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L’ESCALADE A ETE DECIDEE PAR LE PARTI DE DIEU ET L’IRAN
Magnus Ranstorp, universitaire suédois, membre du Defense National College de Stockholm, éminent spécialiste du Hezbollah, qu’il suit depuis vingt ans.
Propos recueillis par Georges Malbrunot.
Magnus RANSTORP. – Une telle décision est prise
par son chef, Hassan Nasrallah, au sein de la choura
karar, la plus haute instance de décision du mouvement.
Celle-ci compte sept membres, dont deux Iraniens
attachés à l’ambassade d’Iran à Beyrouth, qui sont liés aux services de
renseignements de Téhéran.
À travers eux, l’Iran sait exactement ce que
fait le Hezbollah, surtout quand une décision à prendre dépasse les lignes
rouges habituelles, comme d’attaquer Israël hors des fermes de Chebaa (NDLR : occupées par l’État hébreu).
Dans ce cas, le Hezbollah consulte également les
Syriens, car un enlèvement de soldats israéliens a des implications pour la
sécurité de la Syrie.
Avec Damas, les consultations se font souvent
via l’agent de liaison Hassan Khalil, qui est en liaison avec les services de
renseignements militaires à Damas.
Ils passent par l’ambassade d’Iran à Beyrouth,
la plus importante hors d’Iran, et par le représentant personnel
du guide Ali Khameneï au Liban, cheikh Mohamed Yazbek.
Mais ce n’est pas tout. Imad
Moughnieh, qui fut responsable de certains
enlèvements d’Occidentaux dans les années 80 au Liban, joue également un rôle
très important.
Il fait la navette entre Téhéran et Beyrouth,
via l’aéroport de Damas, avant d’emprunter les routes militaires de la plaine
de la Bekaa. Moughnieh, toujours traqué par les
Américains, ne passe jamais par l’aéroport de Beyrouth.
Il est lié directement à Nasrallah,
qui a lui-même des liens personnels anciens avec les dirigeants iraniens.
À travers Moughnieh,
le Hezbollah et l’Iran se sont impliqués dans l’intifada
palestinienne depuis 2000. Moughnieh est notamment
chargé du recrutement d’étrangers pour des opérations de reconnaissance en
Israël ou ailleurs. Et à Beyrouth, le représentant du Hamas, Oussama Hamdane, est aussi un
pion essentiel dans l’implication iranienne en Palestine ; il était auparavant
le représentant du Hamas à Téhéran.
Soixante-dix personnes comptent au sein de la
direction des dignitaires religieux, des « militaires » et des technocrates.
Et vous avez aussi 80 Iraniens environ, des
conseillers militaires pour la plupart, très discrets.
Sur le terrain, le Hezbollah compte 75 zones
militaires dirigées par des commandants locaux.
Les plus importantes sont au sud face à Israël,
sous la responsabilité de Cheikh Nabil Kaouk. Elles
recrutent des jeunes chiites qui connaissent le terrain. Hezbollah a pris soin
d’atomiser ses bases pour échapper aux attaques israéliennes. Il ne dispose
plus de camps d’entraînements fixes et ses unités sont devenues très mobiles.
Dans son fief de la Bekaa, la plupart de ses
responsables militaires ont une couverture officielle, des commerçants par
exemple. Ils peuvent ainsi se noyer parmi la population.
Sont-ils obnubilés par leur sécurité ?
Ils ne font confiance à personne. Comme les Israéliens, le Hezbollah dispose de fiches sur beaucoup d’individus, afin de lutter contre les infiltrations.
Son service de renseignement infiltre les autres
mouvements libanais. Il est dirigé par Wafic Safa, l’homme des négociations avec le BND, le service de
renseignement allemand, à propos des otages israéliens détenus par le
Hezbollah, une affaire qui va prendre du temps, je le crains.
Israël et le Hezbollah sont des ennemis, mais
ils se respectent. Les Israéliens n’ont pas tué un seul membre des 75 plus
hauts responsables du Parti de Dieu depuis dix ans. Ils connaissent le prix
d’un tel crime. De son côté, le Hezbollah connaît parfaitement la vie politique
israélienne.
Comme Israël, le Hezbollah est attaché à la
guerre psychologique. En 2001, il a construit des studios souterrains, d’où sa
chaîne de télévision al-Manar diffuse, alors que le
Liban est sous les bombes. Influencer les masses arabes a toujours revêtu une
grande importance pour le Hezbollah.
Israël peut-il briser l’appareil militaire du
Hezbollah ?
Cela dépend du nombre de missiles qu’il leur reste. Les Israéliens ont tiré sur des camions qui transportaient des missiles longue portée. Ils ont cherché à les exposer pour les neutraliser rapidement. Mais le Hezbollah est expert en matière de guérilla. Le briser me semble très très difficile.
Quel est le but ultime du Hezbollah au Liban ?
Se doter d’une plate-forme qui lui permette de
continuer la lutte armée contre
Israël.
Son agenda dépasse le cadre libanais, il est dicté par l’Iran. N’oubliez
pas qu’il garde aussi une capacité terroriste à l’étranger. Nasrallah
appelle à la fin du confessionnalisme politique au Liban.
Étant les plus nombreux, s’il y a des élections
démocratiques, leurs partisans chiites les remporteront, et il y aura un mini-
Iran aux portes d’Israël.