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SHARON PARVIENDRA-T-IL À SES FINS ?

mais souvenez-vous…

 

Par Emmanuel Navon, professeur de Sciences Politiques à l'Université de Tel Aviv -

Efrat le 26/12/05

 

Ariel Sharon est entré en politique en 1973 parce que la caste du Mapaï ne voulait pas de lui comme chef d'état-major.  Bien qu'il ait pris sa carte au parti et que Ben-Gourion l'appréciait, sa réputation était faite: il avait fait trop de bavures, avait passé outre trop d'ordres, et avait trop menti à ses supérieurs.  Mais Sharon ne s'arrête jamais face à un obstacle. Jamais. L'armée n'ayant pas voulu de lui comme chef d'état-major, il décida d'entrer en politique pour devenir Ministre de la Défense.  Mais comment arriver à ce poste alors même que le Mapaï ne voulait pas de lui et que la droite était trop divisée et trop faible pour conquérir le pouvoir?  Il décida donc de créer une union des partis de droite et des libéraux, une initiative que tous les commentateurs politiques de l'époque qualifièrent de ridicule et de naïve. Ménahem Bégin proposa à Sharon de joindre la liste du Hérout, mais celui-ci refusa: ce qui l'intéressait n'était pas de joindre un parti de droite, mais de créer une force politique capable de le propulser au poste de Ministre de la Défense. 

 

Sharon finit par convaincre le Hérout et les libéraux de créer une liste commune aux élections qui devaient se tenir en octobre 1973: ce fut la naissance du Likoud, mais il ne s'agissait pas encore d'un parti uni.  Le Likoud n'était qu'une fédération de partis indépendants.  Les élections furent repoussées à cause de la Guerre de Kippour.  Sharon émergea de la guerre comme un héros national, et ce n'est pas un hasard si ses supérieurs firent tout pour retarder sa traversée du Canal de Suez.  Comme le dit Moshé Dayan: "Si Sharon traverse le Canal, il ira droit au Caire…et au Likoud."  Aux élections de décembre 1973, le Likoud ne réussit pas à renverser le Mapaï et Sharon décida de quitter la formation qu'il avait lui-même créée pour devenir le conseiller d'Yitzhak Rabin. 

 

À la veille des élections de 1977, Sharon décida de former son propre parti, Shlomzion.  Un parti centriste sans idéologie, mais capable de gagner suffisamment de mandats pour renverser le Mapaï sans avoir à s'encombrer du Likoud que Sharon jugeait incapable de lui délivrer le pouvoir.  Sharon fit appel à des personnalités de droite comme de gauche pour se joindre à lui, dont Yossi Sarid.  Son seul et unique but était de devenir Ministre de la Défense, puis Premier Ministre.  Le scénario de Kadima n'a donc rien de nouveau.  Les sondages lui promettaient une victoire capable de le propulser au centre de la vie politique.  Il fit serment de ne jamais revenir au Likoud.  Mais voilà qu'à l'approche des élections, Shlomzion s'effondra dans les sondages, en particulier à cause de la formation d'un autre parti centriste, Dash, qui s'attira les voix du centre et des déçus du Mapaï, au détriment de Shlomzion.  La liste de Sharon obtint deux députés, et il revint au Likoud la queue entre les jambes, en dépit de ses promesses électorales. 

 

C'est alors que le chef de file des libéraux, Simha Erlich, écrit à propos de Sharon: "C'est un danger pour la démocratie et la société libre.  Cet homme n'a ni principes, ni sentiments humains, ni normes morales".  Et c'est Ehoud Olmert qui déclare dans Yédiot Aharonot le 20 août 1999: "S'il y a homme qui symbolise, tout au long de sa carrière, le manque de fidélité –c'est Sharon".

 

Sharon apprit une leçon importante de la Guerre du Liban: on ne peut rien faire en Israël sans le Parti travailliste.  C'est pourquoi il a toujours soutenu, depuis, la constitution de gouvernements d'union entre le Likoud et les Travaillistes.  Au diable l'idéologie et les principes.  La fin justifie les moyens, tous les moyens.

 

La création de Kadima est du pur Sharon.  Il a décidé de déterminer les frontières d'Israël avec Shimon Pérès et c'est sans scrupules qu'il a mis le feu au Likoud et ébranlé la démocratie israélienne.  En achetant les opportunistes et les "loosers", et en offrant un refuge aux truands, il a attiré beaucoup de mouches, et il parviendra sans doute à constituer un gouvernement avec le Parti travailliste –d'autant plus que les médias continueront de lui servir de chiens de garde tant qu'il persévérera dans cette voie.  C'est pourquoi il réussira sans doute son pari politique, à moins d'un handicap physique, ce qui ne peut que faire trembler ceux qui connaissent son passé et l'opportunisme de son entourage.  

 

 

Nota de www.nuitdorient.com

Cet article est donné à titre d'information et ne reflète pas forcément l'opinion du site. Néanmoins, il y a lieu de rappeler qu'un parti du Centre ne dure jamais longtemps en Israël et que, dans le cas de Kadima, il est formé autour d'un homme qui n'est plus très jeune et qui vient d'avoir plus d'une alerte sur le plan de la santé. Qu'adviendra-t-il de ce parti éphémère et de l'échiquier politique le jour où le principal protagoniste n'aura plus les moyens de diriger? Israël sera mis une fois de plus dans une situation difficile à gérer, devant des ennemis implacables. N'oublions pas que l'organisation terroriste Al Qaeda se rapproche d'autant plus d'Israël qu'elle recule ailleurs, notamment en Irak. Elle est signalée au Sinaï, à Gaza et au Liban du Sud.   

 

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