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Israël a Besoin d'une Réforme Electorale

 

Par Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication du Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les Relations internationales à l'Université de Tel-Aviv et au Centre interdisciplinaire de Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet, et vient de publier un nouveau livre en Anglais intitulé « The Victory of Zionism. »

1/1/15

http://www.i24news.tv/fr/opinions/56219-141231-israel-a-besoin-d-une-reforme-electorale

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Les élections anticipées en Israël et les enquêtes de police contre de hauts responsables du parti Israël Beiteinou nous ont confirmé l'instabilité et la corruption de la politique israélienne. Israël n'est certes pas la seule démocratie à souffrir de ces maux; mais, ici, ils ont atteint des proportions sans précédent. Ils sont tous deux amplifiés par un système électoral qui encourage la prolifération des partis et qui produit des hommes politiques qui n’ont pas de comptes à rendre à leurs électeurs.

Le mode de scrutin pour le Knesset n'est pas le fruit d'un débat constitutionnel. Il fut adopté à la hâte en pleine guerre. Israël n'a jamais eu l'équivalent du "Fédéraliste" américain (recueil de réflexion sur la constitution des États-Unis) ou de la Convention nationale en France (première assemblée constituante après la Révolution). En octobre 1948, lors de la Guerre d'Indépendance, le président de la commission électorale israélienne, David Bar-Rav-Hai, écrivit que la nécessité d’organiser des élections dans un court délai rendait impossible un découpage électoral du pays en circonscriptions. Ainsi, en raison d'un manque de temps, il fut décidé que les premières élections pour la Knesset auraient lieu sans circonscriptions (le pays tout entier constituant une circonscription électorale unique), et selon le mode de scrutin proportionnel.

C’était le mode de scrutin pratiqué dans le Yishouv (la communauté juive pré-étatique sous le Mandat britannique). La représentation proportionnelle sans circonscriptions avait un sens à l'époque car la population juive était petite et dispersée dans un pays où les Juifs n'étaient pas souverains. Ce qui était approprié pour une petite communauté sous domination étrangère ne l’était pourtant plus pour un pays souverain avec une population croissante.

Le premier Premier ministre d'Israël, David Ben Gourion, était pleinement conscient de l'inadéquation de la représentation proportionnelle et de l'absence de circonscriptions électorales. L’une de ses premières actions en tant que Premier ministre fut d'essayer d'obtenir une décision du Cabinet pour un découpage électoral et pour le remplacement du scrutin proportionnel par un scrutin majoritaire.

La représentation proportionnelle répartit le pouvoir entre les partis politiques en fonction du pourcentage de votes qu'ils reçoivent. Dans le scrutin majoritaire, en revanche, les électeurs votent pour des candidats dans des circonscriptions, et le candidat qui reçoit le plus de votes est déclaré vainqueur. Tandis que le scrutin proportionnel permet une représentation fidèle et exacte des différentes opinions du corps électoral, le vote majoritaire assure une plus grande stabilité politique grâce à des résultats décisifs.

Historiquement, les effets de la représentation proportionnelle ont été désastreux. Introduite en France sous la IIIe République après 1919, elle entraîna une instabilité et une paralysie politiques presque comiques. Sous la IVe République française (1946-1958), la durée de vie moyenne d'un gouvernement était de six mois –et ce à cause de la représentation proportionnelle. En Allemagne, la représentation proportionnelle a mené au déclin de la République de Weimar et a porté les nazis au pouvoir.

Ben Gourion était conscient de cela. Mais après les premières élections israéliennes au scrutin proportionnel, il était déjà trop tard pour réformer le système. La raison en est que les premières élections firent émerger, inévitablement, des partis politiques de petite et moyenne taille. Il est évident que ces partis refusent de faire passer une réforme électorale qui les écartera de la carte politique au profit des grands partis. La réforme électorale appartient, depuis, à l’Histoire.

Comme partout ailleurs, la représentation proportionnelle en Israël a encouragé l'instabilité politique et la corruption. Jusque dans les années 80, cependant, tant le Likoud à droite que le parti travailliste à gauche disposaient de suffisamment de sièges à la Knesset pour constituer des coalitions plus ou moins stables. Tel n'est plus le cas. Les groupes de pression et les catégories sociales ont créé une pléthore de petits partis, ayant compris que cela était plus efficace pour extorquer des fonds aux gouvernements. Pire, les stars médiatiques qui se lancent en politique ne se joignent plus aux grands partis, mais font cavaliers seuls en créant leur propre parti. En conséquence, Israël n’a plus que des partis petits et de taille moyenne, de sorte que le pays est devenu ingouvernable.

Ce système nourrit également la corruption car, en l'absence de circonscriptions, les politiciens n’ont de comptes à rendre qu’à leurs partis et non à leurs électeurs. En Israël, les politiciens sont soit sélectionnés par le chef de leur parti (comme Avigdor Lieberman), soit par les membres de leur parti (ce qui signifie, en fait, par des groupes de pression qui encartent artificiellement des milliers de personnes pour promouvoir des intérêts sectoriels). Pour se faire élire dans une circonscription, il faut faire ses preuves ; pour se faire élire dans un parti, il faut plaire.

Le gouvernement actuel a augmenté le seuil d’éligibilité de 2% à un étrange 3,25%, mais cette réforme ne fera qu'empirer les choses, car elle éliminera les petits partis et, par conséquent, augmentera le pouvoir de pression des partis de taille moyenne.

Israël a un besoin urgent d'une réforme électorale, mais une telle réforme est aussi improbable aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque de Ben Gourion. En France, il fallut deux catastrophes nationales (l'effondrement de juin 1940 et la rébellion militaire de mai 1958) et un grand homme (Charles de Gaulle) pour changer de régime. Hélas, en Israël il y a plus de catastrophes potentielles que de grands hommes.

 

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Jeudi 1er janvier, devant une salle comble, Me. Gilles-William Goldnadel prenait la parole lors de la première conférence de l’année organisée par JSSNews. La France, ses politiques, la montée de l’antisémitisme et la communauté juive étaient les sujets abordés par celui que l’on considère comme l’un des meilleurs défenseurs d’Israël du monde francophone.

Pour les lecteurs qui n’ont pu se déplacer, il a accepté de répondre, sans faux-semblants, aux questions qui taraudent les juifs de France et les français d’Israël…

JSSNews : Quel regard portez-vous sur les prochaines élections israéliennes ?
Gilles-William Goldnadel: J’ai malheureusement eu souvent l’occasion de dire que le système électoral israélien tuait la démocratie Israélienne en raison de son caractère hyper démocratique. Il fait le jeu des petits partis des petits maîtres chanteurs.

Le scrutin de liste favorise ceux qui savent jouer des coudes pour obtenir les meilleures places, à l’instar des fayots du premier rang à l’école. C’est une véritable fabrique de crétins et d’escrocs. Lorsque c’était l’élite de ce pays qui fournissait le personnel politique (essentiellement l’armée et les kibboutzim), ce n’était pas très grave.

Depuis la professionnalisation de la politique israélienne, c’est une catastrophe dont on ne mesure pas suffisamment les conséquences. Le député moyen israélien n’arrive pas à la cheville, moralement et intellectuellement, du député moyen français, qui, même s’il n’est pas toujours un aigle, doit avoir suffisamment de vernis culturel pour séduire l’électeur dans son département. J’ai coutume de dire que le scrutin proportionnel, dans un pays ordinaire, relève du luxe érotique, mais lorsqu’il s’agit d’un pays qui lutte le dos au mur pour sa survie, il s’agit de pornographie criminelle.

 

JSSNews : On vous dit ami de Benjamin Netanyahu…
GW. Goldnadel: Et j’en suis fier!

C’est le seul homme d’État digne de ce nom encore en activité dans son pays. Il est pragmatique, il a su accepter, contre son parti, le principe d’un État-nation pour les Arabes de Palestine.

Il a su dire non, contre la soi-disant opinion publique internationale intoxiquée par les médias conformistes, au chantage d’un nationalisme palestinien décidément désespérément irrédentiste, toujours autant fasciné pour la violence mortifère, et pour lequel je n’ai aucune estime et ne mérite pas encore d’avoir un État.

Dans des conditions épouvantables, il a su tant bien que mal résoudre une équation impossible dont les termes sont : ce nationalisme palestinien, l’islamisme barbare, Obama le calamiteux, l’Europe suicidaire et son antisémitisme pathologique qui vont de pair, son peuple ingouvernable avec ce système politique que je viens de décrire, des médias corrosifs qui lui sont hostiles, l’usure naturelle du temps, une droite Israélienne démagogique, et j’en passe…

Si le peuple Israélien est suffisamment intelligent et mature, il devrait s’en sortir, sinon…

 

JSSNews : Comment voyez-vous la situation française ?
GW. Goldnadel: Voilà deux décennies que je tire la sonnette d’alarme en indiquant qu’il fallait cesser être fasciné par le Front National pour cause de frissons post shoatiques et que le danger le plus important viendrait de l’islamo-gauchisme, des Verts,du Parti Communiste.

À l’époque, les notables de la communauté me regardaient de travers, pourtant, je ne pense pas avoir été cruellement démenti par la cruelle réalité. On y est.