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Par Charles Krauthammer,
journaliste au Washington Post
Paru dans le Washington Post le
25/12/09
Traduit et adapté par Albert Soued, www.symbole.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com – Voir aussi les 50 derniers articles du site
-
Ce mardi, le président Iranien Mahmoud Ahmadinejad n'a pas seulement rejeté la dernière proposition
de date limite du président Obama, pour cesser tout programme militaire
nucléaire, pourtant date flottante et inconséquente, il a aussi craché au
visage de notre président, en déclarant que l'Iran continuera à résister
jusqu'à ce que les Etats-Unis se débarrassent de leur propre arsenal nucléaire,
soit 8000 têtes. C'est ainsi que se termine l'année de la politique
d'"engagement", de la main tendue, des excuses gratuites, et aussi
des centrifugeuses, des fusées à 2 étages et des installations secrètes
d'enrichissement, année qui a amené l'Iran à devenir bientôt une puissance
nucléaire.
Nous avons perdu une année. Mais pas n'importe quelle année ! Une année d'occasions
spectaculairement ratées. En Iran, c'était une année de révolution, avec des
élections présidentielles contestées et culminant cette semaine en d'énormes
manifestations pour pleurer la mort du dissident et Grand Ayatollah Hossein Ali
Montazeri et pour demander, non plus de nouvelles élections, mais le
renversement du régime dictatorial des mollahs.
Obama a répondu en prenant ses
distances par rapport à cette éclosion de la liberté en Iran.
D'abord, un silence scandaleux.
Puis quelques mots de soutien, sans beaucoup d'enthousiasme, suivis d'une cour
assidue auprès d'un régime honni. Offre après offre, geste après geste, non pas
à l'Iran, mais à la "République islamique d'Iran", comme l'appelle
avec tant de respect notre président, en donnant toute légitimité et importance
à des religieux fascistes et en perte de vitesse.
Pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là
cette révolution aurait pu réussir: il s'agit d'un tournant historique
imperceptible, où ceux qui sont au pouvoir ont compris que leur régime n'avait
plus l'appui du Ciel.
Pourquoi tout au long de cette
année 2009, les Etats-Unis ont-ils aidé une dictature en déclin à s'affirmer,
ont-ils conversé avec des ayatollahs qui désespèrent de maintenir leur pouvoir ?
En plus de mettre ce régime de
gangsters au ban de la société, nous aurions dû encourager et renforcer les
manifestants et les dissidents. Ce n'est pas une affaire futile, car
poursuivis, battus, arrêtés et emprisonnés, ces dissidents peuvent aisément
succomber au sentiment d'isolement et au désespoir.
Natan Sharanski a été le témoin
de l'effet électrisant qu'avait le discours de Ronald Reagan à propos de
l'Empire du Mal, et ses mots ont donné de l'espoir aux prisonniers du goulag.
Les nouvelles se propageaient de cellule en cellule, selon un code tapé contre
les cloisons. Ils avaient compris qu'ils n'étaient pas seuls, que l'Amérique s'était
engagée à leurs côtés.
Quant à l'Iran, Obama est resté tellement
distant des opposants au régime, que lors de la journée "Hate America
day", anniversaire du 4/11 où l'ambassade américaine à Téhéran a été
occupée par les Gardiens de la Révolution, les contre-manifestants pro-Américains
ont chanté "Obama, Obama, tu es
avec nous ou avec eux ?"
(c'est-à-dire les manifestants amenés par les oppresseurs)
Cette froide indifférence est
plus que la trahison de nos valeurs, c'est une faute stratégique de premier
ordre (1).
Oublions les Droits de l'Homme.
Et supposons que nous sommes préoccupés par le seul problème nucléaire. Comment
le désamorcer ? Le temps et l'expérience ont montré que les négociations avec
des fascistes illuminés ne menaient nulle part. Et quelles que soient les
sanctions obtenues à travers l'Onu, elles seront inefficaces, car partielles,
sans volonté réelle et tardives. Le seul
espoir réel réside dans le changement de régime. Rappelons que l'ayatollah Montazeri, révéré et largement
soutenu, a émis "une fatwa" contre les armes nucléaires. Et même si
un nouveau gouvernement poursuivait le programme nucléaire actuel, la menace
nucléaire serait atténuée, parce qu'alors cette menace viendrait du régime
lui-même et non de la bombe. Toute prolifération est inquiétante, mais un
gouvernement pro-occidental à Téhéran pourrait changer la donne stratégique, la
menace devenant alors minimale et gérable (cf Inde ou Grande Bretagne, pays
amis qui ont la bombe)
Que devrions-nous faire ? Exercer
une pression de l'extérieur – couper la fourniture d'essence par exemple – pour
renforcer la pression intérieure. Cette
pression doit avoir pour objectif le changement de régime et non pas une
attaque contre les installations nucléaires, attaque qui ne serait pas populaire.
Il faut soutenir l'opposition
malgré qu'elle ne soit pas unie, par exemple, sur le plan technique en matière
de communication et de diffusion de l'information (cf Solidarnosc en Pologne,
dans les années 80). En plus d'un appui souterrain, il faudrait un soutien
diplomatique au plus haut niveau: dénoncer sans ambiguïté la sauvagerie du
régime et ses persécutions, de la même manière que l'appui donné aux causes de Natan
Sharansky et d'Andrei Sakharov et qui a entraîné la chute du régime soviétique.
Cette révolution réussira-t-elle
? Difficile de répondre, mais si c'est le cas, la récompense sera immense et
les effets indirects seront importants allant du Liban jusqu'en Irak et en
Afghanistan, où les ayatollahs soutiennent les insurgés et la terreur, tuant
des Américains et leurs alliés. Un changement de régime en Iran désamorcera les
risques de guerre au Moyen Orient où les alliés des ayatollahs, Hezbollah et
Hamas, continuent d'affûter leurs armes
D'une manière ou de l'autre,
l'Iran dominera l'an 2010; il faut peut-être s'attendre à une attaque d'Israël,
si l'Iran a traversé le Rubicon nucléaire. A moins que la révolution du peuple
iranien ne l'emporte. C'est pourquoi notre réserve et notre mutisme à son
égard sont impardonnables.
Note
(1) sommes-nous gouvernés par un
ami des tyrans, un usurpateur, un communiste caché ?
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