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Israël est-il Esseulé
contre l'Iran ?
Par
Emmanuel Navon, dirige le
Département de Science politique et de Communication au Collège universitaire
orthodoxe de Jérusalem, et enseigne les Relations internationales à
l'Université de Tel- Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est
membre du Forum Kohelet de politique publique.
I24News- 16/10/13
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Il y a quelque chose de symbolique
dans le fait que l'ONU et la Suisse, les hôtes des négociations avec l'Iran,
aient décidé de couvrir une célèbre sculpture murale du Palais des Nations
à Genève, où se tiennent les négociations. La sculpture murale s’appelle "La
Création de l'Homme" et dépeint un homme nu. Les hôtes des pourparlers
ont semble-t-il pensé que ce patrimoine artistique historique offenserait
les délégués iraniens. Si les puissances négociatrices (les Etats-Unis, la
Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne) sont tellement
préoccupées par les sensibilités iraniennes, n’auront-elles pas des scrupules
à affronter l'Iran sur son programme nucléaire?
Dans son discours à l'ONU il y a
deux semaines, le Premier ministre Netanyahou a déclaré que "l'Iran veut
être en mesure d’accélérer la construction d'armes nucléaires avant que la
communauté internationale ne puisse détecter et empêcher une telle
construction” et que l’Iran veut amasser suffisamment "de matériaux
nucléaires et d'infrastructures nucléaires pour construire une bombe au moment
où il choisira de le faire". C'est pourquoi Netanyahu a énuméré quatre
conditions pour que les négociations avec l'Iran aboutissent :
1. Cessation de tout
enrichissement d'uranium ;
2. Retrait des stocks
d'uranium enrichi du territoire iranien ;
3. Destruction des
infrastructures permettant la construction d’une bombe (y compris
l'installation souterraine de Qom et les centrifugeuses avancées à Natanz ) ;
4. Cessation de tous les
travaux sur le réacteur à eau lourde en Irak destiné à la production de
plutonium.
Les puissances négociatrices sont
prêtes à se contenter de moins que cela. De beaucoup moins. Elles semblent
prêtes à un accord dans lequel l'Iran s'engagera à ne pas produire d’armes
nucléaires, mais sera autorisé à produire une grande quantité d'uranium et de
plutonium hautement enrichis -deux ingrédients qui sont nécessaires pour
construire une arme nucléaire. Le problème est que le développement et la
fabrication de composants d'armes nucléaires sont très difficiles à détecter.
Ainsi, dans l’accord qui semble émerger entre l'Iran et les puissances
négociatrices, il sera presque impossible de savoir si l'Iran a effectivement
des armes nucléaires. L’Iran sera en mesure de garder le secret autour de ses
armes nucléaires, et il pourrait même adopter la politique israélienne
d'"ambiguïté nucléaire".
Si les Etats-Unis sont prêts à
accepter un tel accord, les sanctions contre l'Iran seraient allégées voire
abrogées. L'Iran pourrait aussi exiger, et probablement obtenir, un engagement
américain pour empêcher une attaque israélienne et pour faire cesser le soutien
aux groupes d'opposition iraniens. Dans un tel scénario, les Etats-Unis
seraient en mesure d'affirmer qu'ils ont empêché l'Iran d'obtenir des armes
nucléaires. Pour l'Iran, un tel accord offrirait une protection contre une
attaque israélienne, affaiblirait l'opposition interne, et allègerait ou même
abrogerait les sanctions économiques. En même temps, l'Iran serait en mesure de
produire secrètement plus de matériaux pour la bombe. Un tel accord serait
excellent pour l'Iran, mais terrible pour Israël, parce qu'Israël ne serait pas
en mesure de détecter si oui ou non l'Iran construit une bombe, et parce
qu'Israël ne serait pas en mesure d'empêcher l’Iran à atteindre la capacité
nucléaire militaire.
Israël a de bonnes raisons de
douter de la capacité (ou de la volonté) des États-Unis d’empêcher l'Iran
d’atteindre la capacité nucléaire militaire, car pas moins de quatre pays ont
obtenu des armes nucléaires sous le nez de l'Amérique : Israël lui-même (dans
les années 1960), l'Inde (en 1974), le Pakistan (en 1998), et la Corée du Nord
(en 2006). La Corée du Nord a gagné du temps avec succès en trompant la
communauté internationale. Les deux seuls pays qui ont abandonné leurs
programmes nucléaires sont l'Afrique du Sud (en 1989) et la Libye (en 2003).
Les sanctions économiques ont joué un rôle majeur pour convaincre l'Afrique du
Sud d’abandonner son programme nucléaire. Quant à la Libye, l'intervention
militaire des Etats-Unis en Irak en
En d'autres termes, il n'existe
aucun précédent de démantèlement d’un programme nucléaire militaire grâce à la
diplomatie. Ce qui a fonctionné jusqu’à présent, ce sont les sanctions
économiques dans le cas de l'Afrique du Sud, et la menace militaire dans le cas
de la Libye (comme dans le cas des armes chimiques de la Syrie), Netanyahou a
donc raison de dire que pour que les négociations actuelles avec l'Iran
réussissent, les sanctions doivent être maintenues et même renforcées, et la
menace militaire doit être plus crédible que jamais.
Le problème d'Israël n'est pas que
l'Occident n'est pas d'accord avec l'argument imparable de Netanyahou. Le
problème est que l'Occident est prêt à se satisfaire de ce qui est inacceptable
pour Israël. Les Etats-Unis et l'Europe laisseront sans doute l'Iran enrichir
de l'uranium et du plutonium tant que l’Iran ne construira pas de bombe.
Mais pour Israël, cela
signifierait donner à l’Iran la possibilité de construire une bombe à tout
moment.
L'homme nu sur le mur du Palais
des Nations à Genève peut être couvert pendant la durée des pourparlers, mais
le roi est nu : l'Iran et les Etats-Unis sont apparemment prêts à une formule
de compromis qui leur permettra de sauver la face.
Si tel est le cas, Netanyahou
arrivera inévitablement à la conclusion qu'Israël est seul.
Et comme il l’a dit dans son
discours à l'ONU : "Si
Israël est acculé à la solitude, Israël agira seul".