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L’Elimination de Qassem
Soleimani et ses Conséquences
Par Hélios d’Alexandrie
Dreuz.Info -- 04/01/2020
Mais l’opération ne fut pas juste un règlement de compte longtemps
dû, Souleimani et les gros bonnets terroristes
éliminés avec lui étaient certes responsables de la mort de plus de six cents
soldats et civils américains, principalement au Liban et en Irak ; cependant
l’objectif principal de l’opération était de faire échec au plan stratégique
des dirigeants iraniens.
Le dilemme des mollahs
Face aux sanctions étouffantes qui compromettent sérieusement
l’avenir de leur régime, les mollahs d’Iran se sont trouvés face à un choix
extrêmement difficile : battre en retraite, c’est-à-dire renoncer
définitivement à l’arme nucléaire et à leur impérialisme régional, ou bien
décupler leur effort de guerre en y engouffrant les maigres ressources de leur
économie délabrée ? Céder devant le Grand Satan, s’asseoir avec lui à la même
table pour échanger leur raison d’être contre la levée des sanctions leur
apparut inacceptable. Plus de quarante ans de tyrannie et d’investissement dans
le crime et l’oppression de leur peuple, s’envoleraient en fumée dès le moment
où ils accepteraient de négocier. D’autre part affronter directement la
première superpuissance économique et militaire de la planète est un pari plus
que risqué, ni la force militaire de l’Iran ni son économie ne sont de taille à
soutenir longtemps une guerre contre l’Amérique.
Un troisième choix s’est offert aux mollahs qui, espéraient-ils,
leur permettraient de passer entre les deux cornes du taureau, celle de la
reddition et celle du conflit armé avec les États-Unis. Ce troisième choix
c’est leur capacité de nuisance, ou plutôt leur habileté à jouer à la mouche de
la fable qui sait comment affoler le lion et le réduire à l’impuissance. Leur
calcul ne manquait pas de logique, ils savaient que le peuple américain est
plus que réticent face à une nouvelle guerre, Trump a
d’ailleurs promis de ne se laisser entraîner dans aucun nouveau conflit au
Moyen-Orient. Les Iraniens prirent donc pour acquis que les Américains ne
résisteraient pas longtemps face à des actes hostiles soigneusement dosés et
qui iraient en crescendo. Chaque acte isolé n’étant pas en lui-même suffisant
pour provoquer une guerre ouverte, mais suffisamment sérieuse pour amener les
Américains à réagir militairement. La multiplicité des actions iraniennes et
des réactions américaines devait avoir pour effet de susciter l’inquiétude et la
désapprobation des Américains, de mobiliser les pacifistes parmi eux et de
retourner l’opinion publique contre l’administration, au moment où celle-ci se
trouvera en pleine campagne électorale.
En somme la stratégie iranienne se résume à une série d’actions
tactique suscitant chez les Américains des réponses de même nature, des
réponses proportionnées, ne possédant aucune dimension stratégique, mais ayant
le potentiel d’épuiser leurs ressources et affecter leur moral, les amenant
graduellement à renoncer à leurs objectifs stratégiques et à se contenter d’une
solution au rabais.
À renard, renard et demi
Les mollahs, tout le monde le sait, sont passés maîtres en fait de
tromperies et de mauvaise foi, leur erreur fut de croire que Trump allait mordre à l’hameçon. Ils entreprirent comme
planifié des actions limitées, telles que le sabotage de pétroliers au départ
ou en route vers les terminaux de l’Arabie Saoudite. Ils y laissèrent des
indices probants de leur implication, l’objectif étant de provoquer une réaction
limitée de la part des Américains. Trump est resté de
marbre, d’aucuns critiquèrent son refus de réagir, l’accusant d’encourager les
mollahs par son attentisme. Les Iraniens s’évertuèrent à donner raison à ses
critiques, ils allèrent plus loin, ils abattirent un drone de surveillance US
volant à bonne distance de leur espace aérien. Trump
menaça les Iraniens de représailles mais s’abstint à la dernière minute de
bombarder une de leurs installations militaires, car pour lui la perte du drone
ne justifiait aucunement qu’une centaine de militaires iraniens perdent la vie.
Les mollahs n’obtinrent pas ce qu’ils voulaient, ce qui eut l’heur
de les frustrer et de les pousser à faire davantage. Dans une opération
spectaculaire menée à l’aide de drones offensifs et de missiles, ils
détruisirent une installation pétrolière saoudienne, réduisant de moitié le
brut exporté par le royaume des Saouds. Trump ne broncha pas, aux dirigeants saoudiens qui lui
demandaient de bombarder l’Iran en retour, il conseilla de le faire eux-mêmes :
les ressources américaines en hommes et en matériel ne devant servir qu’à
protéger les citoyens américains et défendre leurs intérêts. Trump se montra clair, il avertit les Iraniens de ne pas
s’en prendre à l’Amérique, c’est à dire à ses forces armées et ses
ressortissants où qu’ils se trouvent. En traçant cette ligne rouge, Trump a tendu un piège dans lequel les mollahs se
dépêchèrent de tomber.
Trump n’est peut-être pas
un Nemrod mais il sait attendre que la bête sorte du bois. C’est ce qu’il a
fait dans le cas du calife de l’État Islamique El Baghdadi.
Cependant ce dernier était réduit au statut de fugitif après avoir perdu la
totalité de son territoire, il vivotait tant bien que mal en Syrie, non loin de
la frontière turque ; en cas de danger imminent, il pouvait fuir et se réfugier
en Turquie. Sa mort, comme celle de Ben Laden n’est que l’exécution d’une
sentence pénale, elle relève de la justice criminelle et ne recèle qu’une
valeur stratégique limitée.
Dans les conflits le facteur temps revêt une importance majeure.
En imposant des sanctions économiques débilitantes, Trump
déclenchait le compte à rebours pour les mollahs, désormais le temps leur était
compté. Ces derniers de leur côté comptaient sur le calendrier électoral
américain, il leur fallait donc entraîner Trump dans
un conflit de basse intensité propre à susciter l’anxiété et le malaise chez
les électeurs. En évitant de répondre à leurs provocations, Trump
leur fit perdre un temps précieux au cours duquel ils épuisèrent graduellement
leurs ressources. Le manque d’argent les contraignit à augmenter le prix des
carburants, ce fut la goutte qui fit déborder le vase, le peuple iranien se
souleva entraînant une dislocation du front intérieur que seule une répression
brutale est parvenue à contenir, du moins en partie et temporairement.
Pressés par le temps, les mollahs se virent obligés de passer
outre la ligne rouge que Trump leur avait tracée, ils
s’attaquèrent aux intérêts américains en Irak, ils se servirent des milices
chiites irakiennes qu’ils avaient créées pour bombarder, à l’aide de missiles,
une base américaine non loin de Kirkuk. Un contractuel américain trouva la mort
et quatre soldats furent blessés. Fidèle à sa parole Trump
répliqua sévèrement, son aviation bombarda quatre bases irano-irakiennes, des
stocks d’armement s’envolèrent en fumée et deux douzaines de miliciens
pro-iraniens y trouvèrent la mort, dont quatre commandants locaux. Les mollahs
crurent avoir réussi, la réaction américaine bien que brutale ne les touchait pas
directement, ce sont leurs supplétifs irakiens qui accusèrent le coup,
décidément tirer les marrons du feu pour le maître iranien est un jeu fort
dangereux.
Le coup d’envoi était lancé et l’on se devait d’exploiter à fond
la nouvelle opportunité. Quoi de mieux qu’une action spectaculaire qui ne coûte
rien en apparence mais qui fera les manchettes dans les journaux télévisés ?
Sus à l’ambassade des États-Unis à Bagdad ! les chefs
miliciens pro-iraniens, qui ont monté le spectacle, ont reçu des ordres précis
du Général Souleimani, ce dernier savait que
l’ambassade américaine érigée en forteresse était bien défendue et que les
miliciens et les manifestants n’avaient aucune chance de la prendre d’assaut.
Qu’à cela ne tienne, il y aura du grabuge et de la violence, on mettra le feu à
un local hors de l’enceinte de l’ambassade et on graffitera les murs qui en
défendent l’entrée, pour bien humilier les États-Unis et provoquer de leur part
une réaction proportionnelle qui les fera mal paraître à travers les médias.
Les mollahs pris au piège de Trump
L’erreur de Souleimani et de Khamenei
fut de croire que Trump s’en tiendrait au scénario
qu’ils avaient écrit pour lui. Habitués à manipuler les chefs d’État
occidentaux, les Iraniens, tout à leur satisfaction d’avoir finalement réussi à
provoquer Trump, se laissèrent aller à savourer leur
succès. Le guide suprême Khamenei se moqua même des menaces non voilées de Trump, sa suffisance l’amena à tweeter que Trump peut bien menacer mais il ne pourra rien faire,
autrement dit ses menaces ne sont que du vent.
Tous les ennemis de Trump et tous ses
contempteurs, pour peu qu’ils soient raisonnables, savent qu’il ne parle pas
pour ne rien dire. Les menaces proférées par lui à l’endroit des mollahs, moins
de deux jours avant l’opération qui a mis fin à la carrière de Souleimani, avaient pour but d’ébranler après coup leurs
certitudes et affaiblir leur moral. N’ayant pas pris au sérieux ses menaces,
ils se retrouvent désarçonnés ; le mythe de leur invulnérabilité a volé en
éclat, leur stratégie a fait long feu. Leurs pétards tactiques leur ont valu
une défaite stratégique majeure en un temps où tout revers peut leur être
fatal.
Trump a fait d’une pierre
plusieurs coups, la bête est sortie du bois, elle s’est montrée à découvert
mais elle n’était pas seule. Abu Mahdi al Muhandess
le chef des milices irakiennes et l’ennemi numéro un des Américains en Irak se
trouvait à ses côtés, comme Naem Quassem
l’ennemi numéro deux des israéliens au Liban. Le tableau de chasse compte
d’autres figures, moins importantes mais néanmoins significatives : Souleimani savait s’entourer, son prestige attirait vers sa
personne des gens importants. Du coup les pasdarans perdent un commandant
expérimenté et charismatique, les milices pro-iraniennes leur chef dévoué corps
et âme à la cause des mollahs et le Hezbollah libanais le chef adjoint après
Hassan Nasrallah.
Cette opération n’aurait jamais eu lieu en l’absence de
renseignements détaillés et en temps réel sur le terrain. C’est dire que les
Américains et possiblement les Israéliens ont un ou plusieurs agents de
renseignement infiltré dans l’organisation de la milice chiite irakienne.
Quelqu’un a donné les gros bonnets du terrorisme chiite, les mollahs le savent
à présent et tout ce qu’ils planifieront au cours des prochaines semaines et
des prochains mois devra tenir compte de cette réalité.
Les conséquences stratégiques de
l’élimination de Souleimani
À présent que l’offensive est lancée, Trump
ne s’arrêtera pas en chemin. Le processus d’affaiblissement militaire des
mollahs a débuté et il se poursuivra aidé en cela par les opérations
israéliennes, qui de leur côté se poursuivent sans relâche depuis des années ;
elles ont d’ailleurs fortement contribué à la dégradation de la machine de
guerre iranienne. La bête est blessée et on peut être assuré que tout sera fait
pour qu’elle continue de perdre du sang.
Tout le monde parle de la riposte iranienne et plus d’un se perd
en conjectures sur ce que les pasdarans feront en termes de vengeance. L’Iran
n’a plus de stratégie, avec l’élimination de Souleimani
son plan stratégique s’est écroulé, il ne servira à rien de le remettre à
l’ordre du jour pour la raison que Trump l’a déjà
éventé et l’a même retourné contre les mollahs. Ces derniers possèdent des
drones, des missiles de croisière et des missiles de moyenne et de longue
portée, ils peuvent théoriquement les utiliser contre les bases américaines.
Outre que ces dernières sont protégées par des systèmes antimissiles, la
première salve lancée contre les Américains signera l’arrêt de mort du régime
des mollahs. Trump n’a pas besoin d’envahir l’Iran,
il lui suffira de détruire la machine de guerre iranienne et les usines
souterraines d’enrichissement de l’uranium. Il profitera de l’occasion pour
bombarder l’infrastructure sécuritaire des mollahs et leurs stocks d’armes ;
dépourvu de moyens leur appareil répressif ne résistera pas longtemps face à la
vindicte populaire.
Trump vient de réitérer
son offre de négociation, le changement de régime ne fait pas partie de ses
exigences, il n’a pas l’intention de tuer la vipère, il veut seulement lui
arracher les dents.
Mais une vipère édentée ne résistera pas longtemps face à ses
ennemis. Le peuple iranien n’attend que ce moment, j’ose espérer qu’il ne
tardera pas.