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Comment Israël est Tombé dans le Piège de l'Iran, via le Hamas


par Jacques Benillouche,
le 16 juillet 2014
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Après plus d’une semaine de conflit militaire entre le Hamas et Israël, les stratèges et les analystes de l’état-major israélien essaient de comprendre pourquoi le Hamas s’est lancée dans une aventure destructrice, vouée à l’échec, en sachant qu’il n’avait aucune chance de réussir face à une armée puissante. Comme si, étrangement, c’étaient les militaires israéliens qui n’arrivaient pas à admettre les échecs des tirs de roquettes lancés depuis Gaza.
Bien sûr le système antimissiles Dôme de fer a montré son efficacité en détruisant plus de 80% des armes volantes, mais il est difficile de croire à l’incompétence des lanceurs palestiniens quand on voit le nombre élevé de roquettes qui atterrissent sur un terrain vague. Les experts militaires estiment désormais que les centaines de projectiles lancés n’étaient pas envoyés pour tuer ou pour détruire mais pour tester la défense israélienne et la qualité de réaction du système Dôme de fer. Le Hamas était en mission commandée au profit des ennemis naturels d’Israël, l’Iran et le Hezbollah qui n’ont jamais renoncé à détruire Israël malgré leur implication dans d’autres conflits au Moyen-Orient.
Cette alliance chiites-sunnites peut paraitre paradoxale mais elle entre dans une stratégie toujours suivie par les Iraniens au Proche-Orient. Cette stratégie consiste à fusionner deux logiques politiques et identitaires : celle du «front du refus» iranien qui peut-être soit sunnite ou chiite mais qui rejette Israël, les États-Unis et l'Occident; et celle de «l’axe chiite» qui met en avant les revendications et les intérêts des minorités chiites. Cela explique que l’Iran entretienne des relations avec deux mouvements classés comme «terroristes» par les pays occidentaux et qui devraient normalement se confronter : le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.

Le rôle du Hezbollah chiite dans la résistance à l’occupation israélienne, puis son rôle contre l’armée israélienne durant la guerre du Liban en 2006 ont donné à cette organisation un prestige réel dans le monde arabo-musulman qui dépasse le clivage chiites-sunnites. L’Iran a développé durant la dernière décennie des relations étroites avec le Hamas par le biais de soutien politique, de financements caritatifs et de livraisons d’armes via le Soudan et l’Égypte. Par ces positions, l’Iran peut donc se poser en leader du front du refus,  en héraut panislamique de la cause palestinienne trahie par les pays arabes et les monarchies du Golfe. Le Hamas complètement isolé depuis le changement de régime en Égypte s’est donc tourné vers l’Iran chiite.  
C’est ainsi que le 12 juillet 2014, Oussama Hamdan, le plus haut représentant de Hamas en Liban et membre du bureau politique de l'organisation, avait abondé dans ce sens en annonçant «la coordination sur le terrain de la Résistance islamique avec le Hezbollah libanais dans la lutte contre l’ennemi sioniste». Il a évoqué l’échange d’expérience entre le Hamas et les autres parties pour souligner : «il y a une sorte de coopération et de coordination permanente sur le terrain; aujourd’hui les relations du Hamas avec le Hezbollah et l’Iran sont meilleures que certains s’imaginent».

Un arsenal presque intact
Depuis deux ans, les organisations armées de la bande de Gaza se sont dotées de missiles longue portée grâce aux tunnels de contrebande avec l’Égypte. Le Djihad islamique possède des Fajr-5, de fabrication iranienne, offerts par le Hezbollah libanais. Ils peuvent transporter 90 kg d’explosifs à une distance de 75 km. En novembre 2012, le chef des Gardiens de la Révolution iraniens avait reconnu avoir approvisionné Gaza en missiles de ce type pour atteindre Tel Aviv.
Des M-302 de conception syrienne pouvant atteindre 160 kilomètres ont aussi été utilisés ces derniers jours. Le Hamas a aussi une production locale de M-75, d’une portée de 100 km. Or le Hamas a peu utilisé certains matériels évolués. L’attention des experts israéliens a été attirée par les missiles allégés qui ne contenaient pas d’explosifs pour allonger leur portée. L’objectif était en fait de pénétrer le plus loin possible à l’intérieur d’Israël pour terroriser certes la population mais surtout pour tester la totalité du territoire israélien.

Selon les experts de la défense israélienne, le Hamas dispose de près de 10.000 missiles dont à peine 3.000 viennent d’être détruits. La théorie tendant à faire croire que le Hamas cherchait à viser une cible stratégique israélienne pour faire de nombreuses victimes ne tient pas. L’efficacité des systèmes Dôme de fer aurait dû persuader le Hamas de l’inanité de ses attaques et le décourager à poursuivre inutilement des lancements stériles et coûteux sachant que cela entrainait des frappes israéliennes de plus en plus destructrices en hommes et en matériels.
Or le Hamas avait reçu une mission de la part de ses alliés, l’Iran et le Hezbollah, consistant à tester le système antimissiles dans toutes les conditions d’une guerre totale et massive. L’objectif était de tirer le maximum de roquettes simultanément pour détecter la saturation du système de défense antimissile Dôme de fer. La chute de certains missiles sur des zones civiles n’était pas la finalité mais il fallait prouver que la protection israélienne n’était pas totalement étanche et que le système Dôme de fer avait des limites.
Dans la nuit du 12 Juillet, le Hamas avait prévenu la population d’un barrage de roquettes sur Tel Aviv précisément à 21h. Il s’agissait d’un défi risqué s’il n’était pas rempli. A l’heure dite, la ville avait retenu son souffle; tout s’était arrêté mais le déluge de feu avait fait long feu. Le Hamas ne s’était pas lancé à la légère dans un défi irréalisable mais il avait gagné au moins une victoire psychologique et mesuré en temps réel la capacité de mobilisation des moyens sécuritaires israéliens face à une attaque massive de missiles.
On a raillé l’inefficacité des roquettes alors que l’objectif du Hamas était ailleurs. Les lancements de missiles sur le sud, centre et le nord constituaient en fait une opération de diversion pour détourner l’attention des objectifs réels visés : tester la défense de la capitale économique, Tel-Aviv, de la centrale nucléaire de Dimona dans le Néguev, de l’usine d’électricité de Hadera et de l’aéroport international Ben Gourion en passant par les installations portuaires d’Ashdod et Ashkelon.
Il mettait également au point en fait les mesures de son système de guidage pour une utilisation ultérieure en temps réel. Le drone qui a été abattu au large d’Ashdod avait la même mission, non pas de détruire ou de tuer, mais de se rapprocher de la côte israélienne pour enregistrer des informations sécuritaires qui ont eu le temps d’être transmises avant qu’il soit détruit.

L’Iran et le Hezbollah vont désormais pouvoir tirer un excellent enseignement prélevé sur le terrain même et surtout exploiter ce que certains qualifient déjà de défaite du Hamas alors qu’il était en fait en mission commandée.