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ISRAEL FACE AU MOLOCH
Par
Michel GURFINKIEL, journaliste et écrivain, rédacteur en chef de Valeurs
Actuelles – novembre 2001
Le 7 octobre, j'ai vu sur France 3 des images effroyables. Celles d'enfants de
Gaza, âgés de douze à quinze ans, qui se jettent contre des soldats israéliens
en affirmant leur certitude, s'ils étaient tués, d'aller immédiatement au
paradis d'Allah. Et celles d'une mère palestinienne qui se réjouit de la mort
de son jeune fils, survenue quarante-huit heures plus
tôt au cours d'un tel affrontement.
Je ne sais pas quelle a été la réaction de la plupart des téléspectateurs.
Je sais que pour certains d'entre eux au moins, ces scènes ne pouvaient que se
superposer à un autre reportage d'une télévision française, désormais
tristement célèbre, où un garçonnet, toujours à Gaza, mourait d'une balle
israélienne, entre des tirs croisés israéliens et palestiniens. La mort d'un
enfant est une chose affreuse. Mais il y a quelque chose de plus affreux encore
: c'est d'envoyer délibérément des enfants à la mort, de les endoctriner pour
qu'ils aillent risquer et perdre leur jeune existence, et de décerveler les
mères de telle sorte qu'elle ne pleurent pas le fruit de leurs entrailles. De
ce crime-là , de ce crime commis envers l'humanité et envers leur propre
peuple, Arafat et les autres dirigeants palestiniens sont coupables et rendront
compte.
Car
il faut que les choses soient bien restituées dans leur contexte. Nous sommes
en l'an 2000, sept ans après les accords d'Oslo. Les violences actuelles ne surgissent pas n'importe où.
Elles éclatent au milieu et sous le contrôle de l'Etat totalitaire et policier
qu'Arafat, tirant profit de les fausses promesses de paix, a mis en place en
Cisjordanie et à Gaza.
Derrière chaque enfant palestinien qui meurt et chaque mère palestinienne qui
nie en elle l'instinct maternel, il y a une structure gouvernementale,
administrative, culturelle, aux ramifications serrées, il y a des militaires
palestiniens aux uniformes flambant neufs, des éducateurs palestiniens aux lunettes
cerclées d'or, des muftis palestiniens en turban blanc, une presse, une radio
et une télévision palestiniennes encadrées par des services officiels de
propagande. C'est ce beau monde qui, tel le Moloch des anciens Cananéens,
envoie les innocents au massacre, et qui entend bâtir, sur ce massacre, sa
puissance et sa gloire.
Arafat et les dirigeants palestiniens parlaient depuis longtemps d'une nouvelle
"intifada". L'arrivée au pouvoir d'Ehoud Barak, voici dix-huit mois,
n'a fait que renforcer ce discours. Le nouveau premier ministre israélien
multiplie les concessions, y compris sur Jérusalem. Mais justement, ces
concessions représentent, pour Arafat, le mal absolu. Arafat n'est pas un
président démocratique, mais un raïs, c'est-à-dire, en bon arabe, un duce, un
führer. Son pouvoir, dans la logique machiste qui est, malheureusement, celle
du monde arabe actuel, repose sur la force et sur des victoires militaires
réelles ou imaginaires. Il lui faut du sang, du feu, des batailles, des
Israéliens humiliés, des drapeaux juifs arrachés et
des drapeaux palestiniens hissés à leur place. D'où l'étonnante, l'incroyable
obstination qu'il oppose, tout au long des derniers mois, aux propositions de
plus en plus larges, de plus en plus généreuses de Barak.
D'où son refus à Camp David, en juillet dernier, du partage de Jérusalem que
Bill Clinton veut imposer.
Mais comment, en l'an 2000, faire la guerre à Israël sans être battu ? En
termes militaires purs, le rapport de forces reste encore, aujourd'hui,
favorable à l'Etat juif, et de manière écrasante. Le journaliste israélien Uri
Elitzur donnait la réponse, dans Yedioth Aharonoth, dès le 21 juillet.
Je cite : "Ce que les Palestiniens peuvent déclencher , c'est une série
de combats localisés de faible intensité, où les caméras de télévision
constitueraient l'arme décisive. Les forces palestiniennes donneraient l'assaut
à des implantations juives, tenteraient d'occuper des bases de Tsahal et de
faire prisonniers quelques soldats israéliens... Les israéliens ne pourraient
pas riposter à grande échelle sans mettre en danger la population civile
palestinienne et encourir la réprobation internationale..."
Au
bout de quelques jours, l'Onu, les Etats-Unis, l'Union européenne, exerceraient
des pressions telles qu'Israël serait contraint d'accepter un cessez-le-feu à
chaud, impliquant de facto l'abandon des accords d'Oslo. Israël se retrouverait
sans les territoires et sans la paix.
Je le répète, cette analyse a été publiée le 21 juillet dernier. Comme vous le
voyez, le scénario se réalise en ce moment sous nos yeux, point par point. La
guerre médiatique a d'ores et déjà été gagnée par les Palestiniens.
L'humiliation publique d'Israël, ou ce que le monde arabe, dans sa simplicité,
tient pour telle, a déjà eu lieu, à travers le saccage
du Tombeau de Joseph à Naplouse. Des soldats israéliens, à la frontière
libanaise, ont été enlevés par les alliés libanais d'Arafat, le Hezbollah
khomeiniste. Quant au diktat international contre Israël, nous le voyons
prendre forme à travers les nouvelles résolutions du Conseil de sécurité de
l'Onu.
Mais Arafat a commis deux fautes de calcul au moins. D'abord , il a sous-estimé
le choc politique sans précédent que cette guerre provoque en Israël. Depuis la
visite d'Anouar el-Sadate, en 1977, une bonne partie de l'opinion israélienne
croyait à "la paix maintenant" - Shalom A'khshav - et se persuadait
que tout pouvait être réglé du jour au lendemain à
travers des concessions territoriales et la création d'un Etat palestinien.
La guerre qu'Arafat vient de déclencher ramène le pays vingt-trois ans en
arrière : c'est à nouveau la dure logique de la guerre et de la maîtrise
stratégique qui s'impose. "On n'a pas le choix! Ein breira !" Et le peuple israélien, qui paraissait hier
si divisé, entre gauche et droite, entre religieux et laïque, est en train de
reconstituer son unité.
Ensuite, Arafat est allé trop loin en incitant les Arabes israéliens à la
révolte. Une partie d'Israël flirtait avec le rêve d'une société
multiculturelle et multiethnique, d'un pays post-sioniste et sécularisé où la
référence au judaïsme serait effacée. Myriam Ben-Porath, une ancienne juge à la
Cour suprême, proposait voici quelques semaines de changer les
paroles de l'hymne national, la Hatikvah, pour tenir compte des sensibilités arabes.
D'autres hommes politiques de gauche envisageaient de retirer l'étoile de David
du drapeau, ou d'y ajouter le croissant.
Les événements actuels ont anéanti cette vision : les émeutes de Cisjordanie
ont été "dupliquées" dans la
plupart des localités arabes israéliennes. En Galilée, aux abords de Haifa, des
commandos ont ouvert le feu sur des véhicules juifs. Et les onze députés arabes
nationalistes de la Knesset ont soutenu ouvertement leurs "frères
palestiniens".
Désormais, les Israéliens savent que le conflit ne s'arrêtera pas avec une
indépendance de la Cisijordanie et de Gaza, ni même avec l'abandon de
Jérusalem. Ils savent que c'est à nouveau et toujours leur Etat, dans son
périmètre de 1948, qui est menacé. Ils savent qu'on les accule à une seconde
guerre d'indépendance.
Que l'Eternel, face au Moloch, donne à Son peuple la force et le courage!