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PREMIERE DEFAITE POUR LES ULTRACONSERVATEURS EN IRAN

 

Par Etemad e-Melli

Traduit par Courrier International N°846 -17/1/07

 

En Iran, le peuple a toujours voté pour la mouvance au pouvoir. L’échec électoral du président Ahmadinejad et de son gouvernement est une véritable surprise, affirme le quotidien de Téhéran.

Les réactions du gouvernement aux résultats des élections du vendredi 15 décembre montrent qu’il est dépassé par les événements. [Les Iraniens ont voté pour désigner leurs conseillers municipaux et les 86 membres de l’Assemblée des experts.] En effet, contrairement aux prévisions, c’est l’ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani [président du Conseil de discernement de l’intérêt supérieur de l’Etat et vice-président du Conseil des gardiens de la Constitution] qui semble sortir grand vainqueur de l’élection à l’Assemblée des experts [instance majeure du système politique iranien, elle élit le guide suprême de la révolution]. Rafsandjani arrive premier de l’élection à Téhéran, alors que l’ayatollah Mesbah-Yazdi, proche du président Ahmadinejad, n’arrive qu’en sixième position.
Les organisateurs de l’élection pensaient que la participation serait faible et qu’ils pourraient ainsi facilement manipuler les résultats pour placer leurs pions. Malheureusement pour eux, la participation a presque atteint les 60 %. Ils étaient tellement convaincus que la fraude serait facile qu’ils n’ont même pas jugé utile de s’allier aux autres conservateurs, surtout pour gagner la mairie de Téhéran, un projet dans lequel le président iranien [maire de Téhéran de 2003 à 2005] s’est beaucoup investi. Le gouvernement a même payé les frais de campagne de la liste menée par la sœur d’Ahmadinejad. Beaucoup ont d’ailleurs critiqué cette participation d’un proche du président à l’élection.
Ces élections représentent un échec très important pour le gouvernement. L’erreur des conservateurs a été de penser que les réformateurs ne seraient pas capables de s’unir. Mais, grâce à l’intelligence de Mohammad Khatami [président de 1997 à 2005, réformateur], à la bonne volonté d’Ali Akbar Hachemi Rafsandjani et surtout à la diplomatie de Mehdi Karroubi [candidat réformateur arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2005], la page des divisions internes a été tournée. Tout pousse à croire que le gouvernement a été très choqué par la décision du peuple, car c’est une situation inédite. Que ce soit sous la présidence d’Ali Khamenei [1981-1989], de Rafsandjani [1989-1997], le peuple vote toujours pour la mouvance au pouvoir lors des élections municipales.
Aujourd’hui, le gouvernement d’Ahmadinejad se trouve face à un examen historique fondamental. Les autorités tentent de retarder la publication des résultats des élections municipales, mais ce n’est pas la bonne solution. Rien n’est plus important pour un gouvernement que de garder la confiance du peuple. On ne peut tirer aucun profit national en allant à l’encontre de la volonté du peuple. Ceux qui ont été battus doivent être capables d’accepter cette défaite. Tout le monde se souvient que, lorsqu’ils ont été battus, les réformateurs ont accepté leur défaite et l’ont révélée très vite lorsqu’ils étaient les organisateurs des élections. Le gouvernement réformateur a honorablement accepté les résultats et a abandonné le pouvoir, montrant ainsi qu’il considérait la voix du peuple comme la plus importante. C’est une leçon que le gouvernement actuel doit apprendre.

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LA PRESSE SE DECHAINE CONTRE LE PRESIDENT AHMADINEJAD

 

Par Hamdam Mostafavi

Traduit par Courrier international N°846 - 17 janv. 2007

 

Le président iranien est sans doute dans une position bien plus faible qu'il n'y paraît. Qu'ils soient réformateurs ou proches des religieux au pouvoir à Téhéran, les journaux critiquent durement ses escapades géopolitiques et son insistance sur le dossier nucléaire.

 

"Mais que fait le président en Amérique latine ?" interpelle Etemad e-Melli. "Pendant que la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice fait du lobbying auprès des régimes arabes, notre président se trouve à l'autre bout du monde à serrer les mains des héritiers de Simón Bolívar. Quelle est la stratégie du président ?" demande le journal. "La stratégie américaine est claire, ils essaient de nous isoler régionalement. Nous sommes dans une situation difficile et les choses ne risquent pas de s'améliorer. Notre première priorité devrait être de concentrer nos efforts diplomatiques sur le Moyen-Orient, notamment vers l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Jordanie, les Emirats arabes unis."

"Pourquoi parlez-vous sans cesse du dossier nucléaire ?" questionne de son côté le quotidien ultraconservateur Jomhouri Islami. "Dans vos déplacements en province, vous revenez systématiquement à ce problème. Ce n'est pas le rôle du président que de traiter de ce type de problème à la moindre occasion", estime le journal. "Vous ruinez les efforts diplomatiques avec vos déclarations. Laissez ceux qui sont en charge du dossier faire leur travail et ne revenez sur ce problème que lors de rassemblements importants", demande le journal. "Vous avez récupéré politiquement la défense de notre droit au nucléaire", considère le quotidien. "Cette bataille n'appartient pas à votre gouvernement. Elle a été défendue par tous les gouvernements passés et par le guide suprême de la révolution. Votre attitude laisse croire que vous cherchez à occulter les autres problèmes", suggère le quotidien religieux, proche d'Ali Khamenei.

Le guide suprême de la révolution islamique, qui avait pourtant propulsé Ahmadinejad au pouvoir, semble désavouer son ancien poulain. Pour le régime, il devient préférable de mettre en avant les excès du président et de le présenter comme un homme isolé. Dans le système de la République islamique, le président est souvent réduit à un rôle "cosmétique". Alors que Mohammad Khatami (président de 1997 à 2005) incarnait le courant réformateur du régime, apparu pour rassurer les Occidentaux, Mahmoud Ahmadinejad est présenté désormais comme un élément incontrôlable qu'il suffit de déboulonner pour rendre le régime à nouveau acceptable.

Beaucoup de voix dans le pays se font entendre pour appeler Ahmadinejad à régler plutôt les problèmes internes, notamment économiques. Un groupe de députés réformateurs et modérés fait signer des pétitions pour obliger le président à rendre des comptes sur sa politique. Aftab-e Yazd rappelle que le président n'a pas tenu ses promesses. "Ne tardez plus, Monsieur le Président", demande le quotidien réformateur. "Pendant la campagne présidentielle, une des promesses les plus importantes du candidat Ahmadinejad était de lutter contre la corruption, la mafia du pétrole et de redistribuer les revenus du pétrole aux pauvres. Mais jusqu'à maintenant, rien n'a été fait. Le peuple exige que le président sanctionne les personnes corrompues qui s'enrichissent et mettent les Iraniens dans une situation précaire", insiste le journal, qui souhaite des explications sur "l'augmentation récente des prix des biens de consommation courante, comme la viande, les œufs, etc."

Le quotidien économique Donya e-Eqtesad appelle quant à lui depuis plusieurs semaines le gouvernement à une gestion plus rationnelle des ressources de l'Etat, en réduisant la dépendance aux revenus du pétrole et en maîtrisant l'inflation. Quand il aura géré tous ces problèmes, "s'il lui reste un peu d'énergie, Mahmoud Ahmadinejad pourra aller défendre nos intérêts par-delà les océans", ironise Etemad e-Melli.