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Scandale de l’UNRWA : Quelle Suite ?

Par Einat Wilf et Adi Schwartz, citoyens israéliens engages à gauche, ancienne députée à la Knesset et journaliste politique respectivement.

15/08/19

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Un rapport accablant sur l’UNRWA, alléguant des cas « d’inconduite sexuelle, de népotisme, d’intimidation, de discrimination et d’autres abus d’autorité à des fins personnelles » découverts chez ses cadres supérieurs, commissaire général Pierre Krähenbühl inclus, a conduit les gouvernements suisse, hollandais et belge à suspendre leurs versements annuels à cette agence onusienne, à tout le moins jusqu’à ce que des explications satisfaisantes à ces cas aient été fournies.

Quoi que peu édifiante, cette affaire masque la corruption généralisée qui caractérise le fonctionnement de l’UNRWA : Quand bien mêmecas peu probable – la totalité des cadres étrangers de l’UNRWA serait remplacée par des bureaucrates irréprochables, et qu’un nouveau commissaire général se comporte décemment, sans profiter des fonds versés par les contribuables européens pour parcourir le monde en avion avec sa maîtresse, l’organisation dans sa totalité resterait profondément corrompue par sa nature et des pratiques qu’il est impossible de réformer.

L’UNRWA n’est pas née corrompue. Cette agence de l’ONU a été créée après la première guerre arabo-israélienne de 1948, dans un louable effort d’assistance aux réfugiés arabes de ce conflit, pour la reconstruction de leurs vies dans de nouveaux environnements sur la rive occidentale de Jourdain annexée par la Jordanie, à Gaza sous occupation militaire égyptienne, ou encore en Jordanie, au Liban ou en Syrie.

Après quelques années seulement, il devint évident que réfugiés palestiniens et pays-hôtes arabes freinaient ce processus d’intégration locale en mettant sur sa route toutes sortes d’obstacles possibles. La position palestinienne, soutenue par l’ensemble des pays arabes, était que l’indépendance qu’Israël avait conquise au terme de la guerre était inacceptable et qu’elle devait être annulée et comprendre en particulier le retour total et inconditionnel de tous les réfugiés arabes ; une exigence de cette nature n’a à ce jour jamais été formulée par aucun pays à l’issue d’une guerre.

Les pays arabes et les palestiniens entreprirent alors les préparatifs d’un nouveau conflit susceptible de modifier l’issue de la première guerre. Ils cooptèrent l’UNRWA en tant qu’élément actif de ce conflit total, et profitèrent d’une lacune juridique permettant à l’UNRWA de fonctionner indépendamment du Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et de son mode d’action. Ils transformèrent l’UNRWA en une organisation palestinienne inféodée à la cause palestinienne usant de pratiques profondément corrompues, en infraction avec les standards internationaux. On assista en conséquence à une inflation spectaculaire du nombre de palestiniens enregistrés par l’UNRWA comme réfugiés, et à la légitimation du « droit de retour » en Israël fondé sur la croyance erronée que ce droit l’emportait sur le droit de souveraineté d’Israël.
 
La pratique corruptrice de l’UNRWA consiste à enregistrer des palestiniens comme réfugiés quand bien même ils ne le sont pas selon la norme internationale. Par exemple, ceux d’entre eux qui sont devenus citoyens de Jordanie, qui les a naturalisés, ou d’autres pays, restent des réfugiés de l’UNRWA, alors que, selon la norme internationale, le statut de réfugié d’une personne prend fin dès qu’elle reçoit la citoyenneté d’un autre pays. Il y a probablement aujourd’hui encore des citoyens suisses, hollandais ou belges qui restent enregistrés par l’UNRWA comme « réfugiés ». De plus, tout descendant de réfugié est automatiquement et sans nuance enregistré comme réfugié, en totale dérogation de la pratique internationale.
 
L’UNRWA refuse d’aborder toute autre solution du problème des réfugiés palestiniens que leur « retour » dans l’état souverain d’Israël. Sa direction prétend – à tort – que son mandat, pourtant assez largement décrit, ne lui permet pas de travailler à d’autres solutions. Ceci est faux, et contraire à la pratique internationale reconnue, selon laquelle l’intégration locale et la relocalisation dans de nouveaux pays sont considérées comme des voies légitimes et justes permettant de mettre fin à un statut de réfugié.
 
Il résulte du gonflement abusif du nombre de réfugiés par l’UNRWA qu’il y a aujourd’hui plus de 5.5 millions de palestiniens enregistrés comme réfugiés, chiffre à comparer aux quelque sept cent mille individus déracinés à l’issue de la guerre de 1948, il y a 70 ans ! Cette situation sans précédent ni parallèle dans le monde ne se serait jamais produite si le problème des réfugiés palestiniens avait été traité selon les principes et pratiques internationales qui régissent le sort des réfugiés partout ailleurs dans le monde.
 
Les procédés corrupteurs de l’UNRWA sapent et contredisent la politique officielle des pays européens, qui promeuvent la paix et financent la mise en place d’une solution « à deux états ». Ils prolongent et légitiment le point de vue palestinien selon lequel la création d’un état d’Israël en tant qu’état souverain du peuple juif a été une aberration, qu’il importe de corriger en permettant le « retour » des réfugiés.
 
Aucune réforme n’est en mesure de mettre un terme à des procédés corrupteurs qui ont permis la croissance excessive de l’UNRWA. La seule voie est la suppression de cette agence. Les services dont elle est chargée en matière d’éducation et de santé publique doivent être placés sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne et des gouvernements arabes locaux.
 
Les récentes révélations sur les cadres supérieurs de l’UNRWA ne doivent pas égarer le contribuable européen : c’est l’existence même de l’UNRWA qui est mise en question. Les causes de la paix et des droits humains seront beaucoup mieux servies en absence de l’UNRWA, lorsque les palestiniens seront encouragés à se concentrer sur leur propre futur, plutôt qu’à faire indéfiniment dépendre leur sort d’une hypothétique victoire après tant de guerres perdues.
  

REFERENCE COMPLETE DES AUTEURS:
- Einat Wilf est un intellectuel de premier plan et un penseur original en matière de politique étrangère, d'économie, d'éducation, et du peuple juif. Elle a été membre du Parlement israélien de 2010 à 2013 au nom des partis travailliste et indépendant. M. Wilf est titulaire d'un baccalauréat en administration publique et en beaux-arts de l'Université Harvard, d'un MBA de l'INSEAD en France et d'un doctorat en science politique de l'Université de Cambridge.

 - Adi Schwartz est un journaliste israélien indépendant avec plus de 10 ans d'expérience dans les principaux médias israéliens et internationaux. Il se spécialise dans l'analyse approfondie, les interviews et les reportages sur le terrain, couvrant les affaires intérieures israéliennes, le conflit israélo-arabe, ainsi que les questions sociales, culturelles et historiques. Il a travaillé comme rédacteur en chef et rédacteur en chef pour Haaretz et a été l'envoyé spécial du journal à Bruxelles, Londres, Rome et en Amérique latine.