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Le Rêve Israélien pour la Petite Ethiopienne devenue Ministre de l'Immigration
en Israël
11 juin 2020
Source France Culture
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De la
famine en Ethiopie au gouvernement
en Israël, Pnina Tamano-Shata
a été nommée
ministre de l’immigration.
Pnina Tamano-Shata, 38 ans, est la nouvelle ministre israélienne de l'alyah et de l'intégration. Première
personne d'origine africaine à occuper un poste gouvernemental en Israël.
Cette centriste dénonce le racisme,
les violences policières et les inégalités dans son pays et dans le monde.
La pièce est grande et rectangulaire.
Les murs couleur coquille d'oeuf sont nus et le
mobilier sobre. Les stores ont été baissés pour filtrer le soleil aveuglant.
Seul le drapeau israélien, avec son étoile de David et ses bandes bleues,
apporte un peu de couleur dans ces locaux impersonnels. Ce jour-là, la nouvelle
ministre découvre ses bureaux annexes à Tel Aviv car
jusqu'ici, elle a seulement travaillé dans le bâtiment principal du ministère à Jérusalem.
Le voyage pour
revenir à la maison
Depuis le 17 mai dernier, Pnina-Tamano Shata est ministre de la
« a’lyah » (ou la montée vers
Israël, qui signifie immigration) et de l'intégration.
Dans ce pays où la "loi du retour" permet à tout Juif du monde
de venir vivre en Israël et d'en devenir citoyen, ce ministère est
particulièrement important pour l'installation de ces Américains, Russes,
Français, etc… qui ont choisi Israël.
Mais si elle revendique d'être la ministre de tous les « o’lim » (les
immigrants), Pnina-Tamano Shata promet d'être encore plus attentive à la situation des Israéliens originaires
d'Ethiopie. Car le 9 décembre 1981, elle a vu le jour dans
une famille juive près de Gondar, à 600 kilomètres au nord-ouest d'Addis-Abeba, dans un village sans eau
courante ni électricité.
En 1984, lors de la grande famine qui a décimé l'Ethiopie, la famille de la petite Pnina
s'en va à pied, avec l'espoir d'arriver un jour en Israël.
"Nous savions que c'était le moment de faire
le voyage pour revenir à la maison. Mais c'était un voyage très dur car nous
avons marché jusqu'au Soudan à plus de 200 kilomètres de là", se souvient la ministre,
souvent transportée sur le dos de son grand frère adolescent. "Nous
sommes arrivés dans un camp de réfugiés. Tout le monde se souvient des camps de
réfugiés dans les années 80 quand la faim ravageait l'Ethiopie et toute
l'Afrique. J'étais toute
petite, ma mère était à son neuvième mois de grossesse. Sur place, des
officiels israéliens nous attendaient, certains du Mossad, d'autres de l'Armée qui, tous, travaillaient sous
fausse identité.
Nous aussi dissimulions notre identité juive car nous étions dans un pays musulman et à cette époque, les
relations entre le Soudan et Israël étaient très mauvaises.
Une partie de la
famille a donc embarqué secrètement de nuit, dans l'un de ces avions israéliens
posés dans le désert. Ce
gigantesque pont aérien mis en place entre l'Afrique et Israël est baptisé "opération
Moïse".
Malgré la nouveauté du pays, sa langue, son mode de vie et ses coutumes
qui ont dérouté ses parents, la
petite Pnina se souvient d'une intégration facile
pour elle. Cependant, elle réalise que sa couleur de peau
lui posera parfois des problèmes : "Au début, cela a été dur
pour certains de comprendre que nous étions juifs. Certains d'entre eux nous
soupçonnaient de ne pas être juifs. "
La première
La jeune Pnina (perle
en hébreu) est éduquée dans une école sioniste-religieuse puis suit des études supérieures
de droit et de journalisme. A l'université, elle est l'une des leaders
des étudiants d'origine éthiopienne. D'abord juriste, elle devient en 2005 la première femme
d'origine éthiopienne à présenter une émission sur Channel 1, avant
d'être élue députée en 2015 sur la liste du centriste de Yair
Lapid.
Là encore "la
première". Première personne noire à siéger au parlement israélien. A
la Knesset, elle se spécialise dans les questions de pauvreté,
de petite enfance et de lutte contre les discriminations. En visite aux
Etats-Unis, elle est impressionnée par le black
caucus qui réunit les parlementaires afro-américains au delà de
leurs affiliations partisanes. Juste après son élection, elle participe activement aux premières
manifestations des Ethiopiens contre les violences policières.
Les violences
policières et le ciblage des personnes noires
Devenue ministre, elle n'a renié ni ses
engagements ni son franc-parler. Un an après
la mort d'un israélien originaire d'Ethiopie tué par des policiers, elle estime
que "la police doit
protéger les vies et ne pas les prendre. Elle ne doit pas menacer les gens
parce qu'ils sont noirs.
"Partout dans le monde, on voit
des discriminations contre les Noirs. Les luttes sont les mêmes dans beaucoup
de pays. Aux Etats-Unis, en France, on voit les violences policières et le
ciblage des personnes noires. C'est inacceptable. Nous devons réaliser qu'il y
a là une génération brisée. Il en va de la responsabilité des gouvernements et
de dirigeants, y compris en Israël. Absolument. Il faut évincer les policiers
qui commettent des actes violents, racistes ou discriminatoires contre les noirs."
Inflexible sur ses convictions, la jeune ministre a été beaucoup plus souple quand il s'est agi de
rejoindre un gouvernement d'union entre Benjamin Netanyahu (Likoud, droite) et
Benny Gantz (Bleu blanc, centre). Alors que Yair Lapid a décidé de siéger
dans l'opposition, elle a préféré suivre Benny Gantz
et renier avec lui les engagements de campagne de ne jamais gouverner avec un
Netanyahu inculpé pour corruption.
" Ça a été difficile pour moi de quitter ma première formation politique
mais j'avais mon agenda : après trois années de crise politique et trois
élections législatives sans résultat clair, je préférais un gouvernement
d'unité plutôt qu'une autre élection. Quand Yair Lapid a décidé de ne pas rejoindre Netanyahu, c'était pour
moi un non-sens. C'est douloureux de voir un Premier ministre au tribunal même
s'il bénéficie de la présomption d'innocence"
Les mêmes
éléments de langage que... Benjamin Netanyahu.
Sans disposer encore de statistiques, la ministre est persuadée que la
gestion plutôt bonne de l'épidémie de coronavirus en Israël (avec 300 morts
pour 9 millions d'habitants) et les difficultés économiques mondiales vont pousser de nombreux Juifs de la diaspora
à émigrer vers Israël.
"Les bras ouverts", elle assure qu'elle disposera"des
budgets nécessaires" pour accueillir ces nouveaux arrivants.
"Je sais mieux que les autres comment accepter et aider les nouveaux
immigrants pour mieux s'intégrer. Ils ont besoin d'être soutenus"
Mais l'on se demande quelle sera la réalité au-delà des bonnes intentions tant la situation budgétaire, économique et
sociale d'Israël est très inquiétante. Et les promesses du Premier
ministre Netanyahu d'annexer une partie de la Cisjordanie dans les semaines à
venir rendent la situation encore plus imprévisible avec un risque de reprise
des violences entre Israéliens et Palestiniens.
Plutôt Moïse qu'Obama
Mais Pnina Tamano-Shata voit loin : "Peut-être qu'un jour je serai la première
présidente d'Israël. Jusqu'à maintenant, nous n'avons eu ni femme, ni africain
élu à cette fonction" - Mais plutôt que revendiquer Barack Obama, Pnina Tamano-Shata cite plutôt Martin Luther-King et Moïse. A
cause du nom à l'opération qui l'a conduite d'Ethiopie en Israël ? Pas
seulement. "Il était
modeste, il s'est trompé mais il a guidé son peuple", explique Pnina
Tamano-Shata. Est-elle
modeste ? Ses ambitions ne le sont pas. Mais à la différence du prophète,
mort selon la tradition biblique sur le mont Nébo dans l'actuelle Jordanie, la
petite Éthiopienne a pu rejoindre la Terre promise.