logique. Israël est une success story, tandis que nos voisins arabes sont
en proie à des guerres civiles, au déclin culturel, et à la régression économique.
Si le temps est leur ami, ils n’ont certainement pas besoin d'ennemis.