www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
LA MAISON QUE CHIRAC N'A PAS REUSSI A CONSTRUIRE
Article par Amir Taheri,
journaliste
Paru dans le Jerusalem Post du 20
septembre 2006
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com
N'ayant pas réussi à arrêter la guerre en Irak, le
président Français Jacques Chirac est déterminé à empêcher une issue similaire
en Iran. "Il n'y aura pas de guerre contre l'Iran" c'est ce
qu'aurait dit Chirac à un émissaire de la République islamique lors d'une
visite à Paris la semaine dernière. "La France s'opposera résolument à
autre chose que des négociations"
L'histoire ne se répète pas, mais il est difficile d'oublier
les promesses similaires de Chirac faites à Saddam Hussein en mars 2003, quelques
semaines avant que la coalition menée par les Etats-Unis n'envahisse l'Irak.
Il est maintenant clair que les assurances données par
Chirac ont joué un rôle crucial, persuadant Saddam Hussein de ne pas offrir les
concessions qui auraient pu éviter une guerre et le changement de régime. Selon
l'ex-vice président Tareq Aziz, s'exprimant depuis sa
cellule devant des enquêteurs Américains et Irakiens, Saddam était convaincu
que les Français, et dans une moindre mesure, les Russes allaient sauver son
régime à la dernière minute.
Quelques heures avant qu'il ne s'envole pour New York pour
assister à l'Assemblée Générale de l'Onu, Chirac a laissé tomber la seule
condition que le groupe des 6 (membres permanents du Conseil de Sécurité plus
l'Allemagne) avait exigé de l'Iran comme prélude à des négociations. Chirac a
dit "On ne doit pas demander à l'Irak d'arrêter l'enrichissement
d'uranium comme condition préalable, et il est insensé de traîner la République
Islamique (pour des sanctions) devant le Conseil de Sécurité"
Cela signifie que l'administration Bush a perdu la seule
concession obtenue des alliés Européens comme incitation pour qu'elle prenne
part aux pourparlers avec l'Iran. Grâce à Chirac, le président Mahmoud Ahmedinejad apparaît comme ayant gagné une victoire
diplomatique contre le président G W Bush.
Pourtant l'Iran continue d'appliquer une stratégie pour
neutraliser toute sanction qui pourrait lui être imposée. Diverses facettes à
cette stratégie:
- les avoirs iraniens sont replacés en des lieux où ils ne
seront ni saisis ni gelés. Depuis quelques mois des milliards $ ont été
transférés des banques occidentales vers des institutions financières moins
enclines à obéir aux injonctions de Washington, dans le Golfe, par exemple.
- les produits à double usage (pacifique et en vue d'une
bombe nucléaire) qui pourraient être interdits aux importateurs iraniens ont
été massivement stockés. Téhéran a contacté les hommes d'affaires Iraniens en
Occident pour les aider financièrement afin qu'ils s'approvisionnent rapidement en marchandises
susceptibles de subir des sanctions.
Ces achats massifs ont créé un embouteillage dans les
principaux ports Iraniens, y compris Bandar Abbas,
qui ont vu les temps d'attente doubler, alors que des queues continues de
camions arrivaient de Turquie. Dans la plupart des cas, les opérations
d'importation sont exécutées "militairement" par la branche
commerciale des Gardes Révolutionnaires.
- une forte action diplomatique a été menée par l'Iran pour
contrer d'éventuelles sanctions. 116 des 192 membres de l'Onu soutiendraient la
République Islamique dans ses revendications nucléaires. Même si le Conseil de Sécurité
finit par imposer des sanctions à Téhéran, il n'est pas du tout certain que ses
décisions seront respectées par une majorité des membres de l'Onu. Par ailleurs
l'idée de geler les avoirs d'officiels Iraniens est vaine, ceux-ci ayant déjà
pris les mesures de précaution adéquates.
Paradoxalement cependant, le succès de Téhéran dans ses
efforts pour neutraliser d'éventuelles sanctions pourrait hâter leur imposition
par le Conseil de Sécurité. La raison en est que les amis de l'Iran qui y
siègent, la Russie et la Chine, pourraient décider qu'il est inutile de se
quereller avec Washington sur des sanctions, puisque celles-ci n'auraient que
peu d'effets sur l'Iran. La loi des conséquences non désirées pourrait aussi
fonctionner d'une autre manière. Si les sanctions s'avèrent inutiles, les
Etats-Unis et leurs fidèles alliés pourraient décider que la seule possibilité
d'action pour convaincre l'Iran est militaire. En d'autres termes le succès de
Téhéran pour neutraliser les sanctions pourrait rendre une opération militaire
inévitable.
Selon des sources à Téhéran, Ahmedinejad
aurait déjà pris en compte cette éventualité.
"Une opération militaire limitée conviendrait à Ahmedinejad. Les Américains se montreraient, enverraient
quelques missiles, frapperaient quelques sites et partiraient. Le président
Iranien montrerait à la télévision quelques enfants et vieillards tués par les
Américains, déclarerait une victoire et poursuivrait ses plans avec une plus
grande vigueur", voilà ce que dit un ancien ministre Iranien.
Ahmedinejad a montré
un visage très confiant lors de son apparition médiatisée au sommet des
non-alignés à la Havane et lors de son discours enflammé à la tribune de l'Onu
à New york. Cet homme pense qu'il a gagné la première manche dans sa bataille
contre le grand Satan américain. Qualifiant ses prédécesseurs d'hommes faibles
cédant à la pression américaine, Ahmedinejad compte
sur son image musclée pour aider ses partisans à gagner de cruciales élections pour
les conseils locaux du gouvernement et pour l'Assemblée des Experts qui nommera
le prochain "Guide Suprême" à l'automne.
Quoique attendu, le soudain changement de position de la
France a laissé en lambeaux l'"alliance" formée difficilement par la
Secrétaire d'Etat Condolleza Rice.
N'ayant pas réussi à définir une politique Iranienne durant 5 ans,
l'administration Bush était contente de cacher cette lacune, en ralliant
l'option européenne. La décision de Chirac d'ôter cette feuille de figuier
ramène le débat à Washington, pour savoir quoi faire de ce régime messianique
décidé à redessiner le Moyen Orient selon sa propre vision et défiant la
doctrine Bush.
En se dégageant des pressions extérieures et en projetant
une image de vainqueur invincible, Ahmedinejad a
renforcé sa position dans son pays. Mais là aussi la loi des conséquences non
désirées s'applique: si les Etats-Unis décidaient qu'il était temps de ramener
cet extrémiste à ses justes dimensions et poussaient la carte nucléaire, ils l'aideraient
à consolider son pouvoir dans son pays. Et alors cet homme ne pourrait plus accepter
un quelconque compromis, nécessaire pour éviter un conflit.