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MÊME LE ROI SALOMON A TROQUÉ DES TERRITOIRES

  

Article d'Allouf Ben et Yossi Verter de Ha'Aretz        

Traduit et édité par Courrier international - n° 756 - 28 avr. 2005

 

Il faut sortir de Gaza mais pas au prix de l’unité nationale. Car “les Arabes sont hostiles et dangereux”, déclare Ariel Sharon au quotidien Ha’Aretz.     

Le Premier ministre affirme lire la Bible presque tous les jours. “J’en ai une sur mon bureau et je la consulte souvent entre deux rendez-vous.” Ce qui est remarquable, c’est que, de toutes les figures bibliques, il ne mentionne ni les guerriers, ni les héros, ni les conquérants, mais plutôt le roi Salomon, le bâtisseur du Temple et sous le règne duquel le pays vécut en paix, après les longues années agitées de son père, le roi David. “Je lis Josué, les Juges et les Rois et j’y trouve un certain réconfort en me rappelant que Salomon a vendu vingt villes en échange de cèdres phéniciens pour la construction du Temple”, souligne le Premier ministre, histoire sans doute de rappeler que son illustre prédécesseur fut lui aussi prêt à renoncer à des portions de la terre d’Israël.
Dans le Livre des Rois, chapitre IX, il est également écrit comment, après vingt années de travaux de construction du Temple et du palais royal, Salomon donna “vingt villes du pays de Galilée” à son allié et ami Hiram, le roi de Tyr, qui l’avait fourni en cèdres du mont Liban pour participer à la construction du temple de Jérusalem. Mais le prince phénicien ne se montra pourtant pas impressionné. “Et Hiram quitta sa ville de Tyr pour visiter les villes que Salomon lui avait cédées. Et il ne s’en montra pas satisfait. Et il demanda : ‘Quelles sont ces villes que tu m’aurais cédées, ô frère ?’” Cette citation de la Bible semble presque évoquer l’Autorité palestinienne, dont les dirigeants ne se montrent pas outre mesure emballés à l’idée de recevoir les territoires que Sharon leur cède dans la bande de Gaza.
En cette période de Pâque, Sharon tente de trouver un terrain d’entente avec les colons et parle de la nécessité d’aplanir les différends qui déchirent le peuple d’Israël. “Je veux que le désengagement se déroule le plus pacifiquement possible.” Son soutien à l’exigence des colons du Goush Katif de se réimplanter massivement et collectivement autour de Nitzanim [une région agricole entre Ashdod et Ashkelon] répondent à ce souci de ne pas s’aliéner les colons. “Je me soucie surtout de préserver l’unité nationale, une unité nécessaire à l’accomplissement d’autres missions nationales telles que la colonisation de peuplement [juif] en Galilée [à majorité arabe], dans le Néguev et autour de Jérusalem.”
“En 1967, nous avions un rêve et nous ne l’avons réalisé que partiellement. Mais comment ne pas voir les succès inimaginables engrangés en quarante ans ? Serions-nous à Hébron et dans le Caveau des Patriarches sans la volonté d’Igal Allon [ancien dirigeant travailliste proche de Shimon Pérès] de créer une ville à Kiryat-Arba ? Comment ne pas voir que, grâce au tracé de la Clôture [le mur de séparation], le tombeau de Rachel [à Bethléem], Maaleh Adoumim et Ariel sont à nous ?”
Que se passera-t-il après le désengagement [le retrait israélien de Gaza] ? Sharon se montre prudent, voire pessimiste. “Les Arabes sont hostiles et dangereux. Il faudra encore de nombreuses années avant que le conflit soit résolu. La paix qui prévaut avec l’Egypte et la Jordanie n’est qu’une paix entre dirigeants. Leurs peuples nous rejettent. En Egypte, les milieux universitaires et syndicaux ne veulent pas de nous. Malgré un traité de paix signé voici vingt-six ans, vous ne trouverez de carte d’Israël dans aucune école égyptienne. Idem en Jordanie. Nos relations sont de l’ordre de la coopération stratégique, et vous ne trouverez pourtant Israël sur aucune carte jordanienne. Le problème fondamental, c’est que les Arabes ne sont pas prêts à reconnaître le droit du peuple juif à disposer d’un Etat indépendant dans un pays qui est le berceau du peuple juif.”
Sharon avoue tenir sa vision politique de ses parents. “Enfant, je leur demandai un jour ce qui se passerait si les Juifs ne devenaient pas une majorité ici. Et mes parents me répondirent de ne pas m’embrouiller avec ça, et de simplement me rappeler que seuls les Juifs ont tous les droits sur ce pays et eux seuls ont le droit d’accorder des droits à quiconque vit dans ce pays. Le tout est de bien distinguer ‘sur ce pays’ et ‘dans ce pays’.” Et le jeune Sharon semble avoir bien assimilé la leçon. Dans chacun de ses discours, il se garde bien d’évoquer le moindre droit des Palestiniens au moindre arpent de terre. S’il évoque l’intérêt d’Israël à voir la création d’un Etat palestinien, ce n’est que par un pragmatisme fondé sur sa découverte récente d’une menace démographique dont la prise en compte a déterminé le tracé de la clôture de séparation. “C’était ça ou se préparer à voir des centaines de milliers de Palestiniens devenir des Arabes israéliens. J’ai dû admettre qu’il n’est tout simplement pas possible de dominer durablement ces zones densément peuplées sans que leurs habitants ne revendiquent des droits.”
Que fera Sharon lorsque, après le désengagement de Gaza, la pression internationale s’intensifiera en faveur d’un large retrait de Cisjordanie ? Maintiendra-t-il son exigence que “les Palestiniens se transforment en Finlandais” ? “Grâce à George Bush, nous avons les reins solides face aux Palestiniens.” Quelles seront les frontières d’Israël ? Sharon ne répond pas explicitement, même s’il réfute l’idée selon laquelle le tracé de la clôture de séparation préfigure les frontières futures d’Israël et les limites de nos revendications territoriales en Cisjordanie. “Certes, les temps changent, mais il est une réalité qui, elle, ne change pas : Israël reste un petit pays dépourvu de profondeur stratégique. Qu’il y ait eu des élections en Irak et que nos relations avec la dynastie hachémite [de Jordanie] soient bonnes ne change rien à l’affaire. Nous devons conserver la vallée du Jourdain et les plateaux qui la surplombent. Car le Moyen-Orient ne risque pas de changer en un jour.”