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L'ENNEMI INTERIEUR
D'ISRAËL
par Daniel Pipes
New York Sun -19 décembre 2006
Version
originale anglaise: Israel's
Domestic Enemy
Adaptation
française: Alain Jean-Mairet
Après bientôt 60
ans passés sur la touche, le troisième et dernier ennemi d'Israël pourrait bien
se jeter à son tour dans la bataille.
Les
États étrangers sont le Premier Ennemi d'Israël. À la déclaration d'indépendance israélienne, en mai 1948,
cinq armées étrangères envahirent Israël. Tous les conflits majeurs qui
suivirent – en 1956, 1967, 1970 et 1973 – mirent aux prises Israël avec des
troupes et des forces aériennes et marines voisines. Aujourd'hui, la pire
menace vient d'armes de destruction massive situées en Iran et en Syrie. Et l'Égypte, de plus en plus,
représente un danger d'affrontement conventionnel.
Les
Palestiniens de l'extérieur sont le Deuxième Ennemi. Restés dans l'ombre durant deux
décennies après 1948, ils arrivèrent au premier plan avec Yasser Arafat et
l'Organisation de libération de la Palestine. La guerre du Liban de 1982 et les
accords d'Oslo de 1993 confirmèrent leur importance centrale. Les Palestiniens
externes restent actifs et menaçants à l'heure actuelle – avec le terrorisme,
les tirs de missiles sur Sdérot et une campagne de relations publiques axée sur
le rejectionnisme.
Les
citoyens musulmans d'Israël, qualifiés usuellement d'Arabes israéliens,
composent le Troisième Ennemi
(mais je me concentre plutôt sur les Musulmans, et non sur les Arabes, car les
Chrétiens et les Druzes arabophones sont généralement moins hostiles).
Au départ, les
Musulmans israéliens n'avaient guère d'influence – en 1949, ils constituaient
une population de
111.000 résidents, soit 9% de la population d'Israël. Puis leur nombre décupla
pour atteindre 1.141.000 en 2005, soit 16% de la population actuelle. Au-delà
des chiffres, ils ont su tirer le meilleur parti possible de la société israélienne moderne et
ouverte pour passer de l'état de population docile et sans
dirigeants à celui d'une communauté énergique et autoritaire, avec parmi
ses leaders
le vice-maire de Tel-Aviv, Rifaat Rurk, un ambassadeur, Ali Yahya, des membres
du Parlement, des universitaires et des chefs d'entreprise.
Cette ascension
ainsi que d'autres facteurs – la guerre du premier et du deuxième ennemi contre
Israël, la multiplication des liens avec la Cisjordanie, la montée en puissance
de l'Islam radical, la guerre du Liban en été 2006 –, incitèrent les Musulmans
à rejeter l'identité israélienne et à se tourner
contre l'État. Leur enthousiasme manifeste pour les pires ennemis d'Israël
en témoigne éloquemment, de même que l'aggravation des actes de violence de
Musulmans contre des Juifs en Israël. Pour ne compter que les événements de ce
mois, les Musulmans ont pillé une école
religieuse juive à Acre et presque tué un
agriculteur de la vallée de Jezreel. Un adolescent a été arrêté pour avoir
préparé un attentat
suicide contre un hôtel de Nazareth.
Cette hostilité
a été codifiée dans un document impressionnant publié au début décembre et
intitulé The
Future Vision of Palestinian Arabs in Israel (Vision de l'avenir des
Arabes palestiniens en Israël). Produit par le Centre Mossawa de Haïfa – lequel
est en partie financé
par des Juifs américains – et appuyé par de nombreuses personnalités
établies, il exprime un extrémisme susceptible de
marquer un réel tournant pour les Musulmans israéliens. Le papier
rejette la nature juive d'Israël, insiste pour que le pays devienne un État
binational au sein duquel la culture et le pouvoir palestiniens jouissent d'une
égalité parfaite.
La notion de
«patrie commune» avancée par le document prévoit la détermination de secteurs
juifs et arabes dirigeant leurs propres affaires séparément et bénéficiant d'un
droit de veto sur certaines décisions de l'autre partie. Cette Vision
d'avenir exige des adaptations du drapeau national et de l'hymne
patriotique, l'annulation de la Loi
du retour de 1950 qui accorde automatiquement la nationalité israélienne à
tous les Juifs et la promulgation de la langue arabe à un statut d'égalité avec
celui de l'hébreu. Elle aspire également à instaurer des représentations arabes
séparées au sein des organes internationaux. Au fond, l'étude souhaite mettre
un terme au projet sioniste de création d'un État juif souverain.
Comme c'était à prévoir, les Israéliens
juifs ont réagi négativement. Dans Ma‘ariv, Dan
Margalit qualifia les Arabes israéliens d'«impossibles». Dans Ha'aretz,
Avraham Tal
interpréta ces exigences scandaleuses comme une manière de perpétuer sciemment
le conflit même si Israël devait parvenir à régler les affrontements externes.
Le vice-premier
ministre israélien, Avigdor
Lieberman, rejette totalement les prémisses mêmes du document. «Quelle
logique y a-t-il», demanda Lieberman au New York Sun, à créer «un pays et demi
pour les Palestiniens» (allusion au fait que l'Autorité palestinienne doit
devenir un État à part entière) et «un demi-pays pour le peuple juif?»
Lieberman
souhaite réserver la citoyenneté israélienne aux résidents disposés à signer
une déclaration de loyauté envers le drapeau et l'hymne nationaux israéliens et
à y accomplir un service militaire ou équivalent. Ceux qui refusent de signer –
qu'ils soient musulmans, d'extrême-gauche,
haredi ou autres – peuvent
rester des résidents permanents, avec tous les avantages que cela implique,
même le droit de voter et d'être élu au plan local (un privilège dont jouissent
actuellement les résidents
arabes non-citoyens de Jérusalem). Mais ils ne pourraient ni voter ni être
élus au niveau national.
Les propositions
diamétralement opposées de la Vision d'avenir des Arabes israéliens et
de Lieberman laissent présager un long processus de négociation permettant de
mettre en lumière un thème trop longtemps marginalisé. Les Israéliens font face
à un choix cruellement simple entre trois alternatives: soit les Israéliens juifs renoncent au Sionisme; ou les
Israéliens musulmans acceptent le Sionisme; ou les Israéliens musulmans ne
resteront pas israéliens bien longtemps. Plus tôt les Israéliens
résoudront cette question, mieux cela vaudra.