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ISRAËL FACE À LA DÉRIVE ISLAMISTE

Robert Wistrich, (Robert Wistrich, professeur d'histoire moderne à l'Université
hébraïque de Jérusalem, est l'auteur de nombreux ouvragesdont "Hitler and the Holoucaust" [Weidenfeld, Londres] et"Nietzsche: Godfather of Fascism?"
[Princeton University Press])

 
Le Figaro, 17 septembre 2002


Une année après l'assaut meurtrier contre les tours jumelles de New York, les médias occidentaux font toujours preuve d'une grande réticence pour parler de l'antisémitisme musulman.

Cette réticence est encore plus étonnante eu égard au flot continu d'images virulentes qui s'étend du Maroc jusqu'aux pays du Golfe où les juifs sont présentés comme une force maligne -- comme agresseurs, usurpateurs, pécheurs, occupants, corrupteurs, infidèles et barbares. Selon les dirigeants arabes comme le président Assad de Syrie, Israël et les juifs sont « plus racistes que les nazis » ; et pour Saddam Hussein, « l'entité sioniste n'est qu'une pieuvre ou un cancer mortel qu'il faut éradiquer totalement ». Le même discours est tenu par l'actuel dirigeant de la République islamique d'Iran, Ali Khameini qui, en plus, n'hésite pas à soutenir une contrevérité historique, à savoir que les sionistes ont beaucoup exagéré l'ampleur de la Shoah.

On peut affirmer désormais que, pour la plupart de ces dirigeants arabes (sans parler de la « rue » arabe), il n'y a plus de différence réelle entre juifs et sionistes. L'idéologie antisémite arabomusulmane a sa propre logique au-delà du conflit territorial avec Israël. On ne doit pas la réduire à la propagande gouvernementale ni à l'instrumentalisation des stéréotypes importés de l'Occident. Les clichés qui ont caractérisé l'antisémitisme européen depuis les débuts du XXe siècle sont remontés à la surface, cette fois travestis dans une rhétorique islamiste.

II y a quelque mois seulement, les Protocoles des sages de Sion ont fait l'objet d'une série de trente épisodes pour la télévision arabe, réalisée en Égypte, avec un budget de plusieurs millions de dollars. Quatre cents interprètes y ont participé. Dans les bandes dessinées arabes, la diabolisation d'Israël et des juifs prend toute son ampleur. Ils sont présentés comme un peuple odieux, qu'il faut craindre et éliminer.

Visuellement, on représente le juif comme un homme courbé, au teint basané avec un long nez crochu et un aspect répugnant. Le judaïsme lui-même est dépeint comme une religion sinistre et immorale, fondée sur des cabales et des rites sanglants. Le but poursuivi ne vise pas seulement la délégitimation de l'État d'Israël, mais aussi la déshumanisation des juifs et du judaïsme. II s'agit d'un antisémitisme brutal qui va au-delà de la manipulation politique et devient un instrument puissant d'intoxication des esprits et d'incitation à la terreur et à la violence.

II y a un an, pendant la mal nommée « Conférence contre le racisme » à Durban, cette intoxication avait provoqué une orgie de haine contre Israël qui se trouvait accusé de génocide contre le peuple palestinien, de « purification ethnique », d'apartheid et d'être un « État raciste ». Le débat prévu sur l'antisémitisme fut supprimé, au profit d'une formule à la fois surréaliste et délirante qui élevait « les pratiques sionistes contre le sémitisme » au rang de d'expression majeure du racisme contemporain dans une inversion de la vérité digne des anticipations orwelliennes. Très symboliquement, un tract affiché au Palais des expositions de Durban présentait un portrait d'Adolphe Hitler avec la légende : « Si j'avais gagné la guerre, il n'y aurait pas eu...de sang palestinien versé. »

L'attaque terroriste contre le World Trade Center s'est produite trois jours seulement après ce déferlement de haine. La cible des terroristes islamiques, comme pour les délégués de Durban a été à la fois l'Amérique et l'Occident et aussi Israël et le peuple juif. A leurs yeux Wall Street et la ville de New York incarnaient non seulement le capitalisme financier et « les pouvoirs anonymes » de la globalisation mais aussi la pieuvre géante du judaïsme cosmopolite dont le dessein serait de corrompre et détruire L'Islam !

Il y a là des analogies saisissantes avec le nazisme allemand. Les islamistes ont, comme leurs prédécesseurs d'il y a soixante ans, consciemment opté pour un culte de la mort. Ils ont transformé le motif du sacrifice et du martyre en quelque chose d'urgent, d'élémentaire, de pseudo-religieux, voire de mystique. Le fascisme islamiste comprend en effet la même aspiration totalitaire et pseudo-messianique à l'hégémonie mondiale que le nazisme allemand ou que le communisme soviétique. On ne peut pas séparer la guerre terroriste menée actuellement contre Israël et l'Occident de ses racines idéologiques dans le Djihad et des obsessions antijuives au sein du monde arabo-musulman. Ce n'est pas un petit détail de l'histoire ! II suffit de rappeler la joie avec laquelle les attaques meurtrières du 11 septembre contre les États-Unis furent accueillies dans le monde arabo-musulman, y compris dans les territoires sous l'Autorité palestinienne. Peu de temps après le massacre de Manhattan, le Mufti de Jérusalem appela ouvertement à la destruction d'Israël, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. « Ô Allah, détruis l'Amérique, car elle est dirigée par les juifs sionistes... Allah peindra la Maison-Blanche en noir ! »

Malheureusement, l'actuelle vague d'attentats suicides musulmans, le terrorisme et l'antisémitisme (sous le masque « antisioniste ») semblent jouir d'un écho très favorable auprès des Palestiniens et d'un nombre toujours croissant d'Arabes et de musulmans. Le sommet du paroxysme antisémite est atteint quand tant de responsables arabomusulmans (pour ne pas parler des pourcentages très élevés des populations au Moyen-Orient) ont pu fermement imputer les attaques terroristes contre l'Amérique au Mossad israélien.

La théorie du complot juif a pignon sur rue chez les musulmans dans les pays occidentaux, y compris la France. Une partie des immigrés est influencée par la propagande antisémite de leurs pays d'origine. Leurs sentiments de haine ont été exacerbés par les images sans cesse véhiculées par les médias arabes et européens sur les événements du Proche-Orient et par un discours massivement critique à l'encontre d'Israël. Dans cette atmosphère extrêmement passionnelle on a entendu des cris « Mort aux juifs ! » dans les rues de Paris pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Durant de longs mois, pourtant, on n'a pas voulu parler de ces nouvelles formes d'antisémitisme et même aujourd'hui il y a encore des personnes qui font tout pour banaliser ces faits.

Les leçons qu'il faut tirer du cataclysme du 11 septembre sont sans doute nombreuses. Mais il est sûrement temps de prendre au sérieux et de lutter contre le nouveau fascisme islamiste, un mélange vraiment explosif d'"anti-occidentalisme", de fanatisme idéologique et de haine brutale contre les juifs qui sous-tend une partie de la pensée musulmane contemporaine. Cette dérive islamiste est en réalité une déformation tragique des enseignements du Coran dont les valeurs universelles sont bafouées par ceux-là mêmes qui prétendent parler au nom d'Allah.



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