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L'OEIL DU CYCLONE OU LA QUERELLE DE LA FAMILLE "KHOMEYNISTE"

 

Par Amir Taheri, journaliste basé à Paris

Article paru dans le Jerusalem Post du 15 juin 2005

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com

 

Quand les bureaux de vote ouvriront pour l'élection présidentielle en Iran le 17 juin, la question-clé n'est pas "qui va gagner?", mais combien il y aura de votants. Comme cela est demandé par l'ensemble des groupes opposants, un boycott massif pourrait être perçu comme un vote de non confiance au régime "khomeyniste" actuel. Un taux de participation de 50%ou plus serait considéré comme respectable par le pouvoir actuel et prouverait que la bête n'est pas morte, contrairement aux prédictions annoncées depuis bientôt un quart de siècle. Certains observateurs ont déjà rejeté d'emblée cet exercice comme sans signification ou une simple diversion. Cependant cette élection reste importante, si on comprend sa nature et si on reconnaît ses limites.

Il est sûr que ce n'est pas une élection au sens normal du terme. Les 8 candidats ont été approuvés au préalable par l'état et le "Guide Suprême" leur a donné son aval; son aval est également nécessaire pour concrétiser un résultat final. Tous les candidats sont des employés du gouvernement, avec un long passé au service du régime, en tant que civils ou militaires. Cinq d'entre eux sont des officiers actifs ou de réserve de la Garde Révolutionnaire Islamique. Tous les huit se considèrent comme membres de la branche iranienne du H'ezbollah et sont dans la lignée idéologique de l'ayatollah Khomeyni.

En fait cette élection ressemble à une primaire américaine où les partis politiques choisissent chacun leur candidat à la présidence. Son seul intérêt est de révéler la force comparée des différentes tendances de l'establishment intégriste.

Dans ce sens et pour différentes raisons, l'élection est importante.

La raison la plus évidente, c'est qu'en acceptant le principe d'une élection, le régime qui se considère comme émanant de la Volonté Divine, reconnaît l'importance de la légitimité séculière, "le vice rendant hommage à la vertu".

Cet exercice permet aussi aux factions rivales qui briguent le pouvoir au sein du régime de se départager pacifiquement dans un simulacre "démocratique", au lieu de faire le choix par des purges sanglantes, comme celles qui qui avaient cours au début de l'ère khomeyniste.

Dans l'organisation actuelle du régime, les rouages de l'état, y compris la présidence, n'ont pas la même autorité que dans un pays réellement démocratique. Le pouvoir effectif dans cette République Islamique est entre les mains d'une oligarchie de militaires, d'ecclésiastiques, d'hommes d'affaires et de politiciens centrés autour du "Guide Suprême", Ali Husseini Khamenei. La présidence et les autres organes formels de l'état sont utilisés comme une façade qu'on peint et repeint pour tromper l'ennemi intérieur ou extérieur.

Le premier président de la République Islamique était un certain Aboul Hassan Bani Sadr qui a été démis par une fatwa de 9 mots par Khomeyni, le Guide Suprême à l'époque.

Quelques mois plus tard, le second président Mohamed Ali Rajai a explosé en pièces dans son bureau par les terroristes Moujahedin al Khalq.

Le 3ème président fut Khamenei, l'actuel Guide Suprême qu ia réussi à garder son job et sa vie pendant 8 années, surtout parce qu'il ne sait pas commettre d'impair en parlant. Le 4ème président Ali Akbar Hashemi Rafsanjani, a lui aussi accompli les 2 mandats de 4 ans, pendant que Khamenei consolidait sa position en tant que "Guide Suprême". Pendant toutes ces années, Khamenei n'était pas assez puissant pour marginaliser Rafsanjani qui avait réussi à construire un réseau d'alliés politiques et de partenaires d'affaires. Le 5ème président, Mohamed Khatami, dont le mandat arrive à expiration, a été le témoin de la montée en puissance de Khamenei entre 1997 et 2005. Khatami laisse une présidence diminuée que son successeur aura du mal à réhabiliter. Et cependant, c'est précisément Rafsanjani, le favori de l'élection, qui prétend redorer le blason de la fonction.

 

Beaucoup de responsables européens et quelques américains ont mis tous leurs espoirs dans un Rafsanjani, supposé modéré et pragmatique, pensant qu'il changerait la politique qui a mis le République Islamique en opposition frontale avec le monde extérieur, notamment les Etats-Unis.

Construire une politique iranienne sur une telle illusion est à la fois naïf et dangereux. Rafsanjani pourrait bien être un négociateur pragmatique, peut-être même qu'il voudrait éviter un choc frontal avec la plus grande puissance du globe. Mais a-t-il le pouvoir de le faire? La réponse est NON!

Élu, il dépendra d'une organisation contrôlée par les radicaux intégristes ayant des prétentions messianiques et qui voient comme étrangers des gens tels que Rafsanjani.

Dans le même temps, la majorité du peuple, qui ne s'identifie pas du tout avec le régime, n'a aucune raison de soutenir Rafsanjani dans cette querelle de famille khomeyniste. Le résultat pourrait bien être une nouvelle version du jeu que joue l'UE, appuyée aujourd'hui par l'administration Bush, depuis déjà 5 ans. Ce jeu s'appelle l'"engagement constructif". Ce jeu a empêché les démocraties d'avoir une politique cohérente vis à vis d'un régime qui ne fait pas mystère de ses ambitions régionales et même planétaires. L'élection de Rafsanjani pourrait être le signal que Khamenei et les autres décideurs de son entourage souhaitent continuer la stratégie du "on triche et on se retire" dont le but est de diviser l'Occident, tout en donnant à la République Islamique suffisamment de temps pour acquérir la capacité nucléaire dont elle a besoin pour être reconnue comme "puissance" ou "super puissance régionale". Si d'un autre côté, si l'un des protégés de Khamenei, Ali Larijani ou Mohamed Baqer Qalibaf émerge comme gagnant, cela signifierait que le Guide Suprême souhaite s'impliquer directement pour résoudre la problématique de la place future de l'Iran au Moyen Orient, tel que l'a redessiné l'Amérique. C'est aussi une des raisons de cet exercice bizarre présenté comme une élection. Cela vaut le coup de voir.

 

 

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