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Pourquoi Israël fournit-il l’électricité et du ciment à Gaza?

 

Par Emmanuel Navon dirige le département de science politique et de communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique

i24News.tv du 23/07/14

 

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Lorsque mes enfants me demandent pourquoi Israël fournit au Hamas le ciment et l’électricité utilisés pour les tunnels qui sont creusés pour stocker des roquettes et pour capturer des Israéliens, je les renvois à une scène inoubliable du film "L’âge de glace 4". Des animaux préhistoriques effrayés fuient l’apocalypse tandis que deux d’entre eux ne cessent de rire. « Cela ne vous inquiète pas » demande un hérisson intrigué, “que la fin du monde approche?” Et les deux énergumènes de révéler leur secret : “nous sommes très, très stupides.”

Israël est-il simplement stupide, ou bien a-t-il l’obligation de fournir à la bande de Gaza du ciment et de l’électricité? Comme l’explique le Professeur Avi Bell de l’Université de Bar-Ilan, dans une étude qui vient d’être publiée par le Forum Kohelet de politique publique, Israël n’a aucune obligation de fournir l’électricité à la bande de Gaza.

Selon l’article 23 de la 4e Convention de Genève, les parties contractantes doivent autoriser le libre passage de nourriture, de vêtements et de médicaments aux enfants de moins de 15 ans et aux femmes enceintes (l’article ne mentionne ni le ciment ni l’électricité). La bande de Gaza n’est pas partie contractante de cette convention, et elle n’est pas occupée par Israël. Israël, quant à lui, n’a pas souscrit au Premier protocole additionnel des Conventions de Genève de 1977, dont l’article 70 élargit les devoirs des belligérants (cet article ne mentionne ni l’électricité ni le ciment). Même si ces articles s’appliquaient au conflit entre Israël et Gaza, Israël n’aurait pas l’obligation de fournir de l’électricité à Gaza. En effet, les parties au conflit doivent “autoriser le libre passage” des biens (Article 23) et “permettre et faciliter” leur “passage rapide et sans entrave” (Article 70), mais elles n’ont pas l’obligation de fournir ces biens elles-mêmes.

Concernant le cas spécifique de l’électricité, prendre pour cible des sites de production d’électricité pendant la guerre est une pratique répandue et acceptée. Comment un pays peut-il être autorisé à détruire les sources électriques de l‘ennemi tout en étant requis de lui fournir de l’électricité? C’est pourquoi le Professeur Yoram Dinstein, un expert reconnu du droit international et du droit de la guerre, écrit dans son livre La Loi de l’occupation en temps guerre : “la notion selon laquelle une partie belligérante en temps de guerre a le devoir de fournir de l'électricité et du carburant à son ennemi est tout simplement absurde.”

Israël est accusé d’imposer un blocus à Gaza mais, en vérité, Israël ne maintient qu’un blocus militaire maritime alors que la bande de Gaza est fermée à cause de l’Egypte. Israël empêche l’entrée d’armes iraniennes dans Gaza par la mer, alors que l’Egypte ne veut pas que les Gazaouis entrent sur son territoire. Un rapport de l’ONU de 2011 sous la direction de Geoffrey Palmer a conclu que le blocus militaire et maritime de Gaza par Israël est à la fois justifié et légal au regard du droit international. D’ailleurs, même Mahmoud Abbas a déclaré en juin 2010 que le blocus militaire maritime d’Israël était nécessaire afin d’empêcher le Hamas d’obtenir plus d’armes. Il y a quatre mois, en mars 2014, la marine israélienne a intercepté un bateau rempli de missiles en provenance d’Iran et à destination de Gaza.

Alors qu’Israël fournit à Gaza de l’électricité, de l’eau, de la nourriture, des médicaments, et tous les matériaux non militaires (via les points de passage de Keren Shalom, Karni, Erez et Shufa), l’Egypte empêche l’entrée de tels biens dans Gaza. En janvier 2008, les Gazaouis ont forcé la frontière égyptienne, pour être repoussés. En juin 2010, l’Union des médecins arabes a demandé à l’Egypte d’autoriser l’entrée de 400 tonnes de nourriture, de couvertures et générateurs électriques à Gaza, mais le gouvernement égyptien repoussa la requête. A l’inverse, le cabinet de sécurité israélien a approuvé, également en juin 2010, l’entrée de tous les matériaux non militaires dans la bande de Gaza.

Une fois que l’opération Bordure Protectrice sera finie, Israël devra décider quoi faire avec Gaza. Il faut bien admettre que Tsahal ne parvient pas à dissuader le Hamas comme elle dissuade le Hezbollah. Israël devrait-il réoccuper Gaza ou bien répéter ses opérations militaires tous les deux ans? Une “solution politique” est à l’évidence impossible avec le Hamas. Quant à l’OLP, elle a été renversée par le Hamas à Gaza en 2007. Si Israël réinstallait l’OLP, elle serait sans doute renversée à nouveau. La Ministre de la Justice Tzipi Livni a déclaré que la bande de Gaza doit être démilitarisée. Cette déclaration ne passe même pas le test du rire. Qui assurera la démilitarisation de Gaza? L’OLP? Les casques bleus? Ou la légion étrangère française, peut-être?

Les Etats-Unis devraient utiliser leurs moyens de pression économiques sur l’Egypte pour mettre fin au blocus de Gaza et reprendre partiellement contrôle de l’enclave (comme ce fut le cas entre 1949 et 1967). L’Egypte préfère garder Gaza sous scellé, mais cette politique est inhumaine et contre-productive. Il n’y a pas de différence ethnique, religieuse ou linguistique entre les Arabes des deux côtés de la frontière entre l’Egypte et Gaza. Avec une aide économique massive de pays donateurs, l’Egypte peut et doit réintégrer la bande de Gaza.