www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
Relance de la révolution,
suppression des libertés civiles
Paru
dans The Economist du 23 août 2007
Traduction
par Menahem Macina pour UPJF
Si
les nouvelles se limitaient à des grâces, telles la libération, sous
caution, de Halef Esfandieri, universitaire irano-américain âgé de 67 ans,
après six mois passés en prison sur accusation d'espionnage ; ou
l'amnistie accordée à 4 000 prisonniers, à l'occasion du 20ème anniversaire
de la mort de l'Imam Hussein, martyr shiite révéré, la confiance de
M. Shahrudi pourrait se justifier. Mais ces événements bienvenus interviennent
sur une sombre toile de fond, alors que le gouvernement du Président Mahmoud
Ahmadinejad mène une intense campagne visant à réimposer la ferveur morale et
le zèle xénophobe des premières années de la Révolution islamique.
L'ensemble
du monde peut s'inquiéter des ambitions nucléaires de l'Iran. Mais,
pour de nombreux Iraniens, le problème qui commence à l'emporter sur leurs
autres soucis -dont la pauvreté, le chômage et le danger de guerre avec
l'Amérique - est celui des droits de l'homme.
Rien
là de surprenant. Les derniers mois ont vu la plus grande répression des
libertés civiles depuis les années 80. Des purges de suspects de
libéralisme ont décimé les facultés universitaires, et de multiples
fermetures de campus ont réduit au silence une presse d'opposition jadis
bruyante. Mme Esfandiari était la plus connue des quatre universitaires
irano-américains incarcérés au début de cette année pour de prétendus
liens avec les services secrets américains. Ses collègues sont toujours
en prison. Mais depuis le printemps, une vague d'arrestations a pris pour
cible tout un chacun, depuis des défenseurs des droits des femmes,
jusqu'à des responsables estudiantins, des syndicalistes et des
journalistes critiques, encombrant si massivement les prisons du pays, que
la police exproprie d'autres bâtiments pour en faire des lieux de détention
provisoires.
Les
militants politiques ne sont pas seuls à être en danger. Des
fonctionnaires se targuent de ce que leur campagne contre le
"mauvais hijab" [le voile incorrect], qui a consisté
à avertir, signaler, ou placer en détention des femmes considérées comme
insuffisamment couvertes. Cette campagne s'est étendue également aux jeunes
sportifs à la coupe de cheveux occidentale, aux fans de rock, aux
commerçants qui vendent des vêtements indécents, aux couples non
mariés. A elle seule, elle a permis d'arrêter plus de 500 000 contrevenants
depuis avril. Et contrairement aux précédentes mesures en vigueur
concernant les règles d'habillement, qui tendaient à se relâcher après
quelques semaines, la rigueur de l'intervention actuelle semble
aller croissant. Des écriteaux sont apparus à l'extérieur d'hôpitaux publics,
avertissant que seules recevraient de l'aide médicale les femmes revêtues
du tchador, de la tête aux pieds, et non d'un simple foulard.
Autant
que l'ampleur de cette répression, c'est sa sévérité qui suscite la
stupeur. Beaucoup d'opérations policières on fait l'objet de plaintes pour
brutalités, et, dans de nombreux cas, il y a des preuves
documentaires - telles des scènes brutales de coups, qui ont été filmées
et dont les vidéos ont été mises en ligne sur des sites Web dissidents. Malgré
la surpopulation carcérale, le recours punitif à l'isolement semble être devenu
plus courant. Le nombre d'exécutions a presque doublé, l'an dernier, atteignant
les 177, ce qui confère à l'Iran la distinction douteuse d'être l'utilisateur
le plus massif de la peine capitale, par tête d'habitants. Cette année-ci
a vu non seulement un bond supplémentaire dans le nombre de mises à mort
judiciaires, mais le retour des pendaisons collectives publiques, qui sont
souvent diffusées à la télévision d'Etat.
Un
traitement aussi sévère, disent les défenseurs des droits humains, est, pour
une part, un produit de l'atmosphère paranoïde, créée par un gouvernement
qui a délibérément fait l'amalgame entre toute forme de désobéissance
civique et de prétendus complots étrangers. Les récentes remarques
du chef de la police du pays rendent ce lien explicite. Quand elles se
seront occupées des "propagateurs de décadence morale", a-t-il dit,
ses forces tourneront leur attention sur ceux qui "font des théories
sur la corruption", tels les critiques qu'il lie à des conspirations
étrangères visant à un "renversement en douceur" de la République
Islamique.
L'opposition
intérieure
Mais
les espions étrangers et les libéraux décadents ne sont pas les seuls
détracteurs du régime. Le juge de haut rang, M. Shahduri
lui-même, a exprimé sa consternation face aux mesures du
gouvernement. En juillet, il a condamné la lapidation à mort d'un homme
accusé d'adultère, et, ce mois-ci, il a donné son accord à une amnistie
collective dans ce qui a été considéré comme un signe de malaise à
l'égard des excès de la police. Il s'est également associé à un large
éventail d'anciens fonctionnaires, économistes, cadres du pétrole et hommes
d'affaires, en attaquant les mesures économiques sauvages et
autocratiques de M. Ahmadinejad, dont celles qui ont consisté à forcer des
banques à réduire drastiquement les taux d'intérêt, à engager des dépenses
extravagantes dans de coûteux projets d'infrastructure, et à remplacer des
technocrates respectés par des copains du président.
Beaucoup
de personnalités appartenant à l'establishment s'accordent à dire que, plus que
la menace américaine, ce sont ces mesures qui mettent le pays en danger.
Disons, pour paraphraser ce qu'a affirmé Monsieur Shahrudi dans une récente
interview, que si l'Iran souhaite que sa révolution soit un modèle, un bon
point de départ serait de mettre de l'ordre dans son économie. Un autre moyen
consisterait à mieux traiter son peuple.